"Regarde par toi-même": au procès du meurtre de Lola, un témoin raconte son échange avec l'accusée dans un café

Croquis d'audience du 17 octobre 2025 montrant Dahbia Benkired lors de son procès pour le meurtre de Lola, à la cour d'assises de Paris - Benoit PEYRUCQ © 2019 AFP
Ce lundi 20 octobre, un homme un peu stressé s'avance à la barre au deuxième jour du procès de Dahbia Benkired, jugée pour le meurtre de la jeune Lola. Il porte un masque pour se préserver au minimum des regards. S'il est entendu, c'est parce qu'il a croisé la route de l'accusée, le 14 octobre 2022.
"C'était une journée ordinaire, un vendredi normal", rembobine Carime B. "Je devais partir en vacances le lendemain." L'homme doit passer un test PCR, le fameux test Covid-19. Pour s'y rendre, il passe par la rue Manin dans le 19e arrondissement et croise une jeune femme en route, Dahbia Benkired. "Elle me demande si je peux l'aider", explique-t-il. "Sa demande est bizarre, car je suis à pied et elle est très chargée."
"J'ai des choses intéressantes à te vendre"
La jeune femme de 24 ans traîne avec elle deux valises cabines, mais aussi une malle noire aux poignets rouge qui a été pour la première fois présentée à la cour depuis l'ouverture du procès ce lundi.
Carime B. lui dit qu'il ne peut l'aider et explique avoir appelé un ami pour lui demander s'il était possible de déposer la jeune femme, à sa demande, dans les Hauts-de-Seine. Impossible, lui répond-il.
"Je lui dis que je suis désolé, que je ne peux pas l'aider et là elle me dit: 'j'ai des choses intéressantes à te vendre'", poursuit-il devant la cour d'assises. Ces "choses" suscitent son intérêt. "Je lui dis: 'qu'est-ce que tu as à vendre'. Elle était évasive, très bizarre dans ses propos."
"Elle me dit qu'elle ne peut pas me le montrer dehors." Il lui propose d'aller au café du coin où il a ses habitudes. Arrivé sur le pas de l'établissement, il se retourne. "Je vois qu'elle a du mal à attraper le cabas (la malle dans laquelle se trouvait le corps de Lola, 12 ans; NLDR).
Dahbia Benkired atteint le café trois minutes après Carime B. "Elle n'arrive pas à monter la petite marche, un mec l'aide sans savoir ce qu'il y a dedans", explique-t-il.
La scène est filmée. Des extraits des caméras de vidéosurveillance installées dans l'établissement sont diffusées au procès. On y voit Carime B., Dahbia Benkired installés l'un en face de l'autre, mais aussi la malle posée à même le sol à proximité de leur table.
Carime B. demande alors à voir son contenu. "Je lui dis: 'montre ce qu'il y a dedans'. Elle me dit: "regarde par toi-même", explique-t-il. "Je trouve ça bizarre, et je regarde par moi-même."
L'homme prend soin de faire glisser son pull sur sa main pour la recouvrir et soulève le couvercle. "J'ai senti une forte odeur de javel", détaille-t-il. "Je vois une couverture et une mini-tâche de sang qui a été effacée, très claire. Et là, je suis choqué. Je la regarde et je lui dis: 'y'a un corps dedans?' Elle me dit: 'tu crois que je fais quoi?'."
Un regard "très froid, très sombre"
Confronté à de tels propos, Carime B. se dit "choqué", tétanisé. "Elle m'a dit: 'non c'est bon, je plaisante y'a pas ce que tu crois à l'intérieur' en souriant. J'étais juste choqué de l'imaginer."
Il confie à la cour s'être dit que Dahbia Benkired était folle, évoquant son "regard très froid et très sombre". Il se dit aussi qu'il n'a "rien à faire avec elle", poursuit l'homme qui écourte le moment, sort du café et part à la rencontre de jeunes.
"Je leur raconte qu'elle est bizarre et qu'elle me dit qu'elle a des choses à vendre", ajoute-t-il. "On me dit que je regarde trop de séries. Je me dis que mon cerveau me joue des tours."
Au loin, il surveille l'accusée dans la rue. "Elle avait l'air calme, très calme, normale. Elle était tranquille comme si elle partait en voyage et qu'elle attendait un taxi", affirme-t-il.
Il constate qu'un "camion de ferrailleur" passe dans la rue. "Il s'arrête, il charge toutes ses affaires et deux minutes après, il la décharge." D'après lui, le conducteur aurait alors fait un signe de la main comme pour dire que sa passagère éphémère était folle avant de poursuivre sa route.
Un autre véhicule avec un homme à son bord s'arrête à la hauteur de la jeune femme qui grimpe à bord. "Et là, je dis à tous mes amis que c'est bizarre", poursuit le témoin face à la cour. Pris d'un réflexe, il sort son téléphone portable et prend la plaque d'immatriculation en photo.
"Je vois qu'une jeune fille n'est pas rentrée"
"Je regarde plus tard les réseaux sociaux, je vois qu'une jeune fille n'est pas rentrée chez elle là où j'ai croisé la jeune femme", poursuit Carime B. qui ira plus tard dans la soirée à la rencontre des policiers pour décrire la scène à laquelle il a assisté.
À peine Dahbia Benkired prend-elle la parole après la déposition du témoin qu'elle affirme que ce dernier lui a demandé une relation sexuelle tarifée. "Il m'a proposé de l'argent au début pour coucher avec lui", affirme-t-elle. "Il avait beaucoup d'argent, beaucoup de billets." Carime B. rétorque immédiatement: "c'est n'importe quoi."
Le président rappelle à l'accusée que ces billets ne sont pas visibles sur les images de vidéosurveillance de l'établissement. Dahbia Benkired a réponse à tout. "C'était dans la rue", affirme-t-elle. Des faits, qu'elle n'avait jusqu'alors jamais évoqué en procédure.