"Pas de leçon sur l'écologie à recevoir": quel est le bilan d'Emmanuel Macron sur la lutte pour le climat?

Emmanuel Macron à Nice le 9 juin 2025 - Laurent Cipriani / POOL / AFP
La colère d'Emmanuel Macron est-elle justifiée? Avant l'ouverture d'un sommet de l'ONU sur les océans, le chef de l'État a regretté ce samedi 7 juin que plusieurs dispositifs de son premier quinquennat soient "détricotés", de la suspension pendant quelques mois de MaPrive Rénov' au retour des néonicotinoïdes, ces pesticides dangereux pour les abeilles.
Pour le président, revenir sur certaines avancées écologiques relèvent de "l'erreur historique qui consiste à céder aux facilités du temps". "Je n'ai pas de leçon d'écologie à recevoir de qui que ce soit dans le champ politique", a encore insisté le locataire de l'Élysée auprès de La Provence.
Le locataire de l'Élysée devrait à nouveau se défendre lors d'une interview ce mardi soir sur France 2. Son bilan pourtant en demi-teinte, d'autant plus que le gouvernement a été condamné à deux reprises par la justice pour inaction climatique en 2021 sur fond de nette accélération du réchauffement climatique ces dernières années.
• Ce qu'Emmanuel Macron a réussi
La première année du quinquennat d'Emmanuel Macron est marquée par une loi prévoyant l'interdiction immédiate de tout nouveau permis pour des recherches d'hydrocarbures. Concrètement, cela signifie que la recherche et l'exploitation de gaz de schiste, un temps évoquée notamment en Seine-et-Marne, est interdite.
Plusieurs projets au point mort depuis des années et jugés dangereux pour le climat par leurs opposants sont définitivement arrêtés comme le projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, le projet de mine d'or industrielle à ciel ouvert en Guyane ou encore Europacity, un centre de loisirs et de commerces XXL en banlieue parisienne.
Autre avancée: l'obligation pour les cantines scolaires et les entreprises de servir d'ici 2022 au moins 20% de produits biologiques inscrite dans la loi Egalim en 2018 ou encore l'interdiction des couverts jetables dans la restauration rapide et l'interdiction d'emballages à plastique unique d'ici à 2040.

Mettant ses pas dans ceux de la Commission européenne qui vise la neutralité carbone d'ici 2050, Emmanuel Macron a tenté de favoriser l'achat de véhicules électriques au bilan écologique contesté. En 2022, le gouvernement a lancé un dispositif de leasing social qui permet d'acquérir une automobile électrique pour une centaine d'euros par mois en fonction de critères sociaux précis.
Les rénovations thermiques et énergétiques des logements ont également été fortement incitées, notamment par le biais de MaPrimeRénov' à destination des ménages modestes, avec un certain succès. Mais face au coût du dispositif et de nombreuses fraudes, le gouvernement a annoncé "mettre sur pause" MaPrimeRénov' le 4 juin avant d'annoncer finalement son retour à la rentrée.
• Ce qu'Emmanuel Macron a tenté
Lancée dans la foulée de la crise des Gilets jaunes, 149 préconisations faites par la Convention citoyenne sur le climat avaient été présentées à Emmanuel Macron. Dans la foulée, le président avait promis de les "soumettre sans filtre au vote du Parlement", "par référendum" ou encore "par application réglementaire directe" tout en se gardant "trois jokers".

Des dizaines de mesures ont bien été reprises mais souvent de façon partielle. Les vols intérieurs sont par exemple désormais interdits en France lorsqu'un trajet en train de moins de 2h30 est possible.
Mais des associations pour le climat dénoncent de nombreuses exceptions: cette règle ne concerne pas par exemple par les vols en correspondance et de nombreuses liaisons aériennes restent maintenues comme Lyon-Paris Charles de Gaulle ou encore Orly-Bordeaux.
L'interdiction d'installer des chaudières au fioul et au charbon dans des logements neufs est également appliquée après avoir été décalée de l'hiver 2021 à l'hiver 2022.
La lutte contre l'artificialisation des sols a, elle aussi, bien été reprise en fixant un objectif de réduction de 50% en 10 ans. Concrètement, la construction de parkings ou de centres commerciaux est aujourd'hui beaucoup plus difficile mais seulement dans le cas de projets de plus de 10.000 mètres carrés. 80% des projets de surface commerciale se situent en-dessous.
Quant à la demande des membres de la Convention citoyenne d'un moratoire sur les immenses entrepôts du e-commerce sont eux, elle n'a jamais vu le jour. L'Assemblée nationale a très largement détricoté fin mai la loi qui restreignait la bétonnisation des espaces naturels.
D'autres mesures, jugées trop impopulaires ont été écartées comme le passage de la vitesse sur autoroute de 130km/h à 110km/h, la publicité pour les produits les plus émetteurs de gaz à effet de serre comme les SUV ou encore l'interdiction des fermes aquacoles en France, très polluantes.

