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Si la Cour suprême "casse" les droits de douane de Trump le 5 novembre, les États-Unis pourraient devoir rembourser 80 milliards de dollars (voire beaucoup plus)

Le président américain Donald Trump, dans le bureau ovale de la Maison Blanche à Washington, DC, le 25 août 2025.

Le président américain Donald Trump, dans le bureau ovale de la Maison Blanche à Washington, DC, le 25 août 2025. - MANDEL NGAN

La Cour suprême va examiner la légalité des droits de douane imposés par Donald Trump à partir du 5 novembre. Si la décision du président américain est jugée illicite, le Trésor pourrait devoir rembourser les importateurs ayant déjà payé les taxes.

La Cour suprême des États-Unis va devoir trancher un litige à 80 milliards de dollars, au moins. Le 5 novembre prochain, un an jour pour jour après la victoire de Donald Trump à l'élection présidentielle, commencera l'examen du recours déposé par le président américain sur la légalité des droits de douane qu'il a imposés à de très nombreux partenaires commerciaux, dont l'Union européenne.

Pour les mettre en place, Donald Trump s'est appuyé sur une loi prévue pour des situations d'urgence -dite IEEPA- en considérant que le déficit commercial de son pays constituait une urgence suffisante. Or, ce moyen a été contesté par plusieurs importateurs américains.

Ces derniers ont eu gain de cause en première instance, puis en appel. Le 29 août dernier, une cour d'appel fédérale a considéré que Donald Trump avait commis un abus de pouvoir. La Cour a rappelé que la capacité d'imposer des taxes -et donc des droits de douane- appartient au Congrès, c'est-à-dire au Parlement. L'exécutif n'y est autorisé que de manière exceptionnelle.

L'administration Trump a décidé de porter le litige devant la Cour suprême, le tribunal de dernier ressort aux États-Unis. En attendant, l'application des tarifs douaniers n'a pas été suspendue et les entreprises américaines qui importent des produits étrangers continuent à s'acquitter des taxes dues. Au 7 septembre, elles avaient déjà déboursé 80 milliards de dollars selon CNN.

Si Donald Trump perd, son administration devra mettre fin aux droits de douane. Mais ce n'est pas tout. Le Trésor américain pourrait également être contraint de rembourser les sommes perçues, une hypothèse vertigineuse.

La possibilité de ce remboursement a été reconnue par le secrétaire au Trésor Scott Bessent dans une déclaration déposée à la Cour suprême. Dramatisant l'enjeu, ce dernier a averti que si la Cour se prononçait contre les droits de douane, les États-Unis seraient obligés de rembourser entre 750 et 1.000 milliards de dollars, note CNBC. Certains experts sont plus prudents.

"Tout dépend de la manière dont le tribunal formulera sa décision et de ce qu'il décidera précisément sur les différents points examinés", observe Kathleen Claussen, professeure au centre de droit de l'université de Georgetown dans le média Time.

Un chemin pavé d'embûches

Dans tous les cas, cet éventuel remboursement risque d'être un chemin de croix pour les importateurs concernés.

Dans un message posté en août sur son réseau social, Donald Trump a déjà prévenu: "Si un tribunal de la gauche radicale se prononçait contre nous à ce stade tardif (...) il serait impossible de récupérer ou de rembourser ces sommes colossales et ces honneurs. Ce serait comme en 1929, UNE GRANDE DÉPRESSION!"

Le gouvernement compte de plus sur ces revenus pour combler en partie son déficit budgétaire et soutenir certaines filières, comme l'agriculture. Il est dès lors peu probable que l'administration Trump procède d'elle-même à un remboursement, même s'il s'avérait qu'elle avait pris une décision illégale, selon Ted Murphy, coresponsable du département commerce international du cabinet d'avocats Sidley Austin, à l'agence Associated Press.

Ce dernier anticipe plutôt "une procédure administrative", obligeant les importateurs à s'adresser "au service des douanes et de la protection des frontières des États-Unis et à demander le remboursement". Autre option selon l'avocat: les importateurs pourraient devoir engager eux-mêmes une action en justice, comme celle qui doit être tranchée par la Cour suprême.

Grosse pression sur la Cour suprême

Quoi qu'il arrive, Clinton Yu, un avocat associé de Barnes & Thornburg, conseille aux importateurs d'avoir "vraiment leurs dossiers en ordre". Un tel remboursement est déjà arrivé une fois aux États-Unis, mais pour des montants moindres. "Dans les années 1990, les tribunaux ont déclaré inconstitutionnelle une taxe d'entretien portuaire sur les exportations et ont mis en place un système permettant aux exportateurs de demander le remboursement de leur argent", explique l'agence Associated Press.

Les enjeux sont colossaux pour la Cour suprême, également saisie d'un autre litige explosif dans l'affaire Lisa Cook. La plus haute juridiction américaine est composée de neuf membres. Trois ont été nommés par Donald Trump lors de son premier mandat. Ses deux décisions à venir conditionneront probablement la suite du mandat du président américain.

Pierre Lann