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Abdelhakim Dekhar arrêté: retour sur six jours de traque et de psychose

Les images du tireur, diffusées par BFMTV et prises par les caméras de vidéosurveillance.

Les images du tireur, diffusées par BFMTV et prises par les caméras de vidéosurveillance. - -

Un homme de 48 ans, dont l'ADN correspond à celui retrouvé sur les lieux de passage du tireur à Paris, a été arrêté mercredi soir. Il n'est autre que le complice de Florence Rey et Aubry Maupin, qui avaient semé la terreur en 1994. Retour sur le film des derniers jours.

Son identité a pris tout le monde de court. L'homme arrêté mercredi soir dans les Hauts-de-Seine, et dont l'ADN correspond avec celui retrouvé sur les douilles lâchées par le tireur, est Abdelhakim Dekhar, complice de Florence Rey et d'Aubry Maupin qui avaient fait 5 morts à Paris en 1994. Membre à l'époque de mouvances autonomes d'extrême gauche, Abdelhakim Dekhar avait disparu de la circulation depuis 1998, date à laquelle il était sorti de prison, et aurait vécu depuis en Angleterre.

Retour en six actes sur cette terrible chasse à l'homme qui a duré six jours dans la capitale, et qui a laissé un jeune assistant photographe dans un état grave.

Acte I: le coup manqué

Vendredi dernier, il est à peine 7 heures. Dans les étages de l'immeuble, les équipes de BFMTV et RMC sont déjà en ébullition pour les programmes de la matinale, mais le hall est relativement désert. Sur le banc du tramway, en face du bâtiment, un homme est assis depuis vingt minutes, casquette vissée sur le crâne, immobile.

Un journaliste passe la porte d'entrée. Lui s'engouffre quelques secondes après. Il descend les marches à toute vitesse vers l'accueil en dégainant un fusil à pompe, pointe l'arme vers un rédacteur en chef de BFMTV qui se trouve là. Sur les images, on le voit actionner son arme. S'est-elle enrayée? Deux munitions tombent à terre, l'homme lâche quelques mots, selon le gardien à l'accueil: "La prochaine fois, je ne vous louperai pas". Il repart tout aussi rapidement qu'il est arrivé, sans avoir tiré.

Dans la journée, les faits sont relayés par les médias, mais personne n'a alors conscience que l'homme va recommencer. La sécurité est cependant renforcée. Le week-end, une patrouille de police s'arrête toutes les deux heures dans les locaux de la chaîne et de la radio, pour s'assurer auprès des gardiens qu'il n'y a aucun incident à signaler.

Acte II: le drame à "Libé"

Lundi, 10h15, dans le IIIe arrondissement parisien. Un homme armé du même type de fusil qu'à BFMTV fait irruption dans le hall du journal Libération. César, 23 ans, assistant photographe, vient d'arriver lui aussi à l'accueil. Il s'apprête à travailler pour la première fois pour le journal, pour un shooting photo. Deux détonations retentissent. César tombe à terre, grièvement touché au thorax et à l'abdomen. Le tireur, resté silencieux, prend la fuite.

César est immédiatement hospitalisé dans un état grave. Le journal est sous le choc. Dans le hall, une vidéo tournée par un rédacteur montre de nombreux impacts de chevrotine. La vidéosurveillance a filmé un homme de type européen, vêtu d'une parka kaki et d'un jean délavé. Une question surgit alors: le tireur est-il le même que celui de BFMTV?

Les enquêteurs vont rapidement en être convaincus. Des policiers sont déployés devant les sièges des grands médias parisiens.

Acte III: la fuite dans Paris

Il est à peine plus de 11h30, lundi. Des employés de la Société Générale fument tranquillement une cigarette au pied de la tour Granite à la Défense, dans les Hauts-de-Seine. Un homme en parka kaki surgit, dégaine un fusil à pompe, tire trois fois en l'air sans faire de blessé, et prend la fuite, laissant les salariés hébétés.

