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Démantèlement, projet de recyclage contesté… Quel avenir pour le site de la centrale de Fessenheim?

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L'avenir du site de Fessenheim, où les réacteurs nucléaires ont été arrêtés en juin 2020, est toujours incertain. EDF veut y construire un technocentre, mais le projet ne reçoit pas que des éloges.

À Fessenheim, le nucléaire cherche à se réinventer malgré les discordes environnementales. Ce jeudi 30 janvier, alors qu'un dernier débat public concernant le projet de technocentre se tient sur place, opposants et supporters du nucléaire fessenheimois se rejoignent sur la même question: à quoi va ressembler le site dans les années à venir?

Début du démantèlement en 2026

Sur place, l'heure est aux préparatifs des réacteurs. Plus de quatre ans après leur arrêt définitif, le 30 juin 2020, à l’intérieur, c’est le grand nettoyage pour préparer le démantèlement qui devrait commencer en 2026.

Dans cette commune frontalière avec l'Allemagne, depuis 1978, d’immenses générateurs produisaient 80% de l’électricité consommée en Alsace. Aujourd’hui, les turbines et les alternateurs ont disparu.

"Quatre ans après [l'arrêt des réacteurs], nous transformons cette salle des machines pour en faire un lieu de stockage et d'entreposage", décrivait en août dernier Laurent Jarry, directeur de la centrale nucléaire de Fessenheim.

A cette date, plus de 6.000 tonnes de matériaux avaient été évacuées de la centrale, une goutte d’eau dans un océan de déchets. Selon Laurent Jarry, le site à déconstruire "représente 400.000 tonnes de matériaux: du béton, de l'acier, etc."

Un projet bénéfique aux yeux du maire de Fessenheim

Le directeur de la centrale précise que sur ces 400.000 tonnes de matériaux, 95% sont des déchets conventionnels. Le reste, soit près de 20.000 tonnes de matériaux provenant de la zone où étaient stockés le combustible, présentent un certain degré de radioactivité.

Alors, pour procéder au traitement de ces déchets, EDF ambitionne d'installer un technocentre. En d'autres termes, une usine de recyclage de métaux faiblement radioactifs.

D'après Laurent Jarry, ce technocentre doit s'étendre sur une surface de 14 hectares et jouxterait le site où se situaient les réacteurs.

Un projet qui a d'ores et déjà reçu l'approbation du maire sans étiquette de Fessenheim, Claude Brender, défenseur de l'innovation nucléaire. "L'énergie nucléaire est incontournable, c'est une réalité qui s'impose à tout le monde sauf aux anti-nucléaires qui restent figés dans cette idéologie que j'appelle des soixante-huitards attardés restés dans leur logique du passé", tacle sur BFM Alsace l'édile alsacien, qui verrait d'un bon oeil l'installation d'un réacteur dit "SMR", un petit réacteur modulaire nucléaire.

Mais pour l'heure, à ses yeux, le projet de technocentre dirigé par EDF serait déjà un bon premier pas dans l'objectif de relance de sa ville. Pour la communauté de communes, les recettes fiscales sont estimées à 2,5 millions d'euros par an, en plus des 200 emplois permanents créés.

Une très faible radioactivité qui effraie

De plus, Claude Brender assure que le métal recyclé qui sortira de ce technocentre sera "quasiment débarrassé de sa radioactivité, il est inoffensif et donc conventionnel".

C'est d'ailleurs sur ce point, notamment, que le bât blesse. Le métal issu de ce recyclage pourrait être utilisé, après avoir été racheté par des producteurs, pour fabriquer des objets de la vie courante.

C'est en tout cas ce qu'avance André Hatz, de l'association Stop Fessenheim, qui estime que le métal recyclé pourrait tout de même contenir une quantité non négligeable de radioactivité.

"Si EDF était cohérente, elle refonderait son métal pour le réutiliser dans l'industrie nucléaire et ça serait un cycle vertueux. (...) Là, ils pourront fabriquer des casseroles avec!", estime-t-il.

"Bien sûr, ce seront de très faibles doses", inférieures aux seuils réglementaires, admet André Hatz, de l'association Stop Fessenheim. "Mais l'étude Inworks de l'IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire), mise à jour en 2024, met en évidence que sur un temps prolongé, ces très faibles doses peuvent provoquer des cancers, voire des cancers létaux."

Les débats vont donc se prolonger encore entre pro et anti nucléaires à Fessenheim. Le démantèlement des zones nucléaires doit commencer l’année prochaine, et devrait durer environ 15 ans. L'avenir du technocentre, lui, reste encore inscrit en pointillés.

Isabelle Hautefeuille, avec Alexis Lalemant et l'AFP