Emmanuel Macron avait annoncé en 2022 vouloir lancer des RER métropolitains dans 13 grandes villes comme Grenoble, Bordeaux, Lille et Lyon. La participation à hauteur de 700 millions d'euros avait été précisée par le chef de l'État en 2023 lors d'annonces sur la planification écologique. Pour l'instant, aucun chantier n'a démarré, faute de moyens. Rien qu'à Lille, le président de la région des Hauts-de-France Xavier Bertrand juge qu'il faudrait au moins 500 millions pour que le projet sorte de terre.
• Ce qu'Emmanuel Macron n'a pas voulu faire
En novembre 2017, quelques mois à peine après son élection, le président lance son slogan "Make our planet great again" et annonce avoir "demandé au gouvernement de prendre les dispositions nécessaires pour que l'utilisation du glyphosate soit interdite en France "au plus tard dans trois ans", en 2021 donc.

Mais la promesse n'a rien de facile à tenir dans un pays agricole comme la France qui compte parmi les plus grands consommateurs européens de cet engrais très controversé, accusé de participer à la disparition des abeilles. Le Centre international de recherche sur le cancer de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) l'a classé comme "cancérogène probable" en 2015.
Finalement, en 2018, le chef de l'État tourne casaque et explique ne "pas pouvoir dire qu'il n'y aura plus de glyphosate dans 5 ans", faute d'alternatives et par crainte de la concurrence déloyale avec d'autres pays qui continuent de l'utiliser. Ce produit chimique est interdit depuis 2019 dans les espaces publics et les jardins des particuliers mais reste toujours bien autorisé dans le monde agricole.
En novembre 2023, la France s'est abstenue lors d'un vote des pays-membres de l'Union européenne pour décider de l'avenir de cet herbicide, une posture lourde de sens. Il peut être utilisé au niveau européen pour tous les usages jusqu'en 2033. La France continue cependant bien de l'interdire aux particuliers et aux communes.
Emmanuel Macron avait promis de fermer toutes les centrales à charbon, ce combustible extrêmement nocif pour le climat, d'ici la fin de son premier quinquennat. Il existe actuellement deux centrales encore ouvertes en Moselle et en Loire-Atlantique.
Mais le chef de l'État avait finalement annoncé en septembre 2023 de ne vouloir les fermer qu'en 2027. Sa décision s'explique notamment par les fortes tensions sur le marché de l'électricité après le début de la guerre en Ukraine et des travaux sur le parc nucléaire, faisant craindre d'éventuelles coupures de courant en cas de fermeture de ces centrales à charbon.
EDF a finalement annoncé fermer l'une de ses deux usines au printemps prochain pour la reconvertir en "usine de tuyauterie nucléaire".

En pleine campagne présidentielle en 2017, Emmanuel Macron avait promis de faire passer la part du nucléaire de 75% du mix énergétique (la répartition des différentes sources d'énergie utilisées NDLR) à 50% d'ici 2025 et de le remplacer par une part équivalente d'énergies renouvelables comme le solaire ou l'éolien. Cette annonce s'inscrivait alors dans la fermeture de Fessenheim et plus largement de centrales nucléaires de plus en plus vieillissantes, avec des coûts de maintenance très élevés.
Première volte-face en 2019. avec la loi Énergie et climat: l'objectif est reporté à 2035, faute de préparation suffisante pour assurer l'approvisionnement en électricité sans énergie nucléaire.
Finalement, en pleine campagne présidentielle en 2022, le chef de l'État annonce vouloir relancer la filière du nucléaire avec à la fois des investissements massifs et la création de mini-réacteurs.
Plus largement, la France est très en retard dans le développement des énergies renouvelables. Emmanuel Macron tablait sur 32% d'énergies renouvelables dans le mix énergétique en France d'ici 2030. Elle était de 27% fin 2024. Si l'objectif semble tenable, l'Hexagone reste très en retard par rapport à ses voisins européens, notamment sur l'éolien en mer.