L'agence Fitch dégrade la note de la dette française

Sa décision était très attendue. Empêtrée dans une crise politique et budgétaire, la France n'a cette fois pas échappé à la sanction de l'agence Fitch qui a décidé de faire basculer sa note souveraine du groupe AA ("qualité haute ou bonne") au groupe A ("qualité moyenne supérieure").
Fitch qualifie d'"improbable" une réduction du déficit budgétaire à 3% du PIB d'ici à 2029 et juge que l'instabilité politique "affaiblit la capacité du système politique à assurer un assainissement budgétaire". En cause, "la chute du gouvernement" de François Bayrou qui "illustre la fragmentation et la polarisation croissante de la politique intérieure".
L'agence de notation attribuait jusqu'à présent à la dette français la note "AA- avec perspective négative", comme Standard & Poor's qui révisera sa note le 28 novembre. Moody's, qui se prononcera pour sa part le 24 octobre, assortit une note équivalente, Aa3, d'une perspective stable.
Fitch souligne que l'augmentation de la dette publique limite la capacité du pays à réagir à de nouveaux chocs sans aggraver la situation des finances publiques. "La chute du gouvernement lors d'un vote de confiance illustre la fragmentation et la polarisation croissante de la politique intérieure", indique l'agence américaine dans un communiqué.
"Cette instabilité affaiblit la capacité du système politique à mettre en oeuvre une consolidation budgétaire d'ampleur", a-t-elle ajouté, estimant improbable de ramener le déficit public sous 3% du PIB en 2029 comme l'ambitionnait le gouvernement sortant.
Eric Lombard rappelle "la solidité de l'économie française"
Directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, Éric Dor juge "logique" cette dégradation compte tenu de "l'absence d'un plan crédible d'assinissement budgétaire soutenu par une majorité". L'instabilité politique rend en effet plus qu'hypothétique l'élaboration d'un budget 2026 en mesure de réduire le déficit public qui atteint déjà 5,4% du PIB quand la dette, elle, s'élève à 114% de la richesse nationale.
Sur ses réseaux sociaux, le ministre démissionnaire de l'Économie Éric Lombard a dit "prendre acte de la décision de Fitch (...) motivée par la situation de nos finances publiques et l’incertitude politique, malgré la solidité de l’économie française".
"Le nouveau Premier ministre a d’ores et déjà engagé la consultation des forces politiques représentées au Parlement, en vue d’adopter un budget pour la Nation et de poursuivre les efforts de rétablissement de nos finances publiques", cherche-t-il à rassurer.
De son côté, l'ancien Premier ministre François Bayrou écrit qu'"un pays que ses 'élites' conduisent à refuser la vérité est condamné à en payer le prix".
Quel impact sur les taux d'emprunt?
Cette décision de Fitch va-t-elle tirer à la hausse les taux auxquels la France se finance sur les marchés? "Cela ne changera rien, c'est un non-événement", juge Christopher Dembik, conseiller en stratégie d'investissement chez Pictet AM. D'ailleurs, les marchés n'ont pas attendu Fitch pour sanctionner la France dont les taux obligataires progressent depuis la dissolution de juillet 2024. Au point que l'Hexagone emprunte aujourd'hui plus cher que l'Espagne, le Portugal et la Grèce et à des taux proches de ceux de l'Italie.
"Les marchés avaient déjà intégré une dégradation", estime également Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, pour qui il était "devenu difficile de justifier la note française de Fitch", meilleure que d'autres pays européens dont les taux d'emprunt sont pourtant moins élevés.
"Souvent, l'impact d'une dégradation est insignifiant parce que les investisseurs sur les marchés étaient déjà au courant des problèmes du pays concerné et en tenaient déjà compte pour déterminer le taux d'intérêt exigé sur ses obligations", confirme Éric Dor. Selon lui, la France, compte tenu des taux auxquels elle emprunte, est déjà considérée "comme BBB par les prêteurs".
Pour autant, il estime que la révision de Fitch pourrait cette fois avoir des conséquences sur le niveau des taux car "lorsqu'une dégradation entraîne le déplacement de la note vers une catégorie inférieure (en l'occurence de AA à A)", cela "déclenche des effets de seuil automatiques sur la demande d'oblgiations du pays par les grands investisseurs, il y a alors un effet à la hausse sur le taux d'intérêt".
L'économiste explique notamment que "les règles de gestion de beaucoup de fonds de placement limitent très fortement, ou même interdisent, la détention d’obligations souveraines notées moins que AA ou AAA". Autrement dit, "la dégradation de la dette publique de la France à une catégorie A impliquerait donc des ventes nettes de ses obligations sur les marchés, et ensuite une forte baisse de la demande".
Ce qui serait une mauvaise nouvelle pour les comptes publics alors que la charge de la dette serait déjà de 67 milliards d'euros cette année et devrait dépasser les 100 milliards à la fin de la décennie.