"Il ne meurt jamais": après son départ de Matignon, François Bayrou a la présidentielle de 2027 dans le viseur

François Bayrou à Pau le 13 septembre 2025 - ROMAIN PERROCHEAU / AFP
François Bayrou à peine défait, déjà prêt à remonter en selle? Une poignée de jours de pause après le fiasco du vote de confiance et voilà le désormais ex-Premier ministre de retour. Après son renversement par les députés le 8 septembre dernier, le centriste reprend la direction le conseil municipal de Pau qu'il n'a pas cessé de diriger pendant ses presque 9 mois à Matignon.
"Ça va chauffer. On l'attend de pied ferme et je peux déjà vous dire qu'il va être arrogant comme à son habitude", tance l'écologiste Jean-François Blanco, conseiller municipal d'opposition auprès de BFMTV.
Facture de 40.000 euros pour rénover son bureau de maire révélée par Mediapart en pleine tournée médiatique pour plaider la réduction des déficits, promesse de créer un fond d'indemnisation des victimes de Notre-Dame-de Bétharram toujours au point mort... Ses opposants ne vont pas le rater ce vendredi soir, d'autant moins que François Bayrou devrait très probablement tenter de se faire réélire maire de Pau pour la 3e fois en mars prochain.
Entre ambitions locales et nationales
Manifestement conscient qu'il ne revient pas forcément en odeur de sainteté sur ses terres, celui qui reste patron du Modem n'a pas manqué de filer dans sa ville dès son départ de Matignon.
Un match de rugby entre le stade Français et le club palois, un détour par la foire de Pau où il a planté tout sourire des fleurs d'automne dans des jardinières... L'ancien Premier ministre pourrait-il être tenté de se retirer sur ses terres de Béarn, passer du temps avec les chevaux qu'il élève depuis plusieurs décennies, et dire adieu à la scène nationale? Dans sa tête, la réponse est non.
"Je ferai tout pour aider le gouvernement", a lancé François Bayrou en quittant la rue de Varenne. Les quelques mots pouvaient sonner comme un encouragement à Sébastien Lecornu, dont la tâche s'annonce quasiment impossible, tout comme passer pour un avertissement.
"Il y avait un petit côté 'je suis toujours là, je ne vais pas disparaître aussi facilement que tu le crois'" sous-titre un député Modem.
"Sébastien Lecornu n'a surtout pas besoin de lui"
Tout reste pourtant à inventer pour conserver une place centrale dans le dispositif du camp présidentiel d'autant plus que François Bayrou n'a qu'une piètre estime pour Sébastien Lecornu qui lui rend bien.
Animateur des députés du socle commun lors de dîners, prises de paroles dans les médias pour défendre le futur gouvernement, rencontres avec des Français lors de déplacements? Voici la place que pourrait tenter d'occuper l'éphémère locataire de Matignon.
"Vous êtes de train de dire qu'il pourrait réussir ce qu'il a échoué à faire à Matignon. Ce n'est pas sérieux", se moque Corine Lepage, l'une de ses anciennes compagnes de route.
"Sébastien Lecornu n'a surtout pas besoin de lui. Ce serait une faute politique majeure qu'il le fasse revenir dans le jeu", grince encore l'ancienne vice-présidente du Modem.
Le septuagénaire qui se rêve candidat des jeunes
Parmi ses proches, plusieurs le croient pourtant capable de tirer son épingle du jeu et fixent rendez-vous fin septembre dans le Vaucluse, à l'Isle-sur-La-Sorgue. Dans cette ville connue pour ses antiquaires, François Bayrou devrait probablement prononcer un discours à destination de la jeunesse.
Depuis l'annonce du vote de confiance fin août, François Bayrou n'a eu de cesse d'évoquer la question des jeunes, "premières victimes de la folie de l'endettement" comme il l'a expliqué lors de son dernier discours à l'Assemblée nationale. La manœuvre ne doit rien au hasard, lui qui était parvenu à obtenir près du quart des suffrages des 18-30 ans lors de la campagne de 2007, se hissant à la troisième place.
"Son acte de départ de Matignon est un acte de commencement. Sa fin comme Premier ministre était un acte pour la jeunesse", veut croire le député Richard Ramos. Faut-il comprendre que la prochaine présidentielle reste dans un coin de sa tête, lui qui s'était retiré en 2017 au profit d'Emmanuel Macron?
Pour l'instant, le Béarnais ne dit ni oui ni non. "Je serai là en 2027 mais ça ne veut pas dire candidat à l'élection présidentielle. Ça n'est pas dans mon objectif aujourd'hui", a-t-il expliqué sur LCI quelques jours avant son départ de Matignon.
"Vous avez bien entendu qu'il a dit aujourd'hui et qu'il ne s'engage surtout pas pour demain", sourit un élu Modem.
"Il survit à tout"
Dans son camp, cependant, pas grand-monde ne croit l'hypothèse souhaitable. On pointe notamment un "certain besoin de renouveau", la question de "son âge" - 76 ans au compteur lors de la prochaine présidentielle - et les sondages, guère flatteurs. Avant de quitter Matignon, 81% des personnes interrogées dans un sondage Elabe pour BFMTV indiquaient désapprouver son action de Premier ministre.
Quant à avoir une équipe prête à en découdre pour lui et à se battre lors d'une campagne présidentielle, certains doutent qu'elle existe encore. Les 36 députés Modem ont souvent eu le blues ces derniers mois, trouvant souvent leur dirigeant "poussif, laborieux, très lent" comme nous le confiait l'un d'entre eux en juillet dernier.
Suffisant pour rayer l'option d'une nouvelle candidature? Pas forcément, une fois que son procès en appel dans l'affaire des assistants de députés européens du Modem sera bien derrière lui.
Relaxé en première instance au "bénéfice du doute" en février 2024, le centriste va devoir à nouveau s'expliquer devant la justice alors que plusieurs de ses proches ont été condamnés à des peines de prison avec sursis, des amendes et des peines d'inéligibilité.
"Vous savez, François Bayrou a un surnom: Higlander. Il survit à tout, ne meurt jamais", lâche l'un de ses anciens collaborateurs à Matignon, en citant ce film qui met en scène un guerrier écossais immortel.
À la fin de ce succès des années 80, le héros finit pourtant par devenir un homme comme les autres, capable de mourir.