BFMTV
Amérique Latine

Opposante vénézuélienne, proche des positions de Donald Trump... Qui est María Corina Machado, prix Nobel de la paix 2025?

La cheffe de file de l'opposition vénézuélienne Maria Corina Machado lors d'une manifestation organisée par l'opposition à la veille de l'investiture présidentielle, à Caracas, le 9 janvier 2025.

La cheffe de file de l'opposition vénézuélienne Maria Corina Machado lors d'une manifestation organisée par l'opposition à la veille de l'investiture présidentielle, à Caracas, le 9 janvier 2025. - JUAN BARRETO / AFP

La Vénézuélienne María Corina Machado est le visage de la résistance au président Nicolás Maduro. Menacée par le pouvoir, elle milite dans la clandestinité. Elle lutte notamment contre la corruption et soutient également le déploiement militaire des États-Unis dans les Caraïbes contre le narcotrafic.

Elle a interdiction de quitter le Venezuela depuis onze ans, de voyager en avion, de se présenter aux élections et elle vit aujourd'hui dans la clandestinité. María Corina Machado a reçu ce vendredi 10 octobre le prix Nobel de la paix pour ses efforts "en faveur d'une transition juste et pacifique de la dictature à la démocratie".

"Cette reconnaissance de la lutte de tous les Vénézuéliens nous encourage à mener à bien notre tâche: conquérir la liberté. Nous sommes à deux doigts de la victoire", a lancé sur X la lauréate après l'annonce de sa récompense.

La cheffe de file l'opposition vénézuélienne "a été une figure clé de l'unité au sein d'une opposition politique autrefois profondément divisée, une opposition qui a trouvé un terrain d'entente dans la revendication d'élections libres et d'un gouvernement représentatif", a expliqué le président du comité Nobel.

Elle a réussi cette unification au moment où "le Venezuela est passé d'un pays relativement démocratique et prospère à un État brutal et autoritaire en proie à une crise humanitaire et économique", a-t-il ajouté.

L'opposition revendique l'élection présidentielle

María Corina Machado incarne aujourd'hui la résistance au président Nicolás Maduro au Venezuela. Sa notoriété a explosé en octobre 2023 lors des primaires de l'opposition, en recueillant plus de 90% des voix lors d'une démonstration de force avec trois millions de votants.

Elle est rapidement devenue une favorite des sondages, notamment surnommée la "libertadora" ("libératrice"), en hommage au "libertador" Simon Bolivar. Toutefois, elle a été déclarée inéligible par le pouvoir en place, "en raison de manipulations juridiques du gouvernement Maduro", explique auprès de BFMTV Thomas Posado, maître de conférence à l'Université de Rouen. María Corina Machado s'est alors muée en porte-parole de la candidature d'Edmundo González Urrutia.

Son nom n'était donc pas sur les bulletins lors de l'élection présidentielle de 2024 mais elle était clairement le visage et l’âme de l’opposition. Elle a sillonné inlassablement le pays, faisant campagne en voiture, interdite de prendre l'avion. Cris, pleurs et bousculades accompagnaient ses apparitions.

En juillet, Nicolás Maduro a été proclamé vainqueur de la présidentielle avec 52% des suffrages par le Conseil national électoral, considéré aux ordres du pouvoir. Celui-ci n'a pas publié le détail des votes, se disant victime d'un piratage informatique. De son côté, l'opposition a revendiqué la victoire (avec plus de 67% des voix).

Cette élection a valu à María Corina Machado et toute l'opposition vénézuelienne un fort soutien international, les États-Unis, l'Europe et de nombreux pays d’Amérique latine ne reconnaissant pas la réélection de Nicolás Maduro. Dans le pays, des manifestations spontanées ont été durement réprimées, se soldant par 28 morts, plus de 200 blessés et plus de 2.400 personnes arrêtées pour "terrorisme".

"Le régime Maduro veut ma tête"

Depuis, María Corina Machado vit dans la clandestinité. "Deux jours après les élections, j'ai appris que le régime s'apprêtait à m'arrêter, j'ai donc dû me cacher", avait-elle expliqué en septembre dans un entretien accordé au Figaro. Également menacé, Edmundo González Urrutia s'est lui exilé à l'étranger.

"Malgré les graves menaces qui pèsent sur sa vie, elle est restée dans son pays, un choix qui a inspiré des millions de personnes", a souligné le comité du prix Nobel ce vendredi.
La cheffe de file de l'opposition vénézuélienne Maria Corina Machado lors d'une manifestation organisée par l'opposition à la veille de l'investiture présidentielle, à Caracas, le 9 janvier 2025.
La cheffe de file de l'opposition vénézuélienne Maria Corina Machado lors d'une manifestation organisée par l'opposition à la veille de l'investiture présidentielle, à Caracas, le 9 janvier 2025. © FEDERICO PARRA / AFP

María Corina Machado raconte ainsi être complètement isolée. "Je n'ai aucun contact avec personne si ce n'est par le biais de plateformes sur internet. J'y suis contrainte afin de rester en vie: le régime Maduro veut ma tête, sa police est à ma recherche", expliquait-elle au Figaro.

