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Procès de Dylan Thiry: comment le collectif AVI s'est imposé dans la lutte contre les arnaques des influenceurs

Un collectif vient en aide aux victimes d'influenceurs (illustration)

Un collectif vient en aide aux victimes d'influenceurs (illustration) - PIERRE-OSCAR BRUNET / BFMTV

Le collectif AVI accompagne trois victimes dans le procès de l'ex-candidat de télé-réalité Dylan Thiry ce lundi. Depuis sa création en 2022, l'association s'est structurée et s'impose dans l'accompagnement vers la justice des personnes lésées par des influenceurs.

Dylan Thiry, Marc Blata, Laurent Billionaire... Une petite association se trouve derrière plusieurs procédures visant des influenceurs à plusieurs millions d'abonnés, soupçonnés d'avoir arnaqué leurs communautés. Depuis 2022, les membres du collectif AVI (aides aux victimes d'influenceurs) œuvrent pour aider les victimes de ces escroqueries.

Ils accompagnent ce lundi trois plaignants dans le procès de Dylan Thiry, ex-candidat de télé-réalité soupçonné d'avoir détourné de l'argent récolté dans des cagnottes en ligne destinées à des missions humanitaires à Madagascar. En quelques années, l'association s'est structurée et s'est imposée comme l'un des principaux acteurs de la lutte contre les dérives des influenceurs.

Des victimes réunies pour dénoncer le couple Blata

Le collectif AVI a débuté en juin 2022 en réunissant des personnes se disant victimes d'escroqueries de la part du couple d'influenceurs Marc et Nadé Blata. Elles estimaient avoir été arnaquées en investissant dans des produits financiers vantés par le couple Blata, installé à Dubaï.

Ces victimes se sont donc réunies pour décider de la marche à suivre, signaler massivement leurs comptes et alerter le public. Mais, au fil de l'été, d'autres personnes les ont contactées pour témoigner de leurs propres mésaventures avec des publicités d'influenceurs.

"Le 19 août, on avait recensé plusieurs centaines de victimes de plusieurs influenceurs et on est devenus une association", explique Mehdi Mazi, cofondateur du collectif AVI. Ce développeur francilien n'a pas lui-même été victime d'un influenceur, mais il dit avoir été "très touché aussi par les dégâts qu'ont causé les 'conseils' en trading" de Marc et Nadé Blata.

Une dizaine de bénévoles

Aujourd'hui, le collectif est composé d'une dizaine de personnes, toutes bénévoles, réparties en plusieurs pôles: victimes, juridique, communication, relations publiques et lives sur les réseaux sociaux.

"Notre but est de sensibiliser, de récolter des témoignages, de réussir à poursuivre les influenceurs", résume Mehdi Mazi.

Au sein du pôle victimes, Mélissa, 44 ans, recueille la parole de ceux qui s'estiment lésés. "Les personnes déposent leur dossier sur le site du collectif et moi je les recense. Ensuite, on regarde combien on a de personnes sur tel ou tel dossier et on voit si elles peuvent être remboursées avec les assurances, si on peut déposer une plainte collective ou si on peut négocier à l'amiable avec l'influenceur en question", explique-t-elle. Cette dernière option n'a toutefois jamais abouti, selon cette responsable de magasin dans le prêt-à-porter.

Des méthodes décriées

Dans le petit milieu des lanceurs d'alerte sur les arnaques des influenceurs, leurs méthodes ne font pas l'unanimité. Il leur est parfois reproché de mettre en avant les personnes qu'ils dénoncent, en leur donnant la parole sur leurs lives sur le réseau X par exemple. Y sont ainsi passés Nasdas ou encore Sandra, ex-agente de Dylan Thiry poursuivie comme lui dans l'affaire des cagnottes humanitaires. Ce que Mehdi Mazi assume totalement.

"On n'est pas là pour faire justice nous-même. Nous, on veut aussi entendre les auteurs ou les co-auteurs quand une victime vient nous dire qu'il y a un litige avec telle personne, avec tel influenceur. On peut avoir ces réponses et dans tous les cas ça ne nous empêche pas d'aller vers du judiciaire, ce n'est pas incompatible", estime-t-il.

