Le Salvador propose d'ouvrir les portes de ses "méga-prisons" aux détenus des États-Unis

Une photo diffusée par le service de presse de la présidence du Salvador montrant le secrétaire d'État américain Marco Rubio et le président du Salvador Nayib Bukele, dans sa résidence du lac Coatepeque, le 3 février 2025. - Handout / EL SALVADOR'S PRESIDENCY PRESS OFFICE / AFP
Donald Trump a confirmé ce mardi 4 février qu'il envisageait d'envoyer des détenus américains en prison au Salvador, un projet destiné aux "criminels endurcis" qui se heurterait vraisemblablement à de nombreux obstacles juridiques.
"Si nous avions le droit de le faire, je le ferais sans hésiter", a expliqué le président américain dans le Bureau ovale. "Je ne sais pas si c'est le cas, nous sommes en train d'étudier la question."
"Ce n'est pas différent de notre système pénitentiaire, sauf que cela coûterait beaucoup moins cher et serait très dissuasif", a-t-il estimé.
En échange d'un paiement
Le président salvadorien Nayib Bukele a proposé ce lundi de permettre aux États-Unis d'envoyer des détenus américains dans une méga-prison du Salvador. Il réclame un paiement en échange de ce service, qui servirait à financer le système carcéral de son pays, dont les prisons sont remplies par sa vaste offensive anti-gangs.
"C'est très peu comparé à ce que nous payons aux prisons privées" américaines, a jugé Donald Trump ce mardi.
Le milliardaire républicain a expliqué vouloir envoyer au Salvador les "criminels endurcis", des récidivistes qu'il a désignés comme des "animaux".
Une offre inédite et "généreuse"
Il existe peu de précédents à l'époque moderne d'un pays démocratique envoyant ses citoyens dans des prisons étrangères. La Constitution américaine interdit les "châtiments cruels et inhabituels", ce qui promet de probables contestations en justice en cas de concrétisation de ce projet.
"Évidemment, nous devrons étudier cela de notre côté. Il y a évidemment des aspects juridiques impliqués", a reconnu ce mardi le secrétaire d'État américain, Marco Rubio.
"Nous avons une Constitution, nous avons toutes sortes de choses, mais c'est une offre très généreuse", a-t-il déclaré.
"Personne n'a jamais fait une offre comme celle-là, d'externaliser à une fraction du coût au moins certains des criminels les plus dangereux et violents que nous avons aux États-Unis," a-t-il salué.
La "guerre" contre les gangs de Bukele
Un "Guantanamo 2.0" qui ternira l'image du pays ou une faveur dont on peut tirer profit: les Salvadoriens se montrent divisés par cette offre faite par leur président Nayib Bukele, réélu triomphalement l'an dernier avec plus de 80% des voix. Il est notamment plébiscité pour sa "guerre" contre les gangs ayant fait chuter drastiquement le taux de criminalité dans le pays, alors l'un des plus dangereux au monde.
"Bukele essaie de débarrasser le pays du mal, pourquoi attirer plus de criminels", se demande Georgina Garcia, une femme au foyer de 60 ans rencontrée par l'AFP sur une place de San Salvador.
"Nous n'avons pas besoin de plus de criminels dans ce pays", renchérit près de là l'ex-guérillero sexagénaire Juan José Ordoñez. "Chaque pays doit s'occuper de ses propres criminels. Si les États-Unis ont des criminels, qu'ils s'en occupent, on a assez de nos problèmes ici", dit-il.
Cependant, d'autres Salvadoriens estiment que le pays peut tirer parti d'un tel accord. Pour l'ex-militaire José Alberto Claros, 65 ans, si Bukele "négocie des choses favorables à notre pays, comme par exemple arrêter les expulsions" et "régulariser nos compatriotes" illégaux aux États-Unis, alors "l'idée est bonne". Le vendeur de journaux Juan Ascencio, 67 ans, est également partant "s'il y a de l'argent" en contrepartie.
"Guantanamo 2.0"
L'accord prévoit en effet un paiement qui servirait à financer le système carcéral du Salvador. Et le gouvernement Trump n'a pas touché jusqu'à présent au statut qui protège de l'expulsion quelque 232.000 Salvadoriens aux États-Unis.
Pour la directrice de l'ONG salvadorienne "Secours juridique humanitaire", Ingrid Escobar, consultée par l'AFP, "nous allons devenir un Guantanamo 2.0 et c'est quelque chose que nous ne pouvons pas tolérer", en référence à la base militaire américaine de Cuba connue pour sa prison militaire ouverte après les attentats du 11-Septembre 2001.
Le projet prévoit d'envoyer les prisonniers en provenance des États-Unis au Centre de confinement du terrorisme (CECOT), inauguré en janvier 2023 et considéré comme la plus grande prison d'Amérique latine. D'une capacité de 40.000 détenus, l'établissement ultra-sécurisé en accueille 15.000, selon les estimations.
Nayib Bukele a indiqué qu'il accepterait des criminels de "n'importe quelle nationalité", y compris des membres du gang Mara Salvatrucha (MS-13) qui opère au Salvador, au Honduras et au Guatemala, ainsi que ceux du Tren de Aragua vénézuélien étendu à toute l'Amérique latine et aux États-Unis. Mais pour Ingrid Escobar, "si on le lui demandait la population ne serait pas d'accord".