"Qu'il retourne faire la sieste à Pau": les associations de victimes de Bétharram réagissent au départ de François Bayrou

Des personnes manifestent le 15 février 2025 devant la mairie de Pau avant une rencontre entre François Bayrou et le collectif des victimes du collège-lycée Notre-Dame-de-Bétharram (image d'illustration) - PHILIPPE LOPEZ © 2019 AFP
Un départ qui sonne comme un soulagement. Les présidents des associations de victimes de Notre-Dame de Bétharram, institution catholique du Béarn visée par des plaintes d'anciens élèves pour des châtiments physiques et agressions sexuelles, ont salué la démission de François Bayrou après l'échec du vote de confiance.
"En tant que victimes de Bétharram, on préfère ne pas avoir François Bayrou comme Premier ministre. Ce n’est pas un support des victimes de Bétharram, c’est un support inconditionnel de la Congrégation donc nous n’avons absolument rien à attendre de lui", réagit Bernard Collenot, auprès de BFMTV, ce mardi 9 septembre.
"Qu’il retourne faire la sieste à Pau, il sera moins nocif qu’à Matignon", ajoute-t-il. Son confrère Alain Esquerre, lanceur d'alerte de l'affaire, lui conseille "d'aller s'occuper de ses petits-enfants", soulignant que "la vie politique devrait être (une page, NDLR) tournée pour lui".
"Rien n'a été fait"
Pour Alain Esquerre, les neuf mois de mandat de François Bayrou n'auront en effet résulté qu'en des promesses non tenues. Le président et porte-parole du principal collectif des victimes de Bétharram dénonce "l'immobilisme complet" de l'ancien Premier ministre.
"J'avais évoqué mon envie de travailler sur ces questions auprès de lui le 15 février, on lui avait rappelé à Matignon ensuite, j'avais échangé par téléphone, il évoquait sa volonté de travailler sur l'imprescriptibilité, un fonds d'indemnisation pour les victimes et la prise en charge des frais inhérents ou la création d'un Conseil des victimes. Et finalement, rien n'a été fait", regrette-t-il amèrement auprès de BFMTV.
Lors de sa visite à Matignon, l'ancien élève lui avait offert le livre Le silence de Bétharram, qu'il avait dédicacé en écrivant "à François Bayrou, l'homme qui peut tout changer", considérant qu'il avait toutes les cartes en mai pour pouvoir agir. Alain Esquerre dit finalement avoir compris que l'ADN du maire de Pau et sa manière d'agir n'étaient que "l'inaction".
Il ajoute: "Je trouve que c’est dégueulasse de promettre des choses à des victimes alors qu’il n’a aucune volonté de le faire, 'je vais le faire, je vais le faire, je vais le faire, il ne faisait que me dire ça'."
François Bayrou "n'est pas pour la défense de la vérité", complète Bernard Collenot. "Cette affaire le gêne, mais il ne veut pas la résoudre". Pour l'ancien élève de Notre-Dame de Bétharram, le Premier ministre "fait partie des gens qui pensent qu’il y a de la violence simplement parce qu’il y a des victimes". Ainsi, "il oublie qu’il y a un deuxième acteur dans la violence, celui qui est violent".
"Tant qu’on ne prend pas en compte ces gens-là… Ceux qui ont agi sont pratiquement tous morts, mais ceux qui ont commandité ces violences sont toujours là. Ils continuent leurs œuvres et ne remettent jamais en cause leurs actions. Tant que ce sera le cas, il y aura des victimes."
L'espoir de mesures avec un nouveau gouvernement
Avec ce changement de gouvernance, Bernard Collenot, âgé de 77 ans, dit avoir l'espoir de trouver "dans le prochain gouvernement des gens favorables au rapport parlementaire alors que le Modem (parti de François Bayrou, ndlr) ne l'avait pas voté".
De son côté, Alain Esquerre dit avoir souhaité sa chute en se disant que le prochain Premier ministre "aurait peut-être une sensibilité plus importante" sur le dossier.
Bernard Collenot ajoute: "Qu'il y ait des mesures en faveur des victimes, c'est possible, mais pas avec François Bayrou." Ce dernier a "une amnésie sélective qui fait qu'il ne se souvient que de ce dont il veut se souvenir", souligne Bernard Collenot. "C’est une amnésie feinte, pas une amnésie réelle. Il ne veut pas admettre la responsabilité de la Congrégation pour ces violences."
Une vision partagée par le député (LFI) Paul Vannier qui, dans son rapport parlementaire sur l'affaire Bétharram, écrivait que François Bayrou avait "menti en niant toute information au sujet de ces violences", déplorant également son "inaction" malgré ces mandats d'ancien ministre de l'Éducation nationale ou de maire de Pau et président du conseil général des Pyrénées-Atlantiques.
Au niveau judiciaire, en raison notamment de la prescription des faits, le président de l'association soutient n'avoir "aucun espoir". Néanmoins, parmi les mesures recommandées par Paul Vannier et Violette Spillebout, les deux députés co-rapporteurs, apparaissent notamment la création d'un fonds d'indemnisation et d'un Conseil des victimes de Bétharram.
L'association des victimes de Notre-Dame de Bétharram explique par ailleurs avoir engagé des poursuites auprès de tribunaux écclésiastiques. L'Église est "concernée à double titre et impliquée dans les dysfonctionnements qui ont amené les violences", souligne Bernard Collenot.
Ce dernier indique qu'une plainte a été déposée au Vatican, visant la Congrégation, et une seconde auprès des Évêques de France contre l'enseignement catholique. Des démarches complexes, pour lesquelles ils n'ont pas eu de retour pour l'heure.