"Fake news" ou calcul fantaisiste? Comment Trump en arrive à dire que l'Europe taxe à 39% les produits américains

Un graphique illustrant les "droits de douane réciproques" appliqués par les États-Unis à d'autres pays est exposé dans la salle de presse James Brady de la Maison-Blanche, le 2 avril 2025 à Washington. - AFP
Une taxe minimale pour tous les produits importés sur le sol américain et des surtaxes pour des dizaines de pays dans le monde. Tel est la potion amère préparée par Trump et annoncée au monde entier en ce Liberation Day.
Pour l’Union européenne, la surtaxe annoncée est de 20%, une forme "gentille" de réciprocité selon le mots de Donald Trump. En effet, pour l'administration américaine, le taux réellement pratiqué par l'Union européenne envers les Etats-Unis serait de 39%. Comment arrive-t-elle à ces calculs sur lesquels elle base son tarif douanier réciproque?
Des droits de douane de 4% en moyenne
Dans la réalité, le taux moyen des droits de douane appliqué par l'UE sur les produits américains est de 4% selon les données officielles de la Commission européenne, bien loin des 39% annoncés par Trump.
"L'Union européenne est une union douanière, dans le sens où elle ne pratique pas de droits de douane entre les pays membres, mais aussi parce que les taux catégoriels envers ses différents partenaires commerciaux sont communs", relève Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management.
Il faut néanmoins ajouter qu'il s'agit d'une moyenne et que tous les produits ne sont pas soumis aux mêmes niveaux de taxes. Ainsi les véhicules américains sont taxés à l'entrée à hauteur de 10%. Si les Etats-Unis s'étaient contentés d'appliquer des droits de douane réciproques, le taux effectivement appliqué à l'UE aurait du être de 4%.
Une conception extensive des barrières à l'entrée
Mais depuis quelques semaines, l'administration américaine s'est lancée dans de savants calculs pour gonfler les taxes auxquels les Etats-Unis seraient indûment soumis.
"L'administration américaine applique une "conception extensive de ce qu'ils considèrent comme étant des barrières à l'entrée des produits américains", élabore Eric Dor.
Aux droits de douane effectivement pratiqués, l'administration intègrerait en plus de nombreux autres paramètres dont on ne sait s'ils procèdent d'un chiffrage précis ou d'une estimation au doigt mouillé. Serait ainsi prise en compte la TVA dont doit s'acquitter un consommateur lors de l'achat d'un bien, quand bien même cette taxe frappe indistinctement tous les produits appartenant à la même catégorie, qu'ils soient importés ou non.
Dans le même ordre d'idée, les subventions accordées par les pays à leur industriels seraient prises en compte dans ce calcul. Eric Dor donne ainsi l'exemple des réductions de cotisations sociales comme le CICE perçues par les producteurs automobiles. Mais les Etats-Unis ne s'appliquent pas le même effort intellectuel puisqu'ils accordent eux aussi des subventions à leurs propres producteurs.
Enfin les sous-évaluations artificielles ou réelles des monnaies sont prises en compte, ce qui pourrait expliquer l'importance des hausses douanières appliquées aux pays émergents.
Une autre méthodologie plus simpliste à l'oeuvre
Et si en réalité, l'administration américaine avait fait au plus simple ? Selon un article du New York Times, le taux réciproque qui va être mis en place pourrait résulter d'une simple division entre le déficit commercial des Etats-unis avec la zone et les exportations effectivement réalisées vers les Etats-Unis. Pour l'Union européenne, sur la base des chiffres 2024, cela donnerait ainsi un déficit de 235 milliards de dollars divisé par 605 milliards d'importations, soit 38,8%. On retrouve ainsi le fameux chiffre brandi par l'administration Trump, auquel serait appliquée une décote "gentille".
En faveur de cette argumentation le constat que l'administration américaine n'est pas allée au bout de ses calculs théoriques. Dans le cas contraire, elle aurait dû appliquer des taux différenciés entre les différents pays de l'Union. En effet si les droits de douane sont uniformes, il n'en va pas de même des taux de TVA ou des subventions qui restent décidées pays par pays.
"Mais cela aurait conduit pour l'administration américaine à un exercice produit par produit multiplié par le nombre de pays partenaires. Cela aurait donné lieu à une matrice très complexe, une véritable usine à gaz", relève Eric Dor.
L'administration s'est finalement résolue à un calcul plus simpliste. Et propose au taux bricolé de 39% un taux unique "réciproque" de 20% pour tous les pays de l'Union sans autre forme de procès.