DOCUMENT BFMTV. "Rétablir la vérité": les confidences de l'anesthésiste Frédéric Péchier à quelques heures de son procès

"Je n'y vais pas avec confiance, mais j'y vais pour rétablir la vérité." Après huit ans d'enquête, s'ouvre à Besançon ce lundi 8 septembre, un procès-fleuve de plus de trois mois: celui de l'anesthésiste déchu Frédéric Péchier. Ce dernier va comparaître libre, jugé pour 30 empoisonnements de patients, dont 12 mortels.
Le médecin de 53 ans est accusé d'avoir sciemment empoisonné 30 patients, âgés de 4 à 89 ans, entre 2008 et 2017, dans deux cliniques privées de Besançon. L'ancien praticien, qui a toujours clamé son innocence, encourt la réclusion criminelle à perpétuité.
À quelques heures de l'ouverture de l'audience, Frédéric Péchier a accordé un entretien téléphonique exclusif à BFMTV, dans lequel il se confie sur son état d'esprit.
• Le procès, une manière de "rétablir la vérité"
"Je ne vais pas dire que je suis serein, je suis confiant. J'ai des arguments qui sont solides, j'ai une connaissance du dossier qui est solide, mes avocats ont une connaissance du dossier qui est solide aussi donc je vais me battre!", explique le médecin, interrogé sur son état d'esprit, avant l'ouverture de son procès.
Frédéric Péchier dit attendre ce moment "depuis plusieurs années avec impatience". "Tout a été fait à huis clos, sauf une fois où les journalistes ont pu rentrer à la chambre de l'instruction et sont ressortis en se disant: 'mais ce n'est pas du tout ce qu'on nous avait vendu'. C'est vraiment un problème! Je n'y vais pas avec confiance mais j'y vais pour rétablir la vérité", explique Frédéric Péchier.
Pour l'ancien anesthésiste, l'audience va montrer, non pas "(sa) vérité mais LA vérité". "Elle est très simple, c'est qu'il n'y a pas d'empoisonnement, hormis un cas qui pose un problème, où dans les poches, on a retrouvé un médicament qui n'avait pas lieu d'être et qui a été retrouvé dans son corps. Par contre, les autres vérités du parquet, comme quoi il y avait des poches polluées au potassium, j'y reviendrai dessus largement devant l'audience en disant que ces poches ont été polluées à postériori."
• "Je veux pouvoir exprimer ma parole"
L'homme de 53 ans explique également que l'audience va lui permettre de s'exprimer, après une instruction particulièrement longue. "C'est très dur parce que je suis passé par des moments très bas, l'histoire de ma tentative de suicide a été diffusée dans la presse, je me suis défenestré (en octobre 2021, NDLR), j'en avais marre, ça faisait quatre ans que je n'avais pas été auditionné, que ça n'avançait pas, qu'il n'y avait pas de juge. Et donc, là maintenant je veux pouvoir exprimer ma parole!"
Quant aux parties civiles, "on leur a vendu un tueur en série, sans qu'il n'y ait de preuves évidentes ou matérielles". "Le problème, c'est qu'elles n'ont lu les dossiers qu'à partir de ce prisme et ce prisme n'est rien par rapport aux 40.000 pages du dossier. Je conçois qu'elles soient vindicatives contre moi mais je n'ai rien contre elle, je veux simplement exprimer ma vérité", ajoute-il.
"Je n'étais pas plus en conflit avec mes collègues qu'avec les chirurgiens. Certaines personnes auditionnées disent que j'étais le seul mur face à l'équipe chirurgicale pour pas qu'elle fasse ce qu'elle veut", avance-t-il encore.
• "Cette histoire a détruit ma vie"
Pour Frédéric Péchier, "cette histoire a détruit (sa) vie".
"Je n'ai plus de métier, plus de maison, c'est difficile d'avoir des amis à 700km de distance mais ils sont toujours là, juste je ne les vois plus. Bien évidemment que tout ça c'est difficile, avec en plus tous les articles de presse qui sont sortis sur ma soi-disant culpabilité, des preuves ou des choses: il n'y en a pas!", assure-t-il.
"Mon quotidien, il ressemble à une prison dorée. Depuis 2019, je n'ai plus le droit d'aller à Besançon. Je ne vois plus mes enfants, on a divorcé en 2021 avec ma femme même si on reste très liés. Et à chaque fois que j'ai voulu retourner à Besançon, on m'a systématiquement dit non. La seule fois où on m'a dit oui, c'était pour l'enterrement du petit-ami de ma fille. Pour l'enterrement de mon beau-père par exemple, je n'ai même pas fait la demande car je savais qu'elle allait être refusée."
• Et après le procès? "C'est une page blanche"
Quid de la fin du procès? "Je n'imagine rien après! Pour moi, c'est une page blanche, je ne sais pas si j'aurai la force de continuer, de retravailler. Je n'envisage pas la détention parce qu'il n'y a aucune raison!", souligne-t-il.
Frédéric Péchier "n'envisage pas de retravailler comme médecin-anesthésiste dans un établissement, car c'est extrêmement difficile". "Pour moi, c'est difficile d'envisager une reprise de métier", conclut-il.