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Loi immigration: Retailleau prêt à une concession sur la forme pour apaiser sa relation avec le PS

François Bayrou et Bruno Retailleau à Paris le 14 décembre 2024

François Bayrou et Bruno Retailleau à Paris le 14 décembre 2024 - STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Bruno Retailleau a évoqué lors de discussions avec François Bayrou ce 13 décembre une méthode pour durcir les politiques migratoires sans risquer la censure du Parti socialiste. Bruno Retailleau veut reprendre à son compte plusieurs propositions de loi sénatoriales sans lancer de nouveau texte entièrement dédié à l'immigration.

De l'eau dans son vin sans changer le fond de ses intentions. Le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, a expliqué ce vendredi 13 décembre au nouveau Premier ministre, François Bayrou, être prêt à renoncer à une loi immigration, d'après des informations d'Europe 1 confirmées par BFMTV.com.

En échange, plusieurs dispositifs qui étaient prévus pour intégrer ce texte feraient l'objet de propositions de lois séparées.

"Ce que nous voulons, c'est trouver les bons vecteurs pour atteindre nos objectifs en matière de lutte contre l'immigration illégale", nous explique un proche de Bruno Retailleau.

Une loi immigration à très haut risque

Exit donc le texte sur l'immigration promis par la porte-parole du gouvernement démissionnaire, Maud Bregeon pour le "début d'année 2025". Au menu de cette loi, on devait trouver une proposition du locataire de la place Beauvau pour prolonger la détention en centre de rétention administrative de 90 jours maximum, comme c'est le cas aujourd'hui, à 210.

Cette loi devait également reprendre des articles retoqués par le Conseil constitutionnel lors du dernier projet de loi immigration en janvier dernier. Parmi-celles, Maud Bregeon avait notamment cité les mesures visant à durcir le regroupement familial.

La manœuvre avait tout d'un pari: en janvier dernier, ce texte avait failli faire imploser la macronie. De quoi refroidir les ardeurs de Michel Barnier qui ne pouvait pas se passer des voix du bloc présidentiel pour faire passer cette loi. Bruno Retailleau avait d'ailleurs fâché une partie du camp central, y compris Emmanuel Macron, en expliquant que l'immigration n'était "pas une chance" pour la France.

Des mesures dispersées dans plusieurs textes

Mais les cartes sont désormais rebattues avec l'arrivée de François Bayrou à Matignon. Manifestement déterminé à rester à Beauvau, Bruno Retailleau, a proposé une nouvelle méthode au Premier ministre.

Pour allonger la durée en centre de rétention administrative, le ministre de l'Intérieur a évoqué avec François Bayrou la possibilité de reprendre une proposition de loi déposée au Sénat qui va déjà dans ce sens.

Charge au Palais du Luxembourg de la voter avant que les députés, probablement LR, ne s'en emparent pour espérer la faire voter à leurs collègues. Même topo pour le rétablissement de séjour irrégulier qui pourrait aussi faire l'objet d'un vote au Sénat avant d'être soutenu à l'Assemblée nationale.

Autre procédé qui pourrait être utilisé sur une modification substantielle de l'aide médicale d'État (AME), ce dispositif qui permet une prise en charge à 100% de la plupart des frais médicaux pour les étrangers en situation irrégulière: l'ajout d'un amendement au budget de la sécurité sociale 2025 dans les prochaines semaines.

Éviter une censure des socialistes

Cette découpe de futurs morceaux de la future loi immigration aurait un mérite: celle d'assouplir les relations avec les socialistes.

Le président des députés PS Boris Vallaud a déjà expliqué dimanche sur BFMTV que ses troupes voteraient la censure du gouvernement Bayrou si l'exécutif présente un nouveau texte pour durcir les politiques migratoires en France.

Le nouveau locataire de Matignon a donc tout intérêt à aller dans le sens des députés PS qui représentent pas moins de 66 élus à l'Assemblée nationale, soit quasiment le double des députés Modem et 22 de plus que les LR.

Les socialistes pourraient cependant hausser le ton même à travers des propositions de lois éparses. Quant à Marine Tondelier, la patronne des Écologistes, elle a jugé samedi sur France inter que Bruno Retailleau n'était "pas une personne apaisante", jugeant que cela "ne la convaic pas de ne pas censurer" François Bayrou.

Gare à Le Pen

La ligne de crête est toute aussi ténue pour le Rassemblement national. Début octobre, Marine Le Pen avait exigé une nouvelle loi immigration d'ici début 2025, la souhaitant "restrictive".

En son absence, elle avait menacé de voter une motion de censure. Les députés RN accepteront-ils de voter différentes mesures au gré de propositions de lois au lieu d'un grand texte ? La question reste ouverte.

Après son rendez-vous avec François Bayrou ce lundi matin, Marine Le Pen n'a pas évoqué les questions migratoires.

Marie-Pierre Bourgeois