Diplomatie, droits de douane, frontières... Après trois mois, Donald Trump a-t-il déjà tenu ses promesses?

Trois mois d'intenses bouleversements. De retour à la Maison Blanche après en avoir chassé les démocrates, Donald Trump a promis que son second mandat inaugurerait un nouvel "âge d'or de l'Amérique".
Après avoir placé ses fidèles soutiens aux plus hautes fonctions, le président américain a réformé dans tous les domaines à un rythme effréné, comme le montre l'impressionnante somme de décrets signés quasi quotidiennement dans le Bureau ovale. Si le républicain revendique déjà de nombreuses "victoires", le tableau n'est pas aussi rose qu'il ne le prétend.
· Immigration: une politique d'ultra-fermeté au bord de la légalité
Dénonçant une "invasion" d'immigrants venant "empoisonner le sang" des Américains, Donald Trump avait promis pendant sa campagne de déclencher "la plus grande opération d'expulsion de l'histoire des États-Unis".
Depuis son entrée en fonction, "plus de 100.000 immigrants illégaux" ont été expulsés, affirme une note de la Maison Blanche publiée le 4 avril. Sur ses réseaux sociaux, la présidence met en scène l'expulsion par avion de migrants filmés menottes aux poignet et chaînes aux pieds. Si ces chiffres sont conséquents, il est encore trop tôt pour dire que Donald Trump en fait davantage que son prédécesseur démocrate. En 2024, l'administration Biden avait procédé à plus de 271.000 expulsions, un record.
À la frontière avec le Mexique, les chiffres semblent en revanche montrer une nette baisse des flux migratoires depuis l'arrivée au pouvoir de Donald Trump. En mars, le nombre de migrants interceptés était de 7.000 "contre une moyenne mensuelle de 160.000 sous Joe Biden", se félicite la secrétaire à la Sécurité intérieure Kristi Noem.
Comme annoncé dans son discours d'investiture, Donald Trump a invoqué une loi de 1798 réservée aux temps de guerre pour expulser en urgence des membres présumés du gang vénézuélien Tren de Aragua, défiant l'avis contraire d'un juge qu'il a ensuite appelé à destituer. Après avoir rappelé que les personnes visées par cette loi avaient le droit de "former un recours", la Cour suprême a finalement suspendu l'expulsion programmée d'autres Vénézuéliens détenus au Texas.
Cette politique d'ultra-fermeté ne se fait pas sans bavure. La Maison Blanche a ainsi reconnu avoir renvoyé par erreur un Salvadorien, Kilmar Abrego Garcia, vers son pays d'origine. Marié à une Américaine, l'homme avait été arrêté sur le parking d'un magasin Ikea sous les yeux de son fils de 5 ans. Malgré les pressions judiciaires pour le faire revenir, l'administration Trump a exclu de faire machine arrière et accusé Kilmar Abrego Garcia d'être un membre du gang MS-13.
Avant d'être transféré dans un autre établissement, le père de famille a été détenu, comme les membres présumés du gang Tren de Aragua, dans une giga-prison (Cecot) construite au Salvador par son président Nayib Bukele. Lundi, ce dernier a affiché sa bonne entente avec Donald Trump dans le Bureau ovale. Les deux hommes ont même ouvert la voie à l'incarcération de criminels américains au Salvador.
· Des guerres toujours en cours malgré les promesses d'y mettre fin
"L'héritage dont je serai le plus fier sera celui d'un artisan de la paix", avait promis Donald Trump dans son discours d'investiture. Depuis son retour à la Maison Blanche, le président américain peine pourtant à résoudre les deux conflits dans lesquels il s'est investi, en Ukraine et au Moyen-Orient.
Le premier est encore très loin de se terminer malgré ses promesses d'y mettre fin "en un jour". Rompant radicalement avec la ligne partagée par son prédécesseur et les autres Occidentaux, Donald Trump a renoué le contact avec Vladimir Poutine et mis une pression maximale sur le président Volodymyr Zelensky, humilié devant les caméras du monde entier dans le Bureau ovale.
Mais ces méthodes ont jusqu'ici donné des résultats limités. Donald Trump n'a obtenu de la Russie qu'une cessation - peu respectée - des frappes sur les sites énergétiques et une trêve aux contours encore incertains en mer Noire. Le cessez-le-feu total de 30 jours, accepté par Kiev, a est à ce stade rejeté par Moscou.
