"C'est poussif, laborieux, très très lent": le blues et le doute des députés Modem face à la méthode François Bayrou

Le Premier ministre François Bayrou à l'Assemblée nationale à Paris, le 1er juillet 2025 - JULIEN DE ROSA © 2019 AFP
La vie était-elle plus facile quand François Bayrou n'était que président du Modem? C'est ce que pensent plusieurs députés du mouvement, perplexes face aux positionnements du Premier ministre, pris dans la mélasse.
"J'imaginais les choses un peu différemment avec plus de liberté, plus d'audace aussi. J'ai l'impression qu'il est tétanisé, qu'il n'impulse rien. Franchement, ce n'est pas facile à vivre", soupire un député de son camp auprès de BFMTV.
"On ne parle de rien d'important"
Avec seulement 36 députés à l'Assemblée, soit même pas 10% des effectifs du Palais-Bourbon, le blues des élus Modem ne saute pas forcément aux yeux. Mais en regardant le décompte des votes, leur mobilisation a été plutôt faible ces dernières semaines et pas toujours dans le sens attendu par le Premier ministre.
Le 30 juin dernier, seuls quatre d'entre eux sont venus voter dans l'hémicycle sur la réforme de l'audiovisuel portée par la ministre de la Culture Rachida Dati et défendue par François Bayrou. Et encore: ils ont tous voté contre.
"On a tous eu du mal à comprendre pourquoi il avait mouillé la chemise sur un dossier qui n'intéresse personne. J'ai l'impression qu'on passe du temps sur des détails et qu'on ne parle de rien d'important", se lamente un assistant parlementaire.
Des dossiers chauds repoussés
Confronté à une Assemblée nationale sans majorité absolue, le Premier ministre fait le pari depuis le début de tenir dans la durée, quitte à sembler perpétuellement repousser les dossiers chauds.
Le conclave sur les retraites qui a permis de s'assurer un temps de la bienveillance du PS? Six mois après l'annonce de son lancement, ces rendez-vous entre partenaires sociaux et patronat ont tourné au fiasco malgré "des avancées significatives" dixit le chef du gouvernement.
Le budget 2026 à boucler pour parvenir à trouver 40 milliards d'euros? Après une conférence de presse le 15 avril dernier, le centriste s'est bien gardé de donner des pistes précis. Des pistes précises seront présentées ce 15 juillet mais devraient probablement largement évoluer d'ici les débats budgétaires à l'automne pour parvenir à contenter le RN et les socialistes et ainsi éviter la censure.
"C'est très très lent"
Le député Richard Ramos qui se présente comme "spécialiste de François Bayrou", ne fait pas semblant.
"Quand il a été nommé, j'avais dit qu'il serait très bon parce qu'il ne ferait rien", reconnaît ce compagnon de route du patron du Modem. "C'est poussif, laborieux, très très lent", s'exaspère de son côté l'un de ses anciens lieutenants.
"Soyons patients. Dans un second temps, il va faire des choses très précieuses et on le verra sur le budget, vous allez voir", veut cependant croire Richard Ramos.
Il n'est pas le seul à défendre la méthode choisie par Matignon qui prône le dialogue, le temps long, le recul. "On échange avec tous les partis pour faire des économies, on réunit les partenaires sociaux et on leur laisse la main ce qui n'avait pas été fait depuis 2017. Je ne comprends pas comment on peut lui reprocher ça", s'agace le député Modem Mickaël Cosson.
La configuration du groupe Modem à l'Assemblée peut également expliquer les doutes qui le traverse. Dans ses rangs, figurent aussi bien d'ex-macronistes comme Perrine Goulet, que l'ancien socialiste Olivier Falorni, qui a défendu la loi sur la fin de la vie - en dépit des réticences de François Bayrou sur le sujet, ou encore Erwan Balanant, un temps en rupture de banc avec son mouvement après des alliances avec la droite. Nombre d'entre eux n'ont d'ailleurs jamais passé beaucoup de temps directement avec lui.
Pas des intimes
Le centriste qui a quitté l'Assemblée en 2012, n'a plus largement jamais été un meneur d'hommes, lui qui a fondé son parti avec seulement quelques fidèles restés à ses côtés après sa rupture avec la droite dans les années 2000.
"François Bayrou a mangé son pain noir. La plupart des députés Modem aujourd'hui n'ont pas connu cette époque où il avait choisi de soutenir François Hollande plutôt que Nicolas Sarkozy. Certains se sont forgés dans l'adversité et la haine de la droite mais pas ceux qui siègent aujourd'hui", observe un élu LR.
Pour faire tenir le coup aux députés Modem, le Premier ministre continue de les voir régulièrement. Si le centriste a expliqué sur RTL début juillet ne faire "ni apéros" ni "dîners politiques", il les a encore rencontrés ce mercredi pour un cocktail déjeunatoire avec d'autres élus du socle commun.
"On fait avec"
Certains lieutenants sont aussi chargés de conserver le lien, à l'instar de Marc Fesneau, le président du groupe à l'Assemblée, Patrick Mignola, le ministre en charge des relations avec le Parlement et Séverine de Compreignac qui est à la tête du pôle parlementaire à l'Élysée. De quoi tenter de chasser les coups de déprime des parlementaires qui tentent de se consoler.
"L'atmosphère est logique. Le gouvernement n'a pas été fait par un chef de l'État Modem. On a dû composer avec le socle commun. Et je ne vais pas vous dire que nous n'aurions pas aimé que les ministres nous ressemblent plus. Mais on fait avec la situation actuelle", avance la députée Géraldine Bannier.
"Il nous a dit toujours que si nous pensions tous pareil, nous ne pensions plus rien. Quelque part, en ce moment, on expérimente cette façon de voir la vie", philosophe l'élue.
Avec un premier bilan à l'automne qui permettra de voir si le système de pensée de François Bayrou passera l'épreuve du feu du budget.