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La suspension de la réforme des retraites est sur la table: voilà ce qui changerait pour l'âge et la durée de cotisation si on la gelait en l'état

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La suspension de la réforme des retraites semble être une des issues de secours pour sortir de la crise politique. Si cette main tendue à la gauche se concrétise, il reste à savoir quelle incidence cela aura concrètement pour les futurs retraités.

Suspendre la réforme, mais de quelle manière? Alors que la mise en pause de la réforme des retraites de 2023 semble être une des pistes priviligiées pour sortir du blocage politique en France, les conséquences directes pour les futurs retraités semblent à ce stade incertaines.

Ce jeudi 9 octobre, au micro de RMC et BFMTV, la ministre démissionnaire de l'Éducation nationale Élisabeth Borne, qui s'est déclarée favorable à une suspension de la réforme, a précisé son raisonnement.

"Quand on parle de suspendre la réforme des retraites, (...) par exemple, la CFDT dit que cela peut vouloir dire que l'on gèle l'âge légal de départ. Cela ne veut donc pas dire qu'on est en train de tout remettre en cause", a-t-elle souligné.

Alors qu'elle avait porté la réforme des retraites en 2023 en tant que Première ministre, jusqu'à recourir à l'article 49.3 de la Constitution pour passer le texte en force, la macroniste dit désormais "entendre la CFDT qui a en tête, de geler, jusqu'à la présidentielle, l'âge de départ à la retraite, qui est à 62 ans et 9 mois".

Invitée de BFM Business ce jeudi, la leader de la CFDT Marylise Léon a même plaidé en faveur d'un système par points de façon à ce que "les personnes [aient] la main sur l'âge auquel elles veulent partir".

Quid de la durée de cotisation?

Élisabeth Borne n'a cependant pas proposé d'agir aussi sur le nombre de trimestres à acquérir, correspondant au nombre d'années pendant lesquelles un travailleur cotise pour partir à la retraite à taux plein.

Pour rappel, la réforme des retraites de 2023 a accéléré celle portée par l'ancienne ministre Marisol Touraine en 2014 et enclenchée en 2020. En plus de reculer progressivement l'âge légal de départ à la retraite, il est aussi question d'augmenter, plus vite qu'initialement prévu sous la présidence de François Hollande, le nombre de trimestres exigés pour ne pas subir de décote.

Si l'âge légal de départ recule progressivement jusqu'à atteindre 64 ans pour les générations nées à partir du 1er janvier 1968, contre 62 ans avant la réforme, le nombre de trimestres exigés pour partir sans décote monte plus rapidement à 172, soit 43 années de cotisation, dès la génération née en 1965. Et ce, alors que la réforme Touraine prévoyait d'exiger ces 172 trimestres seulement pour les générations nées à partir de 1973.

Dans l'hypothèse où l'on gèlerait seulement l'âge légal de départ, cela signifierait que toutes les générations suivant celles de 1962 pourraient partir à la retraite à partir de 62 ans et 9 mois. En revanche, si on ne change rien à la durée de cotisation, alors certaines personnes souhaitant partir à l'âge légal ont plus de risques de subir une décote sur leur pension.

Combien coûterait une suspension de la réforme des retraites?
Combien coûterait une suspension de la réforme des retraites?
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Prenons les générations nées à partir de 1968: avec la réforme telle qu'elle est actuellement appliquée, elles ne peuvent partir à la retraite qu'à partir de 64 ans et bénéficier du taux plein en ayant cotisé 172 trimestres. En gelant, l'âge légal de départ à 62 ans et 9 mois, elles ont factuellement moins de temps pour atteindre les 172 trimestres et bénéficier du taux plein à cet âge-là.

Un tel scénario risque donc de faire des remous, s'il faisait l'objet de débats au Parlement dans le cadre d'ajustements de la réforme à examiner dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) par exemple.

"Ce n'est pas possible et acceptable de ne toucher qu'à l'âge de départ sans modifier le nombre d'années de cotisation", s'insurge Dominique Corona, secrétaire général adjoint de l'Unsa et membre du Conseil d'orientation des retraites (COR), auprès de BFM Business.

Président de la CFTC, Cyril Chabanier est plus nuancé: "De toute façon, avec la loi Touraine, on arrive à 43 ans de cotisations. Geler l'âge légal de départ est déjà une belle avancée mais de nombreuses personnes devraient quand même travailler un peu plus pour ne pas avoir de décote", souligne-t-il à BFM Business.

Caroline Robin