Rugby, courses de chevaux et pugnacité: après six mois d’épreuves à Matignon, les secrets de François Bayrou pour tenter de garder le moral

François Bayrou à Pau le 7 juin 2025 - ROMAIN PERROCHEAU / AFP
François Bayrou serait-il en acier trempé? Six mois jour pour jour après son arrivée à Matignon, le centriste tient toujours la barre. Les épreuves n'ont pourtant pas manqué ces derniers mois, de la commission d'enquête sur Notre-Dame-de-Bétharram aux piques de Bruno Retailleau, son populaire ministre de l'Intérieur, en passant par le drame de la mort d'une surveillante tuée par un collégien ce mardi.
Quant à l'Assemblée nationale, les soutiens sont plutôt maigres avec un groupe de seulement 36 députés Modem, couplé à des élus LR et Renaissance qui le soutiennent souvent du bout des lèvres. Et pourtant, le moral semble bon.
"On ne reste pas pendant des années à croire à son destin pour, quand on y arrive, décider de baisser les bras parce que le moment n'est pas facile. Et encore moins quand vous le saviez en arrivant", résume l'un de ses proches auprès de BFMTV.
"Beaucoup de force" dans "sa tête"
Difficile de donner tort à cet interlocuteur : François Bayrou n'a jamais semblé découvrir les difficultés du poste surnommé par certains de ses précesseurs "l'enfer de Matignon" après avoir espéré y entrer pendant des années. Lors de la passation de pouvoir avec Michel Barnier en décembre, resté à peine trois mois sans parvenir à faire adopter les budgets 2025, le centriste avait même évoqué "l'Himalaya" de difficultés qui l'attendait.

À la faveur d'un accord avec les socialistes en janvier dernier, conditionné à une réunion entre partenaires sociaux sur la réforme des retraites, le patron du Modem a pourtant réussi à franchir son premier col.
"Atterrir sur les budgets, là où Michel Barnier qu'on voyait peut-être plus habile a échoué, ça lui a donné beaucoup de force, à la fois politiquement mais aussi lui-même dans sa tête", reconnaît l'un de ses fidèles compagnons de route.
Pour lui, cela illustrerait ce que le Béarnais avait théorisé depuis des années en montrant qu'on pouvait dépasser les clivages politiques quand l'heure était grave.
"Bayrou sait mordre"
Autre épreuve: son audition devant la commission d'enquête sur les violences dans le monde scolaire, notamment à Notre-Dame-de-Bétharram.
Le chef du gouvernement est accusé par des témoins d'avoir été au courant d'accusations d'agressions sexuelles au sein de cet établissement catholique, où plusieurs de ses enfants étaient scolarisés dans les années 1990 et où sa femme a enseigné le catéchisme. François Bayrou a toujours nié avoir été au courant de la situation.
Après avoir hésité sur la stratégie à adopter et plusieurs déclarations malheureuses, le centriste a finalement choisi l'attaque, se défendant pied-à-pied devant la commission d'enquête.
Au point que son audition en mai a parfois semblé tourner au match de catch avec l'un des rapporteurs, le député inoumis Paul Vannier, qualifié à plusieurs reprises par le Premier ministre de "procureur". Les 5h30 d'audition lui ont manifestement fait du bien. À sa sortie, François Bayrou parle même d'un "moment libérateur".
"C'est quelqu'un qui peut ressembler à l'eau qui dort mais sait mordre quand vous venez le chercher. C'est exactement ça qu'il s'est passé et on n'est plus venu l'emmerder depuis", résume, abrupt, un conseiller ministériel.
"La leçon, c'est que ce n'est pas quelqu'un que vous pouvez détourner de son cap et qui sait le maintenir contre vents et marées", résume de son côté le député Modem Michaël Cosson.
Pourtant, parfois, le Premier ministre laisse filtrer quelques états d'âme en mai devant des députés Renaissance qu'il a convié à dîner à Matignon. "Ce n'est pas drôle tous les jours", leur confie le maire de Pau, regrettant la "multiplication des pièges tendus".
Encore bien des montagnes devant
Et ce n'est pas encore fini. Les conclusions du conclave sur la réforme des retraites seront rendues la semaine prochaine. Les troupes d'Olivier Faure ont déjà prévenu: elles ne lui feront pas de cadeau et attendent désormais que l'éventuel accord qui en sortira soit présenté devant le Parlement. Mais pas question d'évoquer ses inquiétudes. Je crois qu'il "existe un chemin", a avancé le centriste ce jeudi.
"La méthode Coué, ça rime avec François Bayrou, vous ne saviez pas", lâche en riant un député Modem.
Autre chausse-trappe d'ici la mi-juillet: le dévoilement des pistes d'économies prévu par le patron du Modem à hauteur de 40 milliards d'euros dans le budget de la sécurité sociale et de l'État. Là encore: la côte s'annonce coriace, cernée de lignes rouges.
La droite refuse officiellement toute nouvelle hausse d'impôts et les socialistes menacent de censurer le Premier ministre à l'automne s'il active un 49.3, ce dispositif constitutionnel qui permet de faire voter un budget sans vote.
Mettre les députés devant le fait accompli
Mais la stratégie reste toujours la même pour le locataire de Matignon: laisser les uns et les autres abattre leurs cartes, se faire discret pour les laisser boxer dans le vide et, à la fin, les mettre devant le fait accompli en annonçant les options retenues par le gouvernement.
"Sa méthode, c'est de porter une tentative de règlement de dérive des sujets budgétaires d'une façon qui n'a encore jamais été testé. Il est porté par cette vision pour le futur qui lui donne de la force, de la détermination", philosophe de son côté le député Modem Erwan Balanant.
Et pour sortir la tête du guidon le soir, François Bayrou peut jeter un coup un coup d'œil sur les matchs de rugby, un sport qu'il adore regarder le soir à Matignon ou suivre de près les résultats des courses des chevaux qu'il élève dans sa maison de Bordères, à quelques encablures de Pau.