Depuis la présidentielle, elle donne des interviews virtuelles et anime brièvement les rares manifestations de l’opposition. Sa méthode: apparaître subitement à un coin de rue pour monter sur un camion-podium, haranguer la foule puis disparaître rapidement en moto pour échapper à une arrestation.

Elle a d'ailleurs été brièvement arrêtée le 9 janvier dernier alors qu’elle quittait une manifestation à Caracas contre l’investiture de Nicolás Maduro. Selon ses proches, des coups de feu ont été tirés: "les troupes du régime ont tiré sur les motos qui la transportaient".

Cantonnée à la clandestinité

Toutefois, María Corina Machado a eu des ennuis avec le pouvoir vénézuélien bien avant la présidentielle de 2024. "J'ai d'abord été interdite de quitter le territoire, puis, il y a sept ans, on m’a empêchée de prendre des vols domestiques", a-t-elle raconté.

Ingénieure de profession, María Corina Machado a entamé son parcours politique en 2002 avec la création de l'association Sumate (Rejoins-nous), réclamant un référendum pour révoquer le président Hugo Chávez. Alors que Nicolás Maduro est l'héritier direct de ce dernier, María Corina Machado a fait de la chute du régime chaviste la cause de sa vie.

"Tant que le gouvernement est géré par Nicolás Maduro, tant que les forces armées et les instances judiciaires et électorales lui sont loyales, l'avenir de María Corina Machado est dans la clandestinité", analyse le spécialiste Thomas Posado.

Si ce pouvoir tombe, elle sera "un personnage central d'une recomposition du jeu politique vénézuélien", ajoute-t-il, estimant néanmoins que ce prix Nobel "ne change pas la réalité quotidienne".

"Nous allons devoir mettre en place les fondements d'une république libérale, éthique, dotée d’institutions solides, au service du peuple. (...) Nous allons faire revenir les 8 millions de Vénézuéliens qui ont été contraints de quitter le pays et qui souhaitent y revenir", a expliqué la prix Nobel. Ce retour espéré de la diaspora la touche de près. Ses trois enfants - Ana Corina, Henrique et Ricardo - vivent à l’étranger.

Lutte contre les cartels

Libérale, elle prône une économie de marché et a proposé la privatisation du géant public pétrolier Petroleos de Venezuela (PDVSA), principale source de revenus du pays dont la production s’est effondrée, en raison de la mauvaise gestion et de la corruption.

María Corina Machado a également fait de la lutte contre le trafic criminel un cheval de bataille.

"Le Venezuela a été envahi par des réseaux criminels provenant du monde entier. Ils ont pris le contrôle de notre territoire, de nos institutions et de nos ressources. C’est pire qu'une dictature: c’est une entreprise criminelle qui a fait du pays un havre pour les régimes iranien, russe et cubain, mais également pour des groupes terroristes du Proche-Orient, des cartels latino-américains et des guérillas", a-t-elle dénoncé.

"Ils sont tous là et Nicolás Maduro est à la tête de cette structure criminelle", déplore-t-elle, estimant que "quiconque aujourd’hui soutient Maduro, soutient un cartel criminel".

"Proche des positionnements" de Donald Trump

María Corina Machado soutient aussi le déploiement militaire des États-Unis dans les Caraïbes contre le narcotrafic.

À ce jour, l'administration Trump a frappé en mer au moins quatre embarcations qu'elle a présentées comme étant celles de narcotrafiquants, pour un bilan d'au moins 21 morts. "Je considère que la décision du président Trump est la bonne façon de se débarrasser de ces structures mafieuses", disait la prix Nobel de la paix en septembre au Figaro.

"Je dédie ce prix au peuple vénézuélien qui souffre et au président Trump pour son soutien décisif à notre cause!", a-t-elle d'ailleurs salué dans un message sur X, ajoutant "que plus que jamais nous comptons sur le président Trump et le peuple américain".

"María Corina Machado c'est quelqu'un qui permet de donner le change du comité Nobel à l'égard de Donald Trump car c'est quelqu'un qui, par ce positionnement radical, est assez proche des positionnements de l'administration états-unienne", explique ainsi Thomas Posado.

Cette année, María Corina Machado et la grande coalition d'opposition, la Plateforme Unitaire Démocratique (PUD), a appelé au boycott des élections législatives et régionales au Venezuela. Une position que ne partage pas la totalité de l'opposition du pays, puisque d'autres estiment qu'il faut "persister" dans la voie électorale.

Sur le même sujet

    Avant le prix Nobal, María Corina Machado avait reçu en 2024 le prix Sakharov, plus haute distinction pour les droits humains attribué par l'Union européenne, et le Vaclav Havel, décerné par le Conseil de l'Europe.

    Salomé Robles avec AFP