Un acte "courageux" ou "suicidaire"? Pourquoi François Bayrou décide de jouer son va-tout avec le vote de confiance

Le Premier ministre François Bayrou à la sortie du Conseil des ministres à l'Elysée, le 30 juillet 2025 à Paris - Thomas SAMSON © 2019 AFP
Une annonce aux allures de coup de poker. Le Premier ministre a annoncé ce lundi 25 août à la surprise générale engager la responsabilité de son gouvernement à l'Assemblée générale le 8 septembre prochain. Sur le papier, il semble pourtant impossible à François Bayrou d'obtenir la confiance des députés en l'absence de majorité. Et impossible, donc, de se maintenir à Matignon.
Mais confronté au rejet de son plan d'économies budgétaires de 44 milliards d'euros, par les opposants comme dans les sondages, le centriste est décidé à prendre ce risque.
"Qu'on aime ou qu'on n'aime pas François Bayrou, c'est quand même très courageux de sa part", salue le député macroniste Ludovic Mendes auprès de BFMTV.
"Pas maso"
Même son de cloche pour son collègue Karl Olive qui se félicite que le Premier ministre n'attende pas l'automne et les débats sur le budget pour "retirer la poussière de sous le tapis".
"D'une certaine façon, il dit aux députés: 'vous voulez me faire tomber? Et bien, assumez-le franchement devant les Français, sans vous chercher des excuses'", juge encore le macroniste.
Englué dans les débats sur la suppression de deux jours fériés et d'une année blanche qui gèlerait tous les budgets des ministères à l'exception de la Justice et des Armées, François Bayrou vit depuis des semaines sous la menace d'une motion de censure.
Comme son prédécesseur Michel Barnier, le Premier ministre avait jusqu'ici toutes les chances de tomber à l'automne sur le budget. Sans majorité, le centriste aurait très probablement dégainé l'article 49.3 de la Constitution qui permet de faire voter un projet de loi sans vote, avant d'être finalement renversé par les oppositions.
"Il n'est pas maso non plus. S'il joue cette carte-là, c'est qu'il se dit qu'il a une petite chance que ça passe. Si c'est le cas, il se re-légitime", observe un poids lourd de l'Assemblée nationale.
"Il faudra qu'il assume"
Le trou de souris semble pour l'instant très étroit. Pour parvenir à gagner son pari, le Premier ministre misait beaucoup sur le Parti socialiste et ses 66 députés. Un très large soutien de leur part avec un vote accordant la confiance à François Bayrou ou au moins leur abstention aurait permis sur le papier de sauver sa peau, comme en janvier dernier.
Au début de l'année, le centriste était en effet parvenu à un accord sur le budget moyennant un conclave sur les retraites. Las: le premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure comme le président des députés PS Boris Vallaud ce mardi matin sur BFMTV ont annoncé qu'ils voteraient contre la confiance.
Quant au Rassemblement national, il va aussi voter contre la confiance pour le gouvernement de François Bayrou et pousse à l'organisation de nouvelles élections législatives dans les prochaines semaines.
"Certains se disaient que le RN soutiendrait du bout des lèvres le Premier ministre pour le budget et sauver la peau de Marine Le Pen qui ne pourrait pas se représenter en cas de dissolution (sous le coup d'une peine d'inéligibilité avec application immédiate pour laquelle elle a fait appel, NDLR). C'est raté", s'agace un sénateur macroniste.
En l'état actuel du positionnement des oppositions, François Bayrou est même assuré de tomber.
"Franchement, c'est suicidaire. On doit présenter un budget le 1er octobre comme le prévoit la Constitution. On fait quoi s'il tombe le 8 septembre?", s'interroge un député macroniste issu des LR.
"S'il s'en va dans quelques jours, on va faire une tempête politique force 12. Il faudra qu'il assume", le met en garde cet élu Renaissance.
Mais pas de quoi faire peur aux députés Modem. En dépit de relations plutôt distendues avec son propre mouvement ces derniers mois, son choix est soutenu en grande partie par ses troupes.
La menace du mouvement du 10 septembre
"Soit il est poussé vers la sortie soit il décide lui-même de la façon d'orchestrer son départ. Évidemment qu'il préfère la seconde option où il pourra raconter qu'il a fait tout ce qu'il a pu. C'est malin", décrypte ainsi l'un d'eux.
"Des hommes d'État qui pourront dire qu'ils ont préféré dire la vérité quitte à devoir quitter le pouvoir, il n'y en a pas 150. Peu importe ce qu'il se passe le 8 septembre, il en fera désormais partie", s'enflamme même l'un de ses proches.
Depuis des semaines, le Premier ministre se réclame de Pierre Mendès-France, très éphémère Premier ministre entre 1954 et 1955, contraint de démissionner faute de majorité à l'Assemblée nationale.
Au risque de remettre la pression sur le chef de l'État, contraint de lui trouver rapidement un successeur ou de dissoudre à nouveau l'Assemblée nationale comme l'a déjà évoqué le ministre de la Justice Gérald Darmanin?
Le probable renversement de François Bayrou devrait aussi intervenir à deux jours du mouvement du 10 septembre qui appelle à bloquer le pays. La partie de poker ne fait peut-être que commencer.