Peu de temps après, un automobiliste de 63 ans est pris en otage dans sa Twingo à Nanterre par un homme armé, qui lui exige de le déposer sur l'avenue Georges-V, près des Champs-Elysées. Dans la voiture, l'homme lui dit qu'il sort de prison, qu'il est "prêt à tout", et lui montre une grenade dans son sac. L'automobiliste est terrorisé.

Après avoir déposé le malfaiteur, il lui faudra plusieurs dizaines de minutes avant de sortir de son état de choc et de prévenir la police. Dès son coup de fil, les forces de l'ordre passent en alerte maximale et déploient d'énormes moyens. Un hélicoptère se met à survoler la zone, tandis qu'au sol, des équipes en civil scrutent la foule des Champs-Elysées, s'aidant des images de vidéosurveillance. En vain. Il a disparu.

Acte IV: la traque

François Hollande demande à Manuel Valls de "mobiliser tous les moyens" pour arrêter le ou les suspects. Le ministre de l'Intérieur, lui, qualifie le tireur de Libération de "véritable danger". Rapidement, les enquêteurs s'orientent vers la piste d'un seul homme. "Compte tenu des similitudes entre ces quatre affaires dans le modus operandi, dans le signalement de l'auteur des faits, et dans les munitions recueillies, la piste d'un auteur unique est privilégiée".

Les premières images de l'homme tombent lundi, dans l'après-midi. Un appel à témoins est lancé par le procureur de Paris, François Molins. Mardi matin, une nouvelle photo beaucoup plus nette de son visage est diffusée. Lunettes rondes, regard déterminé, manteau rouge et bonnet beige, l'homme est a été filmé lundi sur un quai de métro. Sa parka kaki a disparu. La traque s'accélère.

Mercredi matin, la brigade criminelle révèle qu'elle a pu récolter de l'ADN partiel sur neuf cartouches ramassées sur les lieux de passage du tireur, et dans la voiture de l'ex-otage. Problème, il ne correspond à aucun fichier de la police. Du côté de l'appel à témoins, près de 600 appels ont été reçus entre lundi et mercredi, dont plus de 200 pris très au sérieux. C'est l'un de ces coups de fil qui va tout faire basculer.

Acte V: l'arrestation

Mercredi soir, vers 19 heures, un grand nombre de policiers encadrent le parking souterrain Aubépine de Bois-Colombes, dans les Hauts-de-Seine, et pénètrent à pas de loup. Ils sont à la recherche d'un suspect, signalé en commissariat par un homme qui l'héberge de temps à autre. Ils finissent par le repérer. L'homme est assis dans une voiture. Les policiers craignent qu'elle ne soit piégée et avancent prudemment.

L'interpellation se déroule sans heurt. Le suspect, qui présente "une forte ressemblance physique" avec les images du tireur, est "dans un état semi-comateux" dû à l'absorption de médicaments, pouvant laisser penser à une tentative de suicide.

Les policiers annoncent l'arrestation de l'homme. Depuis le début de l'enquête, c'est la première fois qu'un suspect est placé en garde à vue. Vers 23 heures, BFMTV révèle en exclusivité son identité: il s'agit d'Abdelhakim Dekhar, 48 ans, condamné en 1998 dans le cadre de l'affaire Florence Rey, équipée sanglante qui avait fait cinq morts le 4 octobre 1994 à Paris.

Acte VI: la confirmation

Dans la nuit, peu avant une heure du matin, l'information tombe: l'ADN d'Abdelhakim Dekhar correspond à celui retrouvé sur les munitions et dans la voiture. Il devient officiellement le suspect n°1. Hospitalisé à l'Hôtel-Dieu en raison de son état proche du coma, il n'a pas pu être entendu, mais devrait très prochainement être mis en examen.

Vers 2 heures, le ministre de l'Intérieur affirme devant le 36 quai des Orfèvre que "tous les faits" démontrent l'implication de Abdelhakim Dekhar, qui aurait vécu ces dernières années en Angleterre avant de revenir récemment. L'homme reste présumé innocent. Mais la traque prend fin.

>> Carte interactive, cliquez sur les bulles pour en savoir plus sur le parcours du tireur dans Paris

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Alexandra Gonzalez