"Ce n'est pas drôle tous les jours": François Bayrou évoque "la multiplication des pièges tendus" à Matignon

François Bayrou le 20 mai 2025 à l'Assemblée nationale - JULIEN DE ROSA / AFP
Presque six mois après son arrivée à Matignon, François Bayrou aurait-il le blues? Le Premier ministre a invité les députés macronistes à un cocktail ce mardi soir à Matignon et s'est épanché sur sa situation, coincé entre une séquence budgétaire à l'automne qui s'annonce à très haut risque et l'affaire Bétharram dont il peine à se sortir.
"Je vous suis reconnaissant d'exister", a expliqué le centriste, entre petits fours et verres de vin. "Comme vous savez, ce n'est pas drôle tous les jours. Il y a une multiplication de pièges qui sont tendus tous les jours", a d'ailleurs reconnu François Bayrou.
"Pas de situation politique aussi difficile" depuis 1958
Après avoir réussi à faire voter le budget de l'État et de la sécurité sociale en janvier dernier, là où Michel Barnier avait échoué avant de démissionner, le centriste semblait en position de force.
Soucieux de ne pas donner l'opportunité aux oppositions de le censurer, le Premier ministre avait rayé de la liste les sujets dangereux pour lui politiquement comme une grande loi immigration portée par Bruno Retailleau.
Quant à son style de management basé sur "la polyphonie" de ses ministres qui exposent régulièrement leurs points de vue divergents, il a l'avantage de ne fâcher ni la droite ni la macronie. Mais les dernières semaines ont manifestement été éprouvantes.
"Ce qui est frappant, c'est qu'il n'y a pas eu de situation politique aussi difficile depuis le début de la Ve République", a-t-il d'ailleurs reconnu devant les députés Renaissance.
Bétharram et budgets
Si François Bayrou savait dès sa nomination les difficultés qu'il aurait dans une Assemblée nationale très fragmentée, il n'avait pas imaginé que l'affaire Bétharram, du nom de l'établissement scolaire au cœur d'un scandale de violences et de viols s'étalant sur plusieurs décennies, le mettrait autant sous pression.
Après plus de 5h30 d'audition sous très haute tension qui n'ont pas vraiment convaincu la commission d'enquête, François Bayrou doit désormais affronter le collectif de victimes qui a pointé lundi soir les contradictions du Premier ministre.
Pour se sortir définitivement du bourbier, le centriste a promis ce mardi devant l'hémicucle de publier "la totalité des documents" qui prouveraient son innocence "dans les 48 heures". Suffisant pour éteindre le feu alors que sa cote de popularité est en nette baisse depuis son audition? La question se pose.
"Les Français" pour "seuls alliés"
Quant à la préparation du budget de l'État et de la sécurité sociale et la menace d'une censure du gouvernement à l'automne prochain, la méthode de François Bayrou laisse dubitatif.
À la recherche de 40 milliards d'euros d'économie, le Premier ministre a bien promis de dévoiler des pistes dès la mi-juillet, laissant l'occasion d'ici de négocier entre Bercy et les forces politiques, notamment le PS. Mais pour l'instant, les arbitrages se font attendre, agaçant le socle commun.
Réduire le déficit est "grande responsabilité dont nous devons assurer la charge et le défi. Les seuls alliés que nous pouvons espérer avoir ce sont les Français", a expliqué François Bayrou devant les députés macronistes.
"Reconnaissant"
Malheureusement pour lui, le référendum qu'il a proposé sur le redressement des finances publiques semble très improbable après l'interview d'Emmanuel Macron la semaine dernière qui a semblé évacuer l'hypothèse.
Quant à la victoire de Bruno Retailleau, désormais président des Républicains, elle risque bien de pousser la droite à vouloir s'autonomiser du gouvernement. La porte-parole du gouvernement Sophie Primas s'est ainsi payée le luxe de juger ce mardi matin que "le macronisme trouvera probablement une fin dans les mois qui viennent" sur Europe 1-CNews.
La petite phrase a profondément agacé le président des députés macronistes Gabriel Attal, contraignant François Bayrou à recadrer sa ministre. Pas question pour lui de se fâcher avec le camp présidentiel dont il a à tout prix besoin pour les budgets.
"Je vous suis reconnaissant du travail que vous faites", a encore insisté François Bayrou devant les députés macronistes, évoquant une "déclaration d'amitié".
Le locataire de Matignon recevra ce mercredi soir les députés du Modem pour une nouvelle soirée de câlinothérapie.