Complicité avec le narcotrafic, soutien de Pékin et Moscou... L'or noir exacerbe les tensions entre le Venezuela et les États-Unis depuis plus de 25 ans

En quelques jours, l’escalade entre Washington et Caracas a pris des allures de confrontation militaire. Côté américain: déploiement de bâtiments de la marine au large du Venezuela, arrivée d’un sous-marin nucléaire d’attaque, patrouilles de F-35. Et Donald Trump déclarant que les États-Unis sont désormais "en conflit armé avec les cartels de la drogue". Côté vénézuélien: mobilisation de millions de réservistes et discours musclé de Nicolas Maduro, déterminé à brandir l’état d’urgence.
Les plus grandes réserves de petrole au monde
Au-delà du narcotrafic, le pétrole est l'enjeu qui concentre toutes les tensions régionales. Le Venezuela détient les plus grandes réserves prouvées au monde, 303 milliards de barils, soit davantage que l’Arabie Saoudite (267 milliards). Une part essentielle de ces ressources se situe dans la ceinture de l’Orénoque, un territoire de 600 km de long sur 70 km de large. Ses sous-sols recèlent plus de 200 milliards de barils.
Avant l’ère Chávez, les grandes majors (ExxonMobil, Chevron, BP, Total,Conoco, etc.) étaient très actives au Venezuela, souvent via des coentreprises avec la compagnie publique PDVSA. Mais l’arrivée d’Hugo Chávez en 1998 change la donne. Élu sur une ligne anti-impérialiste, il fédère autour de lui un axe contestataire et tire à boulets rouges sur les États-Unis. Jusqu’en 2007, les compagnies internationales maintiennent leurs activités, mais dans un cadre de plus en plus contraignant.
La prise de contrôle politique du secteur pétrolier en 2007
Le tournant survient le 1er mai 2007. Depuis la ceinture de l’Orénoque, Hugo Chávez annonce la reprise en main politique du secteur pétrolier. Dans un stade, il harangue une foule en liesse:
"Même si nous devions manger des pierres… nous suspendrions l’envoi de pétrole aux États-Unis ! "
À partir de là, les majors perdent la main. Obligées de devenir minoritaires dans les projets, elles passent sous la tutelle de PDVSA. Aujourd’hui, plus aucune d’entre elles n’opère réellement au Venezuela, à l’exception de Chevron, toujours présent mais soumis à de fortes pressions et restrictions imposées par Washington.
Vénézuela : l’étau financier se resserre
À Washington, l’affront est jugé intolérable. En 2015, Barack Obama signe le décret 13692, qualifiant le Venezuela de "menace inhabituelle et extraordinaire" pour la sécurité nationale américaine. Les sanctions pleuvent: embargo, restrictions financières, pressions commerciales. Objectif: asphyxier Nicolas Maduro et ses soutiens et favoriser un changement de régime plus favorable aux États-Unis.
Mais Maduro, devenu la bête noire de la Maison Blanche, tient toujours. Aujourd’hui, la justice américaine l’accuse de complicité avec le trafic de cocaïne, allant jusqu’à offrir une prime record de 50 millions de dollars pour sa capture. Du jamais vu contre un chef d’État en exercice.
Le pivot vers Moscou et Pékin
Asphyxié par l’étau américain, Caracas se tourne vers de nouveaux alliés. La Chine reste le premier créancier du Venezuela: plus de 100 milliards de dollars de prêts, souvent remboursés en barils de pétrole. Pékin a financé routes, logements, barrages, et garde une position centrale dans l’économie vénézuélienne. Pékin, qui a mis un pied dans cette zone d’influence américaine, s’affiche désormais en soutien ouvert de Caracas. A l’instar du du porte-parole chinois du ministère des Affaires étrangères, Guo Jiakun, mardi dernier :
"La Chine s'oppose à l'usage ou à la menace de la force dans les relations internationales, s'oppose aux actions qui compromettent la paix et la stabilité en Amérique latine et dans les Caraïbes, et s'oppose à toute ingérence de forces extérieures dans les affaires intérieures du Venezuela sous quelque prétexte que ce soit."
La Russie, elle, joue la carte militaire. Moscou a livré des armes, envoyé des conseillers, déployé des systèmes de défense S-300, et formé sur place des unités vénézuéliennes. En 2019, des mercenaires du groupe Wagner auraient même été mobilisés pour sécuriser le régime. Plus récemment, Caracas a accueilli des exercices conjoints avec Moscou: 2 500 soldats déployés, des Sukhoï Su-30 équipés de missiles antinavires, au large des Caraïbes.
La coopération est désormais formalisée : en septembre 2025, l’Assemblée nationale vénézuélienne a ratifié un Traité d’Association Stratégique et de Coopération avec la Russie, renforçant les liens politiques, économiques et militaires. Mais ces soutiens ne font qu’exacerber la colère de Washington. Donald Trump a promis d’imposer des taxes punitives aux pays qui achètent du pétrole vénézuélien, une menace directe visant les partenaires de Pékin à Moscou, en passant par New Delhi.