Menaces, flatteries et diversions: la drôle de stratégie de François Bayrou pour sauver sa peau avant le vote de confiance

Le Premier ministre François Bayrou à la sortie de l'Elysée, le 21 avril 2025 à Paris - STEPHANE DE SAKUTIN
Il est presque le seul à y croire. Depuis l'annonce de l'organisation d'un vote de confiance à l'Assemblée nationale le 8 septembre prochain, François Bayrou jette toutes ses forces dans la bataille pour espérer se maintenir à Matignon après cette date. Quitte à sortir de son image policée, promettant même de se "battre comme un chien" pour rester Premier ministre.
"C'est un peu l'énergie du désespoir qui vous fait tenter le tout pour le tout. Mais quand vous avez vous-même sauté dans l'eau glacée et que vous ne savez pas nager, c'est dur de ne pas se noyer", observe un élu macroniste auprès de BFMTV.
"Il est en train de se dire qu'il a peut-être annoncé le vote de confiance trop vite et que ça lui plairait bien de rester un peu longtemps à la gamelle", avance plus franchement l'ex député Patrick Vignal.
Premier volet de son plan pour rester Premier ministre: mettre la pression sur les élus en prenant les Français à témoin. Ce mardi, au lendemain de la conférence de presse lors de laquelle il a annoncé mettre son poste en jeu devant les députés, il a sommé les élus du Palais-Bourbon de choisir entre "le chaos" ou "la responsabilité".
Pour sauver sa peau, le centriste a en effet besoin qu'une majorité de députés lui accordent leur confiance ou s'abstiennent. Mais pour l'instant, le RN et l'ensemble de la gauche ont décidé de voter contre la confiance, ce qui suffit largement à faire tomber le chef du gouvernement.
"L'intérêt de la France, c'est qu'on ait un budget qui acte le redressement des finances publiques. Et il va rappeler aux Français qu'une éventuelle clarification aura lieu à la présidentielle et qu'on ne doit pas tout mélanger", décrypte le député Modem Richard Ramos.
Des Français impossibles à convaincre
Ces arguments sont-ils suffisants pour changer la donne? Le chemin semble très étroit. De sondage en sondage, les mesures mises sur la table par François Bayrou dans le budget 2026 sont largement rejetées par les Français, à l'instar du gel des prestations sociales ou de la suppression de deux jours fériés.
"C'est malin de prendre le peuple à témoin mais les Français sont réfractaires aux pistes d'économies qu'il propose. Je ne vois pas comment il trouve une voie de passage avec cette stratégie", observe Jean-Baptiste Moreau, membre du bureau exécutif de Renaissance.
Seconde manœuvre du plan de François Bayrou pour obtenir la confiance des députés: obtenir le soutien des syndicats, avec l'espoir qu'ils parviennent ensuite à convaincre les députés d'au moins s'abstenir.
Le Premier ministre a rappelé ce mardi devant l'université d'été de la CFDT qu'il voulait redonner aux partenaires sociaux la gestion de la protection sociale. Mais sa proposition de répondre à une demande de longue date du syndicat réformiste n'a pas convaincu, pas plus qu'une éventuelle négociation sur la suppression des deux jours fériés.
"C'est bien de prendre grand-soin de parler des choses qui pourraient plaire à des responsables CFDT" a ironisé Marylise Léon après le discours du Premier ministre, en regrettant "une mise en scène" et en se disant "pas dupe".
Troisième levier: convaincre que le vote de confiance n'est pas un soutien direct au chef du gouvernement. "Il ne porte pas sur le budget mais sur un diagnostic" de très forte dégradation des finances publiques, a tenté de rappeler Sophie Primas, la porte-parole du gouvernement ce mercredi.
"C'est trop subtil. Allez expliquer à vos électeurs que vous soutenez François Bayrou mais que vous allez le censurer à l'automne sur le budget... Personne n'y comprendrait rien", tranche un élu Modem.
Goût de défaite
Bref, les embûches s'accumulent pour François Bayrou et ses chances de se maintenir à la tête du gouvernement n'ont jamais semblé aussi minces. Officiellement, l'heure n'est pas à la soupe à la grimace. "Il ne faut pas se dire déjà vaincu", a lancé Emmanuel Macron ce mercredi en plein Conseil des ministres, exhortant le gouvernement à la "combativité".
En coulisses, pourtant, plus personne n'y croit. "Il a raison de prendre des initiatives mais je ne vois pas comment on arrive à convaincre ceux qui veulent nous faire tomber de ne pas le faire", reconnaît le député Renaissance Éric Bothorel. "Moi, cette stratégie, je ne peux pas la valider", soupire l'un des ses collègues.
"La négociation, ce n'est pas ça, de dire à quelqu'un de dire à un autre ceci ou cela. Si votre tante vous dit ne pas divorcer, ça ne fonctionne jamais si votre mari vous sort vraiment par les yeux", soupire l'un de ses collègues. Il reste désormais 12 jours à François Bayrou pour remporter son pari.