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Rassemblement national

"Aucun problème entre eux": le RN en opération déminage après le recadrage de Jordan Bardella par Marine Le Pen

Jordan Bardella (D) et Marine Le Pen (G) arrivent pour assister à leur réunion avec Emmanuel Macron à l'Elysée à Paris, le 26 août 2024.

Jordan Bardella (D) et Marine Le Pen (G) arrivent pour assister à leur réunion avec Emmanuel Macron à l'Elysée à Paris, le 26 août 2024. - Bertrand GUAY / AFP

Après des piques à distance entre le président du mouvement et la présidente des députés du Rassemblement national (RN), le parti fait le dos rond, assurant que "personne ne se divise". Mais l'hypothèse de la candidature de Jordan Bardella pour remplacer Marine Le Pen en cas de condamnation définitive alimente les dissensions.

Promis, juré, circulez, il n'y a rien à voir. "Je vous rassure, ça va très bien entre nous". Avec ces quelques mots ce vendredi 30 mai sur BFMTV-RMC, Marine Le Pen, qui a assuré qu'il n'y avait "pas de friture" avec Jordan Bardella, tente de couper court à la petite musique qui monte au RN.

"Nous ne sommes pas dans un moment facile mais personne ne se divise et tout le monde joue ensemble pour gagner à la fin", nous explique avance le député RN José Gonzales.

"On partage nos talents"

L'atmosphère n'a pourtant pas semblé au beau fixe ces derniers jours. En déplacement en Nouvelle-Calédonie, la présidente des députés RN a fait savoir sur LCI ce jeudi soir qu'elle aimerait participer à la table ronde annoncée par Emmanuel Macron pour lancer de nouvelles consultations sur l'avenir institutionnel de l'archipel, sans indiquer si elle souhaitait être accompagnée de Jordan Bardella, le numéro un du parti.

Relancée pour savoir si elle souhaitait qu'il l'accompagne, elle a alors lancé: "Je ne suis pas sûre que Jordan pour le coup connaisse très bien les problèmes de la Nouvelle-Calédonie. On partage nos talents". La petite pique de celle qui a presque récolté 40% au second tour en 2022 dans l'archipel n'est pas passée inaperçue dans le camp du jeune homme.

Soucieux de ne pas alimenter, publiquement en tout cas, les dissensions avec Marine Le Pen, son bras droit a expliqué sur BFMTV qu'elle était bien "la mieux placée pour représenter le RN dans ces consultations". Sans pouvoir se retenir d'ajouter "connaître très bien les dossiers ultramariens et notamment le dossier de la Calédonie française".

La candidature de Le Pen en 2027, peu probable

En fallait-il plus pour mettre le feu aux poudres dans un mouvement fragilisé depuis la condamnation en première instance de Marine Le Pen? Sous le coup d'une peine de 5 ans d'inéligibilité avec application immédiate, la présidente des députés RN ne peut pas à l'instant T se présenter à la présidentielle de 2027.

Mais l'organisation d'un procès en appel rapide, promis par le ministre de la Justice Gérald Darmanin avec un jugement "avant l'été 2026" lui laisse "un peu d'espoir" comme elle l'a expliqué ce vendredi matin sur BFMTV.

En réalité, avec une condamnation particulièrement sévère en première instance et la gravité des faits reprochés, l'hypothèse d'un maintien de sa candidature dans la course à l'Élysée n'est pas l'option plus probable. Le constat a donc poussé Jordan Bardella à accélérer, d'abord à demi-mot puis en mettant les pieds dans le plat. Si Marine Le Pen est "empêchée", je serai "son candidat" a-t-il expliqué au Parisien en avril.

"Que des mauvaises solutions"

La manœuvre a crispé une partie du RN, y voyant une mauvaise manière faite à Marine Le Pen. "Il est évident que si je passais demain sous un camion, Jordan Bardella serait la personne qui aurait vocation à me remplacer", avait résumé la présidente des députés RN quelques jours plus tard, manifestement agacée.

"On ne doit surtout pas étayer qu'au pire, on aura Jordan pour la remplacer. La priorité, c'est qu'elle puisse se présenter et c'est pour ça qu'on se bat. Donc stop tout de suite à un réflexe de ce type", nous expliquait un proche de Marine Le Pen quelques jours plus tôt.

Mais le parti a-t-il vraiment le luxe de couper court à cette hypothèse? Si l'élue du Pas-de-Calais ne peut vraiment pas se présenter, Jordan Bardella devra être opérationnel immédiatement pour se lancer dans la course à la présidentielle.

L'atterrisage ne sera pas forcément évident comme l'a déjà montré sa campagne en demi-teinte lors des dernières législatives pour rentrer à Matignon. De quoi pousser la préparation de sa candidature en amont, Marine Le Pen empêchée ou non.

"Nous n'avons que des mauvaises solutions. Soit on prépare une alternative et on fait du mal à Marine. Soit on ne prépare rien et on est dans une sacrée pagaille si elle ne peut pas y aller", synthétise un assistant parlementaire.

Bien conscient de la situation mais soucieux de ne pas alimenter la guerre des petites phrases, l'entourage de Marine Le Pen tente de banaliser la situation. "Il n'y a aucun problème entre eux", défend l'un de ses collaborateurs.

Des tensions qui n'ont rien de neuves

Et tant pis si ce n'est pas la première fois que les grincements de dents ont lieu en public. Le 1er-mai dernier, elle n'a pas hésité à lancer depuis Narbonne qu'elle n'avait qu'un "seul horizon", "pouvoir représenter" les électeurs "à la prochaine élections présidentielle".

Avant de rappeler qui commandait: "ce combat" sera mené "avec "le soutien de Jordan Bardella", avait-elle insisté. Quant à Jordan Bardella, monté sur scène après le discours de la députée, il n'avait pas eu un mot à son égard avant de jouer la carte des mots doux pour le patronat, loin de Marine Le Pen qui avait préféré aller, elle, sur le terrain de "la saignée sociale".

"Il y avait un petit côté 'je suis toujours là et pas encore enterrée donc ne te vois pas trop haut trop vite'. En Nouvelle-Calédonie, elle a fait pareil", décrypte avec le recul un ex-député RN.

Les piques à distance vont-elles durer jusqu'à l'été 2026 et le jugement en appel de Marine Le Pen? Au sein du parti, "tout le monde a très très envie de faire avance rapide", reconnaît un cadre du mouvement.

Marie-Pierre Bourgeois