Sept minutes pour un cambriolage historique: le récit de la journée du spectaculaire vol de bijoux au musée du Louvre

La galerie Apollon du musée du Louvre, renfermant les diamants de la Couronne, le 23 juin 2020. - THOMAS SANSON/AFP
Comme tous les dimanches, c'est jour d'affluence devant le musée du Louvre ce dimanche 19 octobre. C'est aussi le premier week-end des vacances de la Toussaint. Des centaines de visiteurs emplissent les salles du plus grand musée du monde depuis l'ouverture des portes à 9 heures.
Une demi-heure après, vers 9h30, deux motards remontent les quais de Seine et stationnent leurs scooters T-Max sur le quai François Mitterrand, à l'arrière du musée, face à l'aile Denon. Deux autres personnes arrivent sur les lieux avec un camion élévateur, montent sur le trottoir et se placent contre une des façades. Un compte à rebours se lance alors. Près de sept minutes vont s'écouler. 420 secondes.
Les malfaiteurs déploient l'échelle pour monter le long de la façade du musée. Ils ont enfilé des gilets jaunes pour se faire passer pour des employés. Ce n'est pas la galerie des Antiquités qui intéresse les malfrats mais la galerie d'Apollon, située au premier étage. Ils fracturent une fenêtre à l'aide d'une disqueuse.
Les alarmes se sont bien déclenchées
À 9h34, ils pénètrent dans cette salle aux dorures éclatantes où s'alignent les vitrines exposant les joyaux de la Couronne et la collection royale de gemmes. L'équipe de cambrioleurs rencontre des gardiens mais les tient en respect avec les disqueuses. Le système d'alarme s'est déclenché mais les voleurs poursuivent le cambriolage. Ils scient les vitrines, s'emparent de neuf bijoux puis déguerpissent. Un témoin est parvenu à filmer la scène.
Il n'est pas tout à fait 9h40 et les voleurs sont déjà dehors. Dans la précipitation, ils laissent s'échapper l'un des produits de leur larcin: la couronne de l'impératrice Eugénie. L'équipe tente en vain d'incendier le camion élévateur et quitte les lieux précipitamment à bord des deux scooters pour gagner le périphérique puis l'autoroute A6.
Pendant ce temps, les gardiens ont donné l'alerte et averti les forces de l'ordre. L'évacuation du musée est lancée. Beaucoup de visiteurs ne comprennent pas ce qui est en train de se passer.
"Nous sommes sortis de la pièce de Mona Lisa et nous sommes allés en direction de la galerie d'Apollon", raconte Peter, un touriste néerlandais, au micro de BFMTV. "Il y avait du personnel de sécurité et ils nous ont ordonné de courir, d'aller très vite", a-t-il ajouté.
Une équipe "très chevronnée"
Il faut attendre de longues minutes pour que des communications officielles n'apparaissent. La ministre de la Culture, Rachida Dati, publie un tweet sur le réseau social X vers 10h30. "Un braquage a eu lieu ce matin à l’ouverture du musée du Louvre. Pas de blessés à déplorer. Je suis sur place au côté des équipes du musée et de la police. Constatations en cours", écrit-elle. Quelques instants après, Le Louvre annonce qu'il restera fermé toute la journée "pour raisons exceptionnelles".
Vers midi, le ministère de l'Intérieur, Laurent Nuñez s'exprime sur France Inter sur les faits. Il décrit une équipe "manifestement très chevronnée" qui "a agi très très vite". La brigade de répression du banditisme a été saisie, une enquête a été ouverte pour "établir les circonstances exactes dans lesquelles les faits se sont déroulés", ajoute-t-il.
Comme un témoignage à ce travail d'enquête qui s'intensifie, des policiers siglés "identité judiciaire" entrent dans le Louvre. Autour de 12h40, la place du Carrousel est évacuée à la demande des forces de l'ordre pour sécuriser le périmètre. C'est à ce moment-là qu'est retrouvée la couronne de l'impératrice, endommagée.
"Une humiliation pour notre pays"
Invitée du journal de 13 heures sur TF1, Rachida Dati indique que le préjudice est en cours d'estimation.
Selon la ministre de la Culture, "la criminalité organisée s'attaque aujourd'hui aux objets d'art et les musées sont aujourd'hui devenus des cibles". Pour l'élue parisienne, "il faut adapter ces musées à ces nouvelles formes de criminalité. Ce sont des professionnels."
En début d'après-midi, les premières attaques de personnalités politiques tombent. Jordan Bardella, le président du Rassemblement national dénonce sur X à 13h19 "une insupportable humiliation pour notre pays". Deux minutes plus tard, c'est Ian Brossat, le sénateur communiste de Paris qui rappelle la grève du personnel du 16 juin sur le manque de personnel pour assurer la sécurité. "Pourquoi leurs alertes n’ont pas été entendues par la ministre?"
Un peu avant 16 heures, une dépanneuse vient récupérer le camion élévateur qui a servi au vol. Vers 18 heures, l'ex-président de la République François Hollande dénonce sur BFMTV "un acte grave, une attaque contre notre patrimoine" après le cambriolage au Louvre et évoque plusieurs autres vols qui ont touché des musées français ces dernières semaines.
Invitée de BFMTV en début de soirée, Laure Beccuau, procureure de la République de Paris signale que les enquêteurs disposent "des images de vidéoprotection du musée et de la Ville" et peuvent aussi compter sur "la mobilisation des concitoyens".
À 20 heures, Emmanuel Macron dénonce sur X "une atteinte à un patrimoine que nous chérissons car il est notre Histoire" et assure que "nous retrouverons les œuvres et les auteurs seront traduits en justice".