Droits de douane: Donald Trump a-t-il manipulé les marchés? Des élus démocrates réclament une enquête

Le président américain a-t-il manipulé les marchés? C'est ce que soupçonnent en tout cas plusieurs élus démocrates Outre-Atlantique, alors que les principales Bourses européennes et asiatiques se repartis nettement à la hausse ce jeudi 10 avril, après le revirement inattendu de Donald Trump mercredi soir sur les droits de douane.
Plusieurs démocrates demandent l'ouverture d'une enquête. "Donald Trump crée d'énormes fluctuations sur les marchés avec ses droits de douane qui montent et qui descendent", a dénoncé ce mercredi 9 avril le sénateur démocrate Adam Schiff, élu de Californie, sur le réseau social X.
"Qui, au sein de l'administration, était au courant à l'avance de la dernière volte-face de Trump en matière de droits de douane? Quelqu'un a-t-il acheté ou vendu des actions et en a-t-il profité aux dépens du public?", s'interroge l'élu, estimant que ces "fluctuations constantes" peuvent offrir de "dangereuses opportunités de délits d'initiés".
"J'écris à la Maison-Blanche - le grand public a le droit de savoir", assure le sénateur, laissant suggérer qu'une enquête serait justifiée.
Opposant de longue date à Donald Trump, Adam Schiff avait été le procureur principal lors du premier procès en destitution du président durant son premier mandat.
Donald Trump appelle à investir avant la hausse des Bourses
Mercredi, la hausse des droits de douane imposée par les États-Unis à des dizaines de pays est entrée en vigueur, entraînant la chute de nombreuses bourses dans le monde à leur ouverture.
Face à ce vent de panique, le président américain s'est voulu rassurant, appelant "rester calme", dans un message publié sur le réseau Truth Social. "Tout va bien se passer. Les États-Unis seront plus grands et meilleurs que jamais", assure-t-il.
Quelques minutes plus tard, Donald Trump lance un appel aux investisseurs dans une autre publication. "C'EST LE MOMENT IDÉAL POUR ACHETER!!!", assure-t-il, alors que Wall Street vient d'ouvrir. Le message est signé "DJT", soit les initials du président américain, mais aussi l'abréviation en bourse de son entreprise de médias, Trump Media & Technology Group qui a fini mercredi sa journée avec une hausse de 21,67%.
Plus tard dans la journée, le chef de l'État fait un volte-face complet et annonce suspendre pour 90 jours au moins les droits de douane supplémentaires qui venaient à peine d'entrer en vigueur, sauf pour la Chine. Le résultat ne se fait pas attendre, puisque les bourses remontent en flèche dans la soirée.
Des élus démocrates dénoncent un "délit d'initié"
De quoi interroger. Après Adam Schiff, plusieurs élus démocrates accusent publiquement Donald Trump d'avoir manipulé le marché pour permettre à des investisseurs de s'enrichir grâce à cette baisse brutale des taux, suivie d'une hausse rapide, sans toutefois fournir de preuve.
"Le tweet de Donald Trump à 9h30 montre clairement qu'il souhaitait que ses collaborateurs gagnent de l'argent grâce aux informations privées qu'il était le seul à connaître. Qui donc était au courant à l'avance et combien d'argent ont-ils gagné?", accuse le sénateur du Connecticut Chris Murphy sur X.
"Un scandale de délit d'initié se prépare", affirme-t-il.
Des élus au Congrès concernés?
Plusieurs élus soupçonnent même des membres de la Chambre des représentants ou du Sénat d'avoir bénéficié de cette fluctuation très rapide du marché.
"Tout membre du Congrès qui a acheté des actions au cours des dernières 48 heures devrait probablement le déclarer maintenant. J'ai entendu des discussions intéressantes dans l'hémicycle", affirme l'élue démocrate de New York Alexandria Ocasio-Cortez sur X.
"Les membres du Congrès ne devraient jamais être autorisés à négocier des actions. Point final", soutient la représentante au Congrès démocrate Ilhan Omar.
"Les investisseurs ordinaires, qui avaient vendu par peur, en subissent les conséquences. Les riches initiés repartent avec leurs profits. Ce n'est PAS acceptable!", a lui dénoncé le représentant démocrate de Californie, Mike Levin.
Questionné sur le sujet par le média CNBC, le secrétaire au Commerce Howard Lutnick assure que Donald Trump a simplement pu inciter les investisseurs à passer à l'action pendant que les prix étaient relativement bas, sous-entendu sans savoir qu'ils allaient remonter si vite de façon aussi importante.
"Il est de la responsabilité du président des États-Unis de rassurer les marchés et les Américains sur leur sécurité économique face à l'alarmisme permanent des médias", affirme de son côté le porte-parole de la Maison-Blanche Kush Desai auprès du Washington Post.
Aucun élément concret ne permet d'affirmer que Donald Trump a agi volontairement sur les marchés pour permettre l'enrichissement de certains investisseurs.
Selon Richard Painter, un ancien avocat de George W. Bush, aujourd'hui enseignant en droit à l'université du Minnesota et spécialiste des questions d'éthique gouvernementale, les messages de Donald Trump permettent malgré tout de s'interroger sur de potentielles "manipulations de marché", explique-t-il à CNBC.
La SEC, l'autorité de régulation ne répond pas
Selon la Securities and Exchange Commission (SEC), le gendarme américain de la Bourse, un délit d'initié est passible d'une peine maximale de 20 ans d'emprisonnement et de 5 millions de dollars d'amende pour un individu seul, chiffre qui monte à 25 millions pour une "personne non naturelle", comme une entreprise.
Dans un communiqué transmis à la presse américaine, le principal régulateur de Wall Street, l'U.S. Securities and Exchange Commission (SEC), qui examine les éventuelles violations des lois fédérales sur les marchés boursiers et les valeurs mobilières, a refusé de répondre aux questions concernant la publication de Donald Trump.
Elle est actuellement sans président, Paul Atkins, le candidat du président Donald Trump, a été approuvé par le Sénat ce mercredi. Elle est également confrontée à un exode de personnel dans des départements clés, des centaines de personnes ayant accepté des offres de démission dans le cadre des efforts du président Donald Trump et d'Elon Musk pour remodeler le gouvernement américain, ont déclaré des proches du dossier à l'agence de presse Reuters.
Après son revirement, Donald Trump s'est expliqué ce jeudi, assurant devant la presse avoir "observé le marché obligataire" et estimant "qu'il faut être flexible", après avoir juré que "jamais" il ne ferait machine arrière.
En Europe, les principaux indices se sont envolées dès l'ouverture, avec une hausse de 6,35% à Paris, 6,57% à Francfort ou encore 6,83% à Milan. Même tendance en Asie, avec un bond de 9% pour l'indice Nikkei à Tokyo et de 6,6% pour l'indice Kospi à Séoul.
Malgré ces hausses, les risques d'inflation et de récession mondiale ne sont pas totalement écartés, malgré le revirement de Donald Trump, qui a entraîné ensutie l'Union européenne à suspendre elle aussi ses mesures douanières pour 90 jours.
Selon la directrice générale de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), Ngozi Okonjo-Iweala, cette guerre commerciale pourrait réduire de "jusqu'à 80%" les échanges de marchandises entre la Chine et les États-Unis et effacer "près de 7%" du PIB mondial sur le long terme.