S'il s'est rapproché des positions du Kremlin, quitte à faire sien le narratif russe d'une guerre déclenchée par l'Ukraine, Donald Trump s'est aussi agacé du peu d'entrain mis par le Kremlin pour faire taire les armes. Les Russes "bombardent comme des fous", s'est-il emporté début avril, se disant "très énervé" contre Vladimir Poutine. Ce vendredi, il a prévenu que les États-Unis pourraient bientôt "passer à autre chose" s'il devenait impossible de conclure un accord de paix.

À Gaza, Donald Trump et Joe Biden se disputent le mérite du cessez-le-feu conclu en janvier 2025, juste avant l'entrée en fonction officielle de Donald Trump. Cette trêve a permis la libération de 25 otages - dont deux Israélo-Américains - et le retour des corps de huit autres. Mais à la mi-mars, la guerre a repris de plus belle dans l'enclave, que le promoteur immobilier espère transformer en "Riviera du Moyen-Orient".
Si la reprise du conflit a déjà fait plus de 1.200 morts, et aggravé la catastrophe humanitaire, Donald Trump "soutient pleinement" l'offensive du gouvernement de Benjamin Netanyahu, décidé à définitivement chasser le Hamas de Gaza. Toutefois, les deux hommes disent récemment travailler à un nouvel accord de trêve.
· Droits de douane: panique sur les marchés
Sitôt de retour dans le Bureau ovale, Donald Trump a relancé la guerre commerciale qu'il avait déjà déclenchée durant son premier mandat. Pour le président républicain, "taxer" les pays étrangers est le meilleur moyen d'"enrichir nos citoyens".
Le mercredi 2 avril, surnommé le "Jour de la Libération", le président américain a ordonné des "droits de douane réciproques" pour tous les autres pays du monde. Dans la roseraie de la Maison Blanche, il a brandi fièrement un tableau affichant les taux - fruit d'un calcul approximatif - appliqués à chaque pays. Aucun territoire n'y échappe, pas même des îles sauvages peuplées uniquement de manchots...
L'annonce a fait trembler la planète entière et provoqué la panique sur les marchés mondiaux. Mais c'est bien à Wall Street que les dégâts ont été les plus importants: le jeudi 3 avril, la bourse de New York a signé sa pire séance depuis la crise du Covid-19 en 2020.

Une semaine plus tard, coup de théâtre: Donald Trump annonce ramener ses droits de douane à 10% pendant 90 jours pour tous les pays, à l'exception de la Chine pour laquelle les taxes douanières montent aujourd'hui à 145%. Pour les démocrates, ce revirement soudain pourrait cacher une manipulation des marchés ayant profité à des proches du président.
Le 11 avril, Donald Trump rétropédale une nouvelle fois en excluant smartphones et ordinateurs de ses "droits de douanes réciproques". Les surtaxes de 25% sur l'automobile, l'acier et l'aluminium, en revanche, s'appliquent toujours.
Japon, Taïwan, Italie: depuis deux semaines, les dirigeants du monde entier se pressent à Washington pour négocier des accords commerciaux. "Ces pays nous appellent pour nous lécher le cul (...) Ils meurent d'envie de signer un accord", a fanfaronné Donald Trump devant des élus du camp républicain.
· Diplomatie: une stratégie agressive et expansionniste
Pour Donald Trump, "rendre à l'Amérique sa grandeur" se conjugue aussi à l'international. "L'Amérique retrouvera sa place légitime de nation la plus grande, la plus puissante et la plus respectée de la planète", a-t-il annoncé le premier jour de son mandat.
Loin de se replier dans une politique isolationniste, le président américain a au contraire montrer des velléités expansionnistes. Le Canada est le premier pays à en faire les frais. Depuis son élection en novembre dernier, Donald Trump ne cesse de dire qu'il veut en faire le "51e État américain". Mais le nouveau Premier ministre Mark Carney assure que son pays ne fera "jamais partie des États-Unis".
Autre obsession trumpiste: le Groenland. Le milliardaire républicain assure que les États-Unis ont "besoin" de cette île rattachée au royaume danois pour leur sécurité, et assure qu'il finira par s'en emparer "d'une manière ou d'une autre". Mais ni le gouvernement groenlandais, ni le Danemark ne sont prêts à céder. Fin mars, le vice-président J.D. Vance s'est rendu sur place mais a dû limiter son programme à une visite de la base américain de Pituffik, sans rencontrer de Groenlandais.
