François Bayrou peut-il encore sauver le conclave sur la réforme des retraites?

Le symbole de la méthode de gouvernement de François Bayrou qui vacille. Annoncée en grande pompe par le Premier ministre lors de son discours de politique générale en janvier dernier, la concertation sur les retraites engagée fin février et prévue pour durer jusqu'en mai semble plus affaiblie que jamais.
Après avoir déclaré que "non", il ne croyait pas possible de revenir à la retraite à 62 ans dimanche sur France inter, suscitant la colère des socialistes mais également des syndicats, le locataire de Matignon a persisté et signé mardi devant les députés.
"On vide de sa substance l'intérêt des échanges"
Abroger la mesure-phare de la réforme de 2023, qui a décalé l'âge légal de départ à 64 ans, "je dis comme citoyen, comme observateur, que ce n'est pas possible", a insisté le centriste.
Très loin de son engagement à reprendre "sans tabou ni totem" les propositions qui auraient dû émaner des conclusions des partenaires sociaux à la sortie du conclave avant leur présentation devant l'Assemblée dans la foulée.
"À partir du moment où vous enlevez des discussions les 62 ans, vous videz de sa substance l'intérêt des échanges. Tout le monde le savait, Bayrou le premier", décrypte auprès de BFMTV.com Raymond Soubie, l'ex-conseiller social de Nicolas Sarkozy.
Bayrou y croit encore
Pour tenter de convaincre, le Premier ministre a bien cité le récent rapport de la Cour des comptes, selon lequel le déficit du système de retraites atteindra 6,6 milliards d'euros en 2025 et 30 milliards à horizon 2045. Avant la première rencontre du conclave, le Premier ministre avait demandé aux partenaires sociaux de rétablir l'équilibre des retraites d'ici 2030.
Impossible dans ce contexte de rétablir la retraite à 62 ans qui coûterait 10,5 milliards d'euros par an, selon des estimations de la Cour des comptes. "Je suis persuadé que les partenaires sociaux en viendront eux aussi à une conclusion de cet ordre", en a déduit François Bayrou.
En attendant, une nouvelle réunion de travail entre syndicats et patronats va avoir bien avoir lieu ce jeudi pour discuter de "l'usure professionnelle et de la pénibilité", mais sans la CGT.
"Le Premier ministre et le patronat ont malheureusement définitivement enterré ce conclave. Et c'est très grave parce que le Premier ministre s'était engagé à ce que ces discussions soient 'sans totem, ni tabou'", a justifié la patronne de la CGT, interrogée sur France 2.
"Dans les gènes de la CFDT de rester"
La CFDT, elle, a pour l'instant fait le choix de rester autour de la table. "Nous, on veut discuter de l'âge de départ. C'est le cœur du réacteur. C'est la raison pour laquelle on s'est mobilisés et pour laquelle on a souhaité reprendre le fil des discussions", a expliqué Marylise Léon, la patronne de la centrale syndicale sur BFMTV mercredi.
"Je ne croyais pas vraiment que la CFDT allait s'en aller mais ça va mieux en le disant. Un conclave sans la CFDT, ça voulait dire plus de conclave du tout", explique un député Renaissance qui suit de près le dossier.
"C'est dans les gènes de la CFDT de rester autour de la table et d'essayer d'obtenir à la fin une avancée, même si elle est très minime", analyse Jean-Marie Pernot, chercheur à l'institut de recherches économiques et sociales.
Optimisme à Bercy
Parmi les sujets qui restent en négociation, on trouve notamment le taux d'emploi des seniors, l'un des plus faibles d'Europe, les carrières des femmes ou la pénibilité.
"Mais après quelques rendez-vous, les sujets vont se réduire. Et là, la question de rester au sein du conclave va revenir", juge encore ce spécialiste des syndicats.
Du côté du ministère de l'Économie, on affiche pourtant son optimisme. "Je pense qu'un accord est possible", espère Éric Lombard jeudi matin sur TF1. "Les organisations qui se sont éloignées pourront revenir à la table si cet accord leur convient", a-t-il ajouté.
L'hypothèse semble cependant très improbable, d'autant plus que l'U2P qui est certes la plus petite des organisations patronales, a aussi claqué la porte du conclave, mardi.
Un référendum très improbable
"Éric Lombard veut à tout prix que l'accord de non-censure avec le PS continue de tenir. Mais l'intérêt des syndicats n'est pas forcément celui des députés socialistes", tance Bernard Vivier, l'ex secrétaire général de la CFTC.
"Le conclave est mort", tranche plus franchement Jean-Marie Pernot, chercheur associé au centre d'histoire sociale.
Quid donc de la suite des événements? Quelques heures après la première concertation entre partenaires sociaux fin février, François Bayrou n'avait pas exclu de recourir au référendum "si nous étions un jour en situation de blocage" lors de ces échanges qui doivent durer jusqu'à la fin mai.
L'hypothèse semble cependant très peu probable et l'initiative en revient constitutionnellement à Emmanuel Macron.
"C'est une évidence que la question ne serait pas le retour à 62 ans mais le retour à l'équilibre des régimes de retraite. Tout cela ne mobiliserait pas beaucoup d'électeurs et n'aurait aucun sens politiquement", griffe l'ex conseiller social de Nicolas Sarkozy Raymond Soubie.
En service minimum sur le dossier, Emmanuel Macron a estimé fin février que "le moment était celui du dialogue entre les partenaires sociaux".