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Rassemblement national

Retraites: le RN peut-il vraiment faire tomber François Bayrou? La censure, l’option à haut risque pour Marine Le Pen

Marine Le Pen et François Bayrou à l'Assemblée nationale le 21 janvier 2025

Marine Le Pen et François Bayrou à l'Assemblée nationale le 21 janvier 2025 - Bertrand GUAY / AFP

Opposé à la retraite à 64 ans, le parti de Marine Le Pen a sur le papier toutes les raisons de faire tomber le Premier ministre dont le conclave organisé par ses soins est à la peine. Mais sa condamnation à une peine d'inéligibilité qui l'empêcherait de se représenter en cas de dissolution fait hésiter les députés RN.

Boris Vallaud entre sur la piste de danse, Marine Le Pen reste assise. Les socialistes ont haussé le ton ces dernières heures contre François Bayrou mais le Rassemblement national se très fait discret. Ce sont pourtant les troupes de Marine Le Pen qui détiennent en grande partie l'avenir de François Bayrou, au lendemain d'un nouveau rebondissement sur le conclave des retraites.

Alors que ses conclusions devaient être rendues ce mardi soir, avec la possibilité d'un accord entre les partenaires sociaux, les syndicats et le patronat se sont donnés quelques jours de plus pour se décider.

Impossible de faire tomber Bayrou sans le RN

La méthode suscite la colère de la gauche et notamment des socialistes qui, après avoir conclu un accord de non-censure avec le Premier ministre en janvier, menacent désormais de le renverser si le "Parlement n'a pas le dernier mot" sur la retraite à 64 ans.

Mais en additionnant toutes les forces de gauche qui soutiendraient une motion de censure, on ne compte que 192 voix, loin des 289 nécessaires pour faire tomber François Bayrou.

Mais si le RN et les troupes d'Éric Ciotti - désormais allié à Marine Le Pen - veulent eux aussi renverser le gouvernement, la donne change. Avec leurs 139 députés, additionnés à ceux de l'ensemble du Nouveau front populaire, on compte 331 élus, largement assez donc.

Le Pen contre la retraite à 64 ans

Sur le papier, les députés du RN n'ont guère de raisons de douter de faire le bon choix. Le parti milite pour l'abrogation de la réforme de l'âge de départ à 64 ans, en dépit de nombreuses circonvolutions illustrées notamment par Jordan Bardella pendant la campagne des européennes.

A priori, en cas d'accord des partenaires sociaux et de texte qui reviendra devant le Parlement, la question de l'âge ne devrait cependant pas apparaître. Le Medef a déjà affiché son inflexibilité sur le sujet. Sans vouloir le dire très clairement, les syndicats ont pris acte de cette situation.

Ils ne devraient pas renoncer pas à revendiquer le retour à 62 ans, mais pourraient très probablement signer un accord si l'âge de départ était abaissé seulement pour certaines catégories de personnes.

Exit donc la possibilité pour les députés de voter ou non sur le maintien de l'âge de départ à 64 ans si un accord à la fin du conclave finit bien par arriver devant le Parlement. De quoi susciter la colère d'une partie des élus d'extrême droite.

"Si le chemin que Monsieur Bayrou montre continue à être une impasse, nous censurerons", a asséné le député RN Jean-Philippe Tanguy le 4 juin sur BFMTV, évoquant "une pression politique" sur le Premier ministre.

"La censure ne nous fait pas peur", a insisté de son côté son collège Laurent Jacobelli ce mercredi sur RMC.

"La catastrophe" d'une dissolution sans Le Pen

En réalité, la situation n'a rien d'évidente pour le mouvement, à commencer par la situation de Marine Le Pen. Condamnée à une peine d'inégibilité de 5 ans avec application immédiate, la députée du Pas-de-Calais, qui a fait appel de sa condamnation, ne peut pas pour l'instant se présenter à une nouvelle élection.

En cas de censure de François Bayrou, Emmanuel Macron pourrait être tenter de dissoudre à nouveau l'Assemblée nationale. La conséquence serait que Marine Le Pen ne pourrait donc pas participer à des législatives anticipées.

Une très mauvaise nouvelle pour elle, déjà fragilisée politiquement par cette décision de justice et gênée par l'éventuelle candidature de Jordan Bardella à la présidentielle de 2027.

Officiellement, Marine Le Pen refuse d'écarter la possibilité d'une censure de François Bayrou en raison de sa situation judiciaire."François Bayrou nous poussera à la censure", a-t-elle asséné sur BFMTV le 30 mai dernier, l'accusant de "demander toujours des efforts aux Français". En réalité, pas grand-monde n'y croit au sein du RN.

"On ne va pas dire qu'on ne détient plus entre nos mains l'avenir de Bayrou mais franchement... S'il tombe, je pense que le président dissout dès juillet. Et là c'est la catastrophe sans Marine", reconnaissait un élu RN en avril dernier.

Et même si le Premier ministre tombait et que le chef de l'État nommait dans la foulée son successeur, l'atmosphère politique s'alourdirait fortement, avec la crainte de ne pas parvenir à faire passer les budgets de la sécurité sociale et de l'État à l'automne.

Urgent d'attendre

Alors que le RN mise beaucoup sur les municipales de mars prochain en espérant faire tomber dans son escarcelle certaines villes comme Nîmes ou Toulon, assumera-t-il d'être en partie responsable de la situation, lui qui n'a chercher qu'à se notabiliser ces dernières années?

Preuve que l'heure est plus à éviter le sujet, le député Laurent Jacobelli a expliqué ce mercredi sur RMC "attendre évidemment le budget" pour prendre une décision.

Si François Bayrou devrait dévoiler ses premiers arbitrages pour trouver 40 milliards d'économies d'ici la mi-juillet, ce n'est qu'à l'automne que les dernières discussions entre Matignon et les groupes politiques s'achèveront.

Ce n'est donc pas la semaine prochaine que le chef du gouvernement pourrait tomber en dépit d'une motion de censure que compte déposer La France insoumise, à l'issue de la dernière réunion entre partenaires sociaux le 23 juin prochain.

Marie-Pierre Bourgeois