Retraites: pourquoi une chute de François Bayrou malgré l'échec du conclave semble peu probable?

Le Premier ministre François Bayrou à Matignon le 13 juin 2025 - Thibaud MORITZ / AFP
À Matignon, où il a posé ses bagages il y a un peu plus de six mois, François Bayrou n'a pas le luxe des certitudes. Tel est le sort d'un Premier ministre qui doit composer sans majorité absolue à l'Assemblée nationale. L'aventure peut s'arrêter précipitamment, Michel Barnier peut en témoigner.
Heureusement pour son successeur, certains présages sont plutôt de nature à le rasséréner. Du moins dans l'immédiat. Le Béarnais pourrait faire face à une nouvelle motion de censure très prochainement, la huitième depuis ses débuts à la tête du gouvernement, sans être inquiété pour autant.
Les socialistes à la manœuvre
Certes, la pression s'accentue sur ses épaules. Son conclave sur les retraites, débuté fin février avec la promesse de renégocier la réforme Borne - un gage pour les socialistes en échange de leur non-censure sur les textes budgétaires - a sérieusement pris du plomb dans l'aile. L'ultime réunion, ce lundi, a abouti sur l'absence d'accord, syndicats et patronat se renvoyant la responsabilité de cette impasse.
Pendant que le Premier ministre cherche une porte de sortie, en invitant ce mardi les différentes organisations à Matignon pour trouver une "voie de passage", les socialistes montent au créneau.
Accusant François Bayrou de porter une responsabilité dans l'échec du conclave, ils appellent surtout à ce que le Parlement ait le dernier mot, accord ou non des partenaires sociaux. Et de rappeler au Premier ministre à ses engagements passés comme l'a fait le président des députés PS Boris Vallaud ce mardi après-midi en annonçant déposer une motion de censure.
Non-alignée sur les textes budgétaires, la gauche dans son ensemble va s'unir pour tenter de renverser le gouvernement, même si rien ne dit que les socialistes parleront tous d'une seule et même voix après un congrès qui a divisé le PS en deux camps bien distincts.
Le RN laisse peu de doutes sur ses intentions
Reste que le sort du Premier ministre ne dépend pas uniquement de cette seule question. En effet, sans les voix de l'extrême droite, la motion ne peut être adoptée. Dès lors, en supposant que la gauche s'unisse pour renverser François Bayrou, que feraient les troupes de Marine Le Pen et celles de son allié Éric Ciotti?
La réponse officielle n'est pas encore connue. Mais les indices sont clairs. À la question d'une potentielle censure, Marine Le Pen s'est montrée sceptique sur RMC le 20 juin, jugeant que cela pourrait revenir à avoir "un autre Premier ministre choisi par Emmanuel Macron qui ne mettra pas plus la loi des retraites à l’ordre du jour."
Et la cheffe des députés RN de se distancer de cette initiative: "Cela tombe comme un cheveu sur la soupe, on a l'impression que le PS veut absolument prouver qu'il est encore de gauche."
"Pas prévu"
"Pour l’instant ce n'est pas prévu parce que l'on n'a jamais pensé qu’il pouvait ressortir quelque chose de ce conclave" reconnaît de son côté l'un de ses proches auprès de BFMTV.
Dans le parti d'extrême droite, certains ont beau expliqué se languir de retrouver "le droit de vie ou de mort" sur François Bayrou, la motion de censure a en réalité tout d'un sujet ultra-sensible.
C'est que le renversement du gouvernement pourrait conduire à une nouvelle dissolution d'Emmanuel Macron, à bientôt un an des dernières élections législatives.
"La catastrophe sans Marine"
Or, Marine Le Pen ne pourrait prendre part à cette échéance, après sa condamnation pour détournement de fonds publics, en première instance, à une peine d'inéligibilité avec exécution provisoire dans le cadre du procès des assistants parlementaires du Front national.
"On ne va pas dire qu'on ne détient plus entre nos mains l'avenir de Bayrou mais franchement... S'il tombe, je pense que le président dissout dès juillet. Et là c'est la catastrophe sans Marine", reconnaissait un élu RN en avril dernier auprès de BFMTV.
Pour autant, le parti d'extrême droite laisse entendre qu'il pourrait passer à l'action lors de l'examen du budget 2026, à l'automne. "Le budget, ça arrive très vite. Or, le budget, c’est la détermination de la politique économique et du pays. Là je pense que l’on ne va pas être d’accord", a prévenu Marine Le Pen.
"En l'état actuel, je ne parierai pas un kopeck sur la longévité de ce gouvernement", a résumé de son côté le président du mouvement Jordan Bardella ce mardi après-midi lors d'un déplacement à Paris. "On ne s'interdit rien et on ne s'interdira rien", a encore insisté le député européen.
Le RN se "décidera au dernier moment"
Autre fenêtre de tir possible pour censurer François Bayrou: la proposition de loi sur l'énergie qui inquiète le RN, soucieux d'une éventuelle hausse des factures d'électricité des Français. L'énergie pourrait être "un élément déclencheur" analyse un député RN "si le Premier nous fait un sale coup et qu’il publie un décret contraire à ce que l’on a voté".
En attendant, François Bayrou - qui entend présenter les "grandes orientations" de son budget d'ici la mi-juillet- a de bonnes chances de prolonger son aventure à Matignon. Attention cependant aux surprises. Marine Le Pen se "décidera au dernier moment", prévient un stragège du RN.