Plus au sud cette fois, le président américain martèle son envie de "reprendre" le canal de Panama. Construit par les États-Unis mais cédé au Panama en 1999, ce passage clé du commerce mondial est aux yeux du républicain sous "influence chinoise". Pour l'instant, les autorités panaméennes ont autorisé le déploiement de militaires américains à proximité du canal mais rejettent l'idée de l'installation d'une base militaire américaine sur place.
En Europe, enfin, l'administration Trump est fortement critiquée pour ses tentatives d'ingérence. Le milliardaire Elon Musk, proche conseiller du président, a ainsi soutenu le parti d'extrême droite AfD aux élections législatives allemandes. Le vice-président J.D. Vance, quant à lui, a choqué les dirigeants européens en dénonçant, à Münich, un prétendu recul de la "liberté d'expression" sur le continent.
· État fédéral: des coupes budgétaires à la hache
Donald Trump a chargé Elon Musk, embauché comme "employé spécial du gouvernement", de réduire drastiquement les dépenses publiques via un Département de l'Efficacité gouvernementale (Doge).
Ces économies passent, entre autres coupes budgétaires, par le licenciement de milliers de fonctionnaires, certains remerciés du jour au lendemain. Le Département de la Santé et des Services sociaux a ainsi perdu 25% de ses effectifs après des coupes à la Food and Drug Administration (sécurité des médicaments), aux Centers for Disease Control and Prevention (santé publique) et aux National Institutes of Health (recherche médicale).

Ont aussi été visés l'agence pour le développement international (Usaid), presque entièrement démantelée, ou encore le ministère de l'Éducation, vidé de plus de la moitié de ses employés. Si l'administration ne communique aucun chiffre officiel, au moins 120.000 fonctionnaires fédéraux ont été licenciés, sur les 2,2 millions que comptent les États-Unis, selon un décompte CNN.
Ces coupes tous azimuts ont provoqué des dysfonctionnements. Le Doge a ainsi licencié en février du personnel hautement qualifié chargé de la sécurité nucléaire, avant de faire machine arrière pour les réintégrer. La purge de l'État fédéral rencontre également de nombreux obstacles judiciaires, forçant l'administration à réembaucher des milliers d'employés.
Le Doge indique sur son site avoir jusqu'ici économisé quelque 150 milliards de dollars. Loin des 2.000 milliards promis durant la campagne.
· Douches, pailles... Les normes écologiques détricotées
Climatosceptique notoire, Donald Trump a entrepris dès son retour à la Maison Blanche de "libérer l'énergie américaine" de toute régulation écologique, en commençant par sortir de l'Accord de Paris sur le climat qu'il a avait déjà quitté une première fois en 2016.
Le républicain a décrété un "état d'urgence énergétique" pour doper la production américaine d'hydrocarbures et tenir sa promesse de "forer à tout-va", un de ses slogans de campagne ("drill, baby, drill"). Se mettant régulièrement en scène avec des mineurs, casques de chantier sur la tête, Donald Trump a aussi ordonné de "doper" la très polluante extraction de charbon après des années de baisse aux États-Unis.
Par d'autres décrets à première vue plus anodins, Donald Trump a aussi affiché sa volonté de libérer les citoyens américains des règles environnementales qui, selon lui, les entravent dans leur quotidien. Le président a ainsi vanté fièrement le retour des pailles en plastique, selon lui plus solides que celles en papier qui "se cassent" une fois immergées dans une boisson.
Plus récemment, Donald Trump a signé un décret levant les restrictions de débit des pommeaux de douche, qui avaient été imposées pour limiter la consommation. "Make America's showers great again" (rendre leur grandeur aux douches américaines), a salué la Maison Blanche, déclinant le célèbre slogan MAGA de son locataire.
"J'aime prendre une bonne douche pour prendre soin de mes beaux cheveux", a déclaré le président américain aux journalistes lors de la signature du décret dans le Bureau ovale. Mais "je dois rester sous la douche pendant 15 minutes jusqu'à ce qu'ils soient mouillés. L'eau coule goutte à goutte. C'est ridicule."