En 2022, le collectif AVI a gagné en notoriété grâce au soutien d'un artiste suivi par plus de 6 millions de personnes sur X. Alors en pleine guerre contre ceux qu'il appelle les "influvoleurs", le rappeur Booba a souvent relayé les contenus du collectif, lui apportant une belle visibilité. Il a également participé à plusieurs spaces de l'association sur X. Mais aujourd'hui, le collectif AVI évite d'interagir avec lui publiquement.

"Booba, il a sa façon de tweeter, c'est quelqu'un qui est très dans le clash, dans la satire et il n'y a pas de soucis avec ça. Mais des fois, il peut aller trop loin, il dépasse certaines limites et nous, ce n'est pas du tout possible qu'on puisse s'affilier à ça", affirme Mehdi Mazi.
Booba contre le business des influenceurs, une méthode qui divise
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19:22

Pendant des mois, Booba a publié de très nombreux tweets injurieux visant Magali Berdah, qu'il accuse de pratiques commerciales trompeuses. Le 2 octobre 2023, le rappeur a été mis en examen pour harcèlement moral en ligne aggravé à l'encontre de l'agente d'influenceurs. Il sera par ailleurs jugé le 3 décembre pour injure raciste contre une journaliste et un essayiste, ainsi que cyberharcèlement aggravé s'agissant de la première.

"Il y a des comportements qu'on ne peut pas cautionner", estime Mehdi Mazi. "Donc il y a eu effectivement, peut-être cette distance qui s'est prise entre Booba et le collectif, mais c'est parce qu'il a eu sa ligne et nous la nôtre", ajoute-t-il, même si, lorsque Magali Berdah a déposé plainte contre Booba, le collectif a relayé le communiqué du rappeur en lui disant son "soutien".

"La justice ne se passe pas sur les réseaux"

Si le collectif peut également dénoncer certains agissements d'influenceurs, Mehdi Mazi l'assure: "la justice ne se passe pas sur les réseaux". C'est pourquoi l'association travaille avec plusieurs cabinets d'avocats pour accompagner les victimes dans leurs procédures judiciaires.

En janvier 2023, deux plaintes collectives réunissant 88 plaintes conjointes visant les activités de Marc et Nadé Blata ont été déposées contre X via le collectif AVI. Deux enquêtes ont été ouvertes après ces plaintes, portant sur des faits d'"escroquerie en bande organisée", chef qui fait encourir jusqu'à dix ans de prison, "abus de confiance en bande organisée" et "pratique commerciale trompeuse".

C'est également par le biais du collectif AVI que trois donateurs des cagnottes humanitaires de Dylan Thiry ont pu porter plainte pour abus de confiance. Mélissa, membre du pôle victimes, fait partie de ces plaignants. Elle a rejoint le collectif dès sa création, en juin 2022, après avoir participé aux cagnottes de l'influenceur en janvier.

Pas d'honoraires à payer

Pour ces procédures, les victimes n'ont pas à payer les honoraires des avocats. Le collectif a des accords avec plusieurs cabinets leur permettant de bénéficier de coûts réduits, voire nuls, en échange d'affaires promettant une certaine médiatisation. Lorsqu'il reste des frais à payer, le collectif les prend en charge, en "autofinancement". Mélissa explique qu'alors, "ceux qui peuvent et le veulent participent".

Grâce à ces multiples actions, le collectif s'est institutionnalisé ces dernières années. Au point d'être consulté par les pouvoirs publics, par exemple lors des auditions de la commission de l'Assemblée nationale sur les effets psychologiques de Tiktok sur les mineurs.

L'association aimerait que soit créé un parquet du numérique, dédié aux infractions commises en ligne, sur le modèle du parquet national financier ou du parquet national antiterroriste.

Le collectif AVI plaide aussi pour que davantage de moyens soient alloués au combat contre ces infractions. "On a des lois qui existent déjà, mais qui ne sont pas appliquées", déplore Mehdi Mazi.

Sophie Cazaux