Des annonces "et après tout le monde part en congé": François Bayrou "laisse la montre tourner" pour sauver sa peau à Matignon

François Bayrou à Paris le 10 juillet 2025 - STEPHANE DE SAKUTIN / AFP
Un moment choisi avec grand soin. François Bayrou présente ce mardi 15 juillet ses pistes d'économies pour parvenir à économiser 40 milliards d'euros pour les budgets de l'État et de la sécurité sociale. Le tempo ne doit évidemment rien au hasard: les députés ne siègent plus dans l'hémicycle depuis quelques jours et les débats sur les finances de la France ne commenceront qu'à l'automne à l'Assemblée.
Autrement dit, même si les propositions du Premier ministre s'annoncent d'avance explosives comme le possible gel des pensions de retraite ou la baisse du nombre de fonctionnaires, les oppositions vont boxer dans le vide. Aucune censure possible.
"C'est très simple: on lâche des petites 'bombes', on va entendre des députés bondir 24 heures et après tout le monde part en congé donc plus de son, plus d'images", résumé un député macroniste auprès de BFMTV.
Les parlementaires reprendront le chemin de l'hémicycle en septembre et les discussions budgétaires ne commenceront que fin octobre. François Bayrou s'évite donc tout risque de censure pendant trois mois.
"Deal" au téléphone
La manœuvre a également le mérite de laisser le temps à des échanges en coulisses. Dans un contexte de grande instabilité politique, sans majorité à l'Assemblée, François Bayrou sait qu'il va devoir lâcher du lest pour parvenir à obtenir la bienveillance du RN et peut-être aussi celle du PS.
"Trois quart des pistes de François Bayrou vont être acceptées et ça va se dealer sur les 25% restants dans les prochaines semaines par téléphone", reconnaît son collègue député Richard Ramos.
Avec un objectif: éviter de tomber dans les mêmes travers que Michel Barnier. Nommé en septembre dernier, le locataire de Matignon avait dû plancher sur un budget dans l'urgence et avait été contraint de lâcher publiquement du lest sur certaines mesures comme le déremboursement de certains médicaments. Des négociations qui se sont soldées par un échec.
Pour l'ex Premier ministre savoyard, les négociations étaient arrivées trop tard et n'avaient pas empêché le RN et l'ensemble de la gauche de le censurer de concert.
"On va présenter des trucs très durs et à la fin, on n'aura que 10 milliards d'économies parce que sinon, François Bayrou saute, il le sait. Mais ça sera fait dans les coulisses et proprement contrairement à Michel Barnier", analyse un député LR.
"Ça va être des petits calculs sur des coins de table mais à la fin, si on a un budget et de la stabilité politique, ça m'ira et on aura acheté le calme jusqu'au prochain budget à l'automne 2026", reconnaît à demi-mot un sénateur macroniste.
François Bayrou commence à avoir l'habitude. En janvier dernier, c'est en organisant un conclave des retraites qui devait poser tous les sujets "sans totem ni tabou" sur la table que le Premier ministre était parvenu à obtenir un accord de non-censure avec les socialistes. Sans eux, impossible de récolter 289 voix à l'Assemblée pour parvenir à faire tomber le centriste.
Le petit poucet: une méthode efficace avec le PS
Autant dire que le centriste ne s'est pas pressé et a tout fait pour faire durer cette bienveillance du parti à la rose. Il a ainsi d'abord demandé à la Cour des comptes un rapport sur la situation financière des systèmes des retraites qui avait pris un mois.
Puis les rencontres avec les partenaires sociaux avaient été fixées pour une durée de trois mois à partir du mois de mars, trois mois où le Premier ministre se savait protégé d'une possible censure du PS.
Et puis quand le conclave a tourné au fiasco, François Bayrou a encore accordé quelques jours aux syndicats et au patronat avant de reprendre la main lors d'une conférence de presse. Il avait alors salué des "progrès immenses" sur les retraites des femmes par exemple, sans guère convaincre le PS qui avait décidé dans la foulée de déposer une motion de censure.
"Cette façon de laisser la montre tourner n'est peut-être pas très prestigieuse comme façon de tenir à Matignon mais à la fin, ça marche. C'est déjà pas si mal", philosophe un proche du Premier ministre.
"Vous allez voir qu'il va nous ressortir du chapeau quelque chose du même acabit dans les prochains mois", sourit de son côté un député LR.
L'hypothèse n'a rien d'impossible: jeudi dernier, François Bayrou a annoncé sur LCI une grande conférence sociale à la rentrée et un "possible" texte sur le travail qui pourrait séduire les socialistes. Mais la méthode commence à agacer, comme sur l'organisation des législatives à la proportionnelle.
"Ça devait être cette année au mois de juin, ça devrait être ensuite au mois de septembre, puis au mois de janvier 2026. Maintenant, François Bayrou annonce un référendum. Ce n'est pas sérieux", s'agace le député RN Sébastien Chenu.
Conclusion d'un député Modem: "ça se trouve, on va tenir comme ça jusqu'à la présidentielle".