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"Instable, endettée, assiégée": à l'étranger (et surtout en Italie) on se gausse de la France, ce grand malade de l'Europe "en soins intensifs"

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Alors que l'Italie réussit à dégager un excédent primaire et a su retrouver une stabilité politique, la France, elle, s'enfonce dans la crise. De l'autre côté des Alpes (mais pas seulement) ce passage de relais pour le titre de "grand malade de l'Europe" est largement commenté.

"Emmanuel Macron, le petit Napoléon devient le patient (endetté) de l'Europe". Dans un récent article publié par le site italien Panorama, la France en prend pour son grade. Comme une revanche, l'éditorialiste italien ironise sur l'état des finances publiques de Paris qui, il y a une décennie, donnait des leçons de sérieux budgétaire à Rome. "Nous avions l'habitude de jouer les 'malades de l'Europe', le symbole de notre crise était le sourire d'Angela Merkel et de Nicolas Sarkozy lorsque les obligations d'Etat italiennes se sont effondrées et que le spread a explosé", écrit Nino Sunseri.

"Mais les choses changent et cette fois c'est l'arrogance française incarnée par Macron qui occupe le devant de la scène."

Aux Etats-Unis, on regarde la France s'enfoncer alors que dans le même temps, l'Italie sort (un peu) la tête de l'eau. Dans un article titré "L'Italie était autrefois le mauvais élève de l'Europe, aujourd'hui la France prend le relais", le site CNBC égrène les comparaisons peu flatteuses pour Paris avec Rome.

L'Italie en excédent primaire

En effet, si la dette publique française reste à un niveau plus bas que l'italienne (113% pour la première, 135% pour la seconde), s'en tenir à cette comparaison est trompeur. Car l'Italie a su fortement réduire son déficit public ces dernières années (à 3,4% en 2024) quand la France n'a cessé de creuser le sien (5,8% l'année dernière et probablement encore 5,6% cette année) et ce, alors que l'économie n'est pas en récession comme cela avait été le cas après la crise de 2008.

Pire pour l'orgueil de Paris, l'Italie a réussi à dégager un excédent primaire (solde positif entre dépenses et recettes hors charge de la dette), ce que la France n'a pas réussi à faire depuis des années.

"Les perspectives budgétaires de la France sont actuellement pires que celles de l’Italie", ont d'ailleurs estimé mardi les analystes européens de Nomura dans une note.

En France comme en Italie d'ailleurs, le taux d'intérêt moyen de la dette publique est supérieur au taux de croissance du PIB, ce qui entraîne un effet boule de neige défavorable pour la dette publique. Mais contrairement à la France, l'Italie avec son excédent budgétaire primaire peut partiellement compenser la dynamique défavorable de la dette. La France doit elle encore s'endetter car elle dépense plus que ses recettes.

"Spectacle pitoyable"

Les analystes de Nomura ne voient surtout aucun signe de progrès. "La trajectoire du déficit français est fragile et le renversement probable du gouvernement Bayrou illustre le défi auquel la France est confrontée pour maîtriser ses dépenses", assurent-ils dans leur note. L'Italie aussi a eu sa traversée du désert avec une instabilité chronique et des troubles politiques, mais depuis 2022, la troisième économie européenne a su retrouver de la stabilité avec l'élection de Giorgia Meloni. Cette séquence politique est jugée très durement par les observateurs internationaux.

"La France, déjà confrontée à une pression sans précédent de la part des marchés financiers, présentera un spectacle public pitoyable la semaine prochaine", a commenté Mujtaba Rahman, directeur général Europe du groupe Eurasia, dans une analyse.

Le ministre de l'Economie Éric Lombard avait suggéré que la France pourrait être contrainte de recourir au FMI avant de revenir sur son affirmation. Une hypothèse en effet improbable. D'abord parce que si la France était hypothétiquement contrainte de demander de l'aide, elle le ferait d'abord auprès du mécanisme européen de stabilité (MES), l'équivalent du FMI pour la zone euro.

Ensuire, parce que dans les deux cas (FMI ou MES), le gouvernement français serait contraint d'entreprendre des réformes structurelles, ce qu'il est actuellement incapable de faire en raison de la fragmentation de son Parlement. La présidente de la BCE, Christine Lagarde, a quant à elle rejeté l'idée que la France doive, pour l'instant, demander l'aide du FMI (ou du MES).

"Le résultat est que la France, autrefois le cœur de l'Europe, se retrouve aujourd'hui dans le même rôle que l'Italie pendant des années: instable, endettée, assiégée par les agences de notation et avec des marchés prêts à frapper, écrit le journaliste italien de Panorama. Seulement cette fois, Rome regarde comme un spectateur, avec une pointe de revanche. Nous, les Italiens, étions les malades chroniques, Paris est aujourd'hui le patient en soins intensifs."

La dette française toujours attractive

Une revanche toutefois guère rassurante, reconnaît l'éditorialiste.

"Si le malade change de nom mais que le médecin n'est pas là, c'est tout le continent qui risque de rester sans traitement."

Seul signe de soulagement, dans ce marasme politico-financier du pays, la dette française continue d'être plébiscitée par les investisseurs. Ce jeudi matin, un emprunt de la France sur les marchés a attiré une forte demande des investisseurs, signe que la dette française continue d'attirer malgré la crise politique et budgétaire qui a fait grimper les taux obligataires en début de semaine. L'Etat a levé jeudi 7,3 milliards d'euros à échéance dix ans ce 4 septembre, selon des chiffres publiés par l'Agence France Trésor (AFT), alors que la demande des investisseurs était deux fois plus élevée, à 15,8 milliards.

La hausse des taux de l'obligation française (près de 3,5% ce jeudi) rendent la dette très attractive. À défaut d'avoir une signature très sûre, la France continue de bien rémunérer ses créanciers.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco