Prix Nobel de la paix: face aux pressions de Donald Trump, le comité rappelle qu'il agit "en toute indépendance"

Donald Trump dans le Bureau ovale de la Maison Blanche le 5 septembre 2025 - Photo par MANDEL NGAN / AFP
À un mois du jour J, le comité Nobel norvégien revendique jalousement sa liberté de décision face à l'obsession du président américain Donald Trump de recevoir le prix Nobel de la paix.
Depuis son retour à la Maison Blanche, le républicain ne le cache pas: il veut le Nobel qu'un de ses grands rivaux démocrates avant lui, Barack Obama (2009-2017), avait décroché à la surprise générale peu après sa prise de fonctions.
À la moindre occasion, le milliardaire de 79 ans répète qu'il "le mérite", citant son rôle dans la résolution de conflits - même si les guerres dans la bande de Gaza et en Ukraine font toujours rage.
Le Nobel défend son indépendance
"Nous voyons bien qu'il y a beaucoup d'attention médiatique autour de certains candidats", a réagi à Oslo le secrétaire du comité Nobel, Kristian Berg Harpviken. "Mais cela n'influe en rien sur les discussions en cours au sein du comité".
"Le comité examine chaque candidature en fonction de ses propres mérites", a-t-il expliqué dans un entretien à l'AFP. Le Nobel de la paix sera attribué le 10 octobre.
À l'appui de sa campagne, Donald Trump fait valoir que plusieurs dirigeants étrangers, de l'Israélien Benjamin Netanyahu à l'Azerbaïdjanais Ilham Aliev, ont proposé ou soutiennent sa candidature.
Pas sûr toutefois que ces nominations soient arrivées à temps pour 2025. M. Trump a pris ses fonctions le 20 janvier, 11 jours seulement avant la date limite pour le dépôt des candidatures.
338 nominations
"Être proposé n'est pas nécessairement un grand accomplissement. Le véritable accomplissement, c'est de devenir lauréat", souligne Kristian Berg Harpviken. "Vous savez, la liste de personnes qui peuvent proposer (un candidat) est assez longue".
Parlementaires et ministres de tous les pays, anciens lauréats, certains professeurs d'université... Des dizaines de milliers de personnes sont habilitées à faire une nomination. Cette année, 338 individus et organisations sont en lice. La liste est tenue secrète.
Les candidatures jugées les plus méritantes sont retenues sur une liste restreinte et chacune fait l'objet d'une évaluation individuelle par un expert. "Quand le comité délibère, c'est cette base de connaissances qui encadre la discussion, et non pas tel ou tel article de presse", affirme Kristian Berg Harpviken.
"Nous faisons tout notre possible pour organiser le processus et les réunions de manière à ne pas être indûment influencés par une quelconque campagne", dit-il. "Dans l'histoire, rares sont les personnes qui ont orienté leur carrière dans le but de décrocher un prix Nobel de la paix et qui ont fini par l'avoir".
Selon le journal norvégien Dagens Naeringsliv, Donald Trump a, lors d'un entretien téléphonique consacré aux droits de douane fin juillet, directement évoqué le Nobel avec le ministre norvégien des Finances Jens Stoltenberg, qu'il connaît bien depuis que celui-ci a dirigé l'Otan. Le ministère a confirmé l'existence de cet appel, mais pas les informations sur le Nobel.
Des pressions dénoncées
Si ses cinq membres sont nommés par le Parlement norvégien, le comité Nobel assure prendre ses décisions en toute indépendance du pouvoir politique. Pour preuve, il avait ignoré les discrètes mises en garde du gouvernement norvégien et attribué le prix de la paix au dissident chinois Liu Xiaobo en 2010, provoquant une rupture diplomatique entre Pékin et Oslo.
"Le comité Nobel agit en toute indépendance et ne peut se permettre de tenir compte de ces considérations lorsqu'il examine des candidatures individuelles", insiste son secrétaire.
En Norvège, pays fortement attaché à un multilatéralisme qu'Alfred Nobel (1833-1896) défendait en son temps mais que la ligne "L'Amérique d'abord" de Donald Trump a totalement chamboulé, les experts doutent des chances de ce dernier.
"Ce type de pression s'avère généralement contre-productif", estime Halvard Leira, directeur de recherche à l'Institut norvégien des affaires internationales (NUPI). "Si le comité devait donner le prix à Trump maintenant, il serait évidemment accusé de se coucher devant lui", bafouant l'indépendance qu'il affiche, explique-t-il à l'AFP. En août, trois historiens du Nobel étaient allés plus loin en recensant de multiples raisons pour ne pas attribuer la récompense au président américain.
Pêle-mêle, ils citaient son admiration pour le président russe Vladimir Poutine qui a déclenché la guerre en Ukraine, son soutien à Israël dans ce que de plus en plus d'experts qualifient de "génocide" à Gaza, et plus largement sa rupture avec les idéaux du Nobel en matière de coopération internationale, de désarmement, de démocratie et de défense des droits humains.
"Il faudrait que les membres du comité Nobel aient perdu la tête", avaient écrit ces historiens dans une tribune de presse.