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Retraites: voici les conclusions de la mission flash de la Cour des comptes

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Les Sages de la rue Cambon ont remis ce jeudi 20 février leur rapport qui doit faire "la vérité des chiffres" sur le système de retraites et servir de base à une négociation entre partenaires sociaux.

C'est une nouvelle étape dans la réouverture des discussions autour de la dernière réforme des retraites. La Cour des comptes a remis ce jeudi matin sa "mission flash", dont l'avait chargée le Premier ministre François Bayrou un mois plus tôt, afin de dresser l'état financier du système des retraites.

Ce rapport doit servir de base de travail aux partenaires sociaux qui se réuniront chaque semaine au moins jusqu'à fin mai pour rediscuter "sans tabou" de la très décriée réforme de 2023 qui a porté l'âge de départ de 62 à 64 ans. La première séance se tiendra dans pile une semaine, le 27 février.

La comparaison des différents taux de cotisation n'est pas pertinente

Dans le document, les Sages de la rue Cambon tranchent notamment sur l'ampleur du déficit des retraites.

François Bayrou a défendu depuis plusieurs années une position controversée, très minoritaire chez les économistes et experts. Il estime le déficit lié aux retraites à 55 milliards d'euros. A contrario, l'organisme habituellement chargé des estimations officielles, le Conseil d'orientation des retraites (COR), le chiffre à 6,1 milliards d'euros en 2024, et jusqu'à 0,4% du PIB en 2030, soit 10 à 15 milliards.

L'écart, abyssal entre les deux chiffres, vient d'une prise en compte différente de la contribution de l'État. Contrairement à François Bayrou, qui dénonçait des surcotisations de l'État, le COR intègre aux recettes l'ensemble des impôts affectés et subventions que verse l'État pour équilibrer le régime de la fonction publique, victime d'un lourd déséquilibre démographique. Le Premier ministre semble ce jeudi s'être finalement aligné sur la ligne du Conseil d'orientation des retraites.

À ce titre, la Cour des comptes estime que la comparaison des taux pour calculer une éventuelle surcotisation de l’État n’est pas possible et que la question de la comptabilisation de cette contribution publique est sans effet sur la charge qui pèse sur les finances publiques dans leur ensemble. Pas question pour la Cour des comptes de mélanger les retraites du privé et celles des fonctionnaires.

"La Cour considère que ces deux systèmes présentent en fait une telle divergence, une telle différence, qu’ils ne sont pas comparables."
Doze d’économie : Quel est le déficit des retraites ? - 17/02
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Un système excédentaire à hauteur de 8,5 milliards d'euros en 2023

La Cour des comptes relève bien évidemment l'excédent global du système de 8,5 milliards d'euros en 2023, essentiellement dû à l'inflation. Mais elle souligne des disparités entre des régimes déficitaires comme le régime général ou la caisse des fonctionnaires et hospitaliers et d'autres excédentaires à l'image des complémentaires, comme l'Agirc-Arrco.

Les dépenses annuelles de retraites de la France s'élèvent à environ 390 milliards d'euros, ce qui représente 14% du PIB, soit une part supérieure de quatre point à d'autres pays européens.

Un peu plus de 1.500 euros de pension en moyenne
Par ailleurs, la pension moyenne atteignait 1.626 euros bruts par mois fin 2022, c'est-à-dire 1.512 euros nets. À cet égard, les magistrats financiers indiquent que la situation financière des retraités apparaît favorable par rapport au reste de la population, leur taux de pauvreté étant inférieur à la moyenne de l'ensemble de la population.

Des perspectives négatives en l'état

La Cour des comptes a également réalisé des prévisions de déficit du système actuel en jouant sur deux leviers: les gains de productivité et le taux de chômage. Si les premiers se situent autour de 0,7% et que le taux de chômage baisse légèrement autour de 7%, le déficit prévu atteindra 6,6 milliards d'euros en 2025 et gonflera à 14,6 milliards d'euros 10 ans plus tard pour s'établir finalement à 31,6 milliards d'euros en 2045.

Si les gains de productivité s'élèvent à 1% et que l'objectif de plein-emploi est atteint avec un taux de chômage à 5%, le déficit sera sensiblement identique cette année et en 2035 mais il se limitera à 24,6 milliards d'euros en 2045.

"L’augmentation du nombre de retraités et l’allongement de la durée moyenne de passage à la retraite (estimée à 24,5 ans pour les personnes nées en 1980) contribuent fortement à ces perspectives négatives."

Toujours d'après les projections de la Cour des comptes, les effets de l’équilibre financier du seul système des retraites, tous régimes inclus, sont de l'ordre de 10 milliards d'euros à l’horizon 2030. L’effet sur la diminution du nombre de personnes à la retraite serait maximal en 2032. Par ailleurs, la réforme aurait également un effet positif sur les recettes des autres administrations publiques, comprises entre 8 et 14 milliards d'euros. L'effet de la dernière réforme serait amoindri au-delà de 2040.

Des effets plus immédiats en agissant sur l'âge légal plutôt que sur la durée de cotisation

Une fois le constat posé, les magistrats financiers ont exploré les pistes possibles pour pérenniser le système, en jouant sur différents leviers. Le levier qui aura le plus d'effet à court terme est celui de l'âge de départ à la retraite.

Ainsi, avancer l'âge légal de départ à 63 ans se traduirait par un coût supplémentaire de 5,8 milliards d'euros en 2035 et 7,2 milliards d'euros de recettes en moins soit un effet négatif de 13 milliards d'euros sur les finances publiques. À noter que la Cour n'a pas examiné le coût d'un retour à 62 ans.

En revanche, repousser l'âge légal à 65 ans pour les personnes nées entre 1964 et 1968 aurait un effet positif de 17,7 milliards d'euros sur l'ensemble les finances publiques en 2035 et rapporterait 9,3 milliards de recettes supplémentaires au système de retraites.

Un autre levier est celui de la durée de cotisation, moins efficace à court terme, mais avec un effet à long terme. Si cette durée repassait de 43 à 42 ans, le coût flirterait avec les 4 milliards d'euros cette année, auquel s'ajouterait un manque à gagner de 3,2 milliards d'euros pour les caisses publiques, soit un effet négatif global de plus de 7 milliards d'euros.

Dans l'autre sens, un allongement de la durée d'assurance d'un an rapporterait plus de 5 milliards d'euros en 2035 qui, cumulés avec les 4,5 milliards d'euros de recettes supplémentaires, résulteraient en un effet positif de 9,7 milliards d'euros sur les finances publiques.

Autre levier encore possible, une augmentation du taux de cotisation. Une hausse d'un point du montant de ces cotisations prélevées sur les actifs générerait entre 4,8 et 7,6 milliards d'euros de ressources supplémentaires tandis qu'une sous-indexation des pensions d'un point permettrait une économie de près de 3 milliards d'euros sur l'année de référence.

Timothée Talbi avec Caroline Morrisseau