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Parlement

PS, LR, Liot... Après l'échec des motions de censure, Sébastien Lecornu discerne mieux ses alliés et ses adversaires

Sébastien Lecornu à l'Assemblée nationale le 16 octobre 2025

Sébastien Lecornu à l'Assemblée nationale le 16 octobre 2025 - SERGE TENANI / HANS LUCAS / HANS LUCAS VIA AFP

Le Premier ministre a échappé au renversement de son gouvernement, de seulement 18 voix. La manœuvre lui permet d'en tirer de précieux enseignements sur les forces sur qui il peut compter à l'Assemblée. Le PS et les LR semblent, sur le papier, des alliés solides pour les débats budgétaires qui commencent la semaine prochaine.

Après sa déclaration de politique générale, une seconde étape est franchie pour Sébastien Lecornu ce jeudi 16 octobre. Les motions de censure déposées par La France insoumise et le Rassemblement national ne sont pas parvenues à réunir les 289 voix nécessaires pour faire tomber le gouvernement.

Celle déposée par les troupes de Mathilde Panot a récolté 271 voix, soit 18 voix en moins que nécessaire pour renverser Sébastien Lecornu. Marine Le Pen, la présidente des députés RN, a, elle, obtenu presque moitié moins avec seulement 144 voix.

De manière au moins provisoire, le Premier ministre peut souffler avant que le marathon budgétaire à haut risque s'ouvre dès la semaine prochaine en commission.

• Le PS décidé à laisser sa chance au Premier ministre

Premier enseignement à retenir: Sébastien Lecornu a bien réussi à arrimer les socialistes qu'il doit absolument avoir de son côté pour faire adopter le budget de l'État et de la sécurité sociale. Sur 69 députés, seuls 7 ont voté en faveur de la motion de censure déposée par les insoumis.

Ce chiffre, bien modeste, n'est pas une surprise. Après avoir annoncé la suspension de la réforme des retraites, réclamée depuis des semaines par le PS, les troupes d'Olivier Faure avaient décidé de ne pas le censurer.

Mais des députés du parti à la rose s'inquiètent du fait que la suspension puisse ne pas véritablement être votée au terme des discussions budgétaires. Les budgets de l'État et de la sécu contiennent également de nombreux points de crispation à leurs yeux, comme le gel des pensions de retraite et des prestations sociales, la suppression de plus de 3.000 postes de fonctionnaires ou encore une nette baisse du budget des hôpitaux.

L'orateur du PS ce jeudi à l'Assemblée nationale, Laurent Baumel, a d'ailleurs mis en garde Sébastien Lecornu, parlant d'un "sursis". "Si à la fin" le budget voté "ne convient pas" aux socialistes ou si "la suspension de la réforme est retirée par des jeux de procédure" ou ressemble à "une entourloupe", le PS garde "son entière liberté de censurer et ne pas voter le budget".

• LFI et les socialistes plus que jamais divisés

Deuxième leçon: la rupture semble consommée entre LFI et les socialistes. Une fois l'échec de la motion de censure connue, la présidente des députés insoumis Mathilde Panot a appelé les militants et électeurs du PS à "rompre" avec la direction du parti. Dans un tweet, le leader de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon a dénoncé le "pacte Macron-Faure" et appelé à la "résistance populaire et à l'unité sur le terrain".

De quoi faire les affaires de Sébastien Lecornu qui peut se dire qu'une montée des tensions entre LFI et les socialistes pourrait pousser les députés PS à vouloir éviter à tout prix de s'afficher à leurs côtés pour le censurer à une autre occasion.

Reste que la réalité des votes contredit le discours de rupture. Lors du dernier budget à l'automne dernier, les insoumis et les élus du parti à la rose ont voté main dans la main l'immense majorité des amendements déposés par un membre du Nouveau front populaire. Les élus de gauche pourraient à nouveau se retrouver sur de nombreux dossiers comme par exemple la taxe sur les patrimoines qui dépassent les 100 millions d'euros popularisée par l'économiste Gabriel Zucman.

• Des LR prêts à le soutenir

Troisième information pour Sébastien Lecornu: il est assuré du soutien des députés LR dont le groupe a failli imploser ces derniers jours. La suspension de la réforme des retraites a beau mal passer dans les rangs de la droite, qui ne l'avait pourtant soutenu que du bout des lèvres en 2023, pas question de le censurer. Un beau succès pour le président de groupe Laurent Wauquiez qui avait donné la consigne de ne pas voter la motion à des élus plutôt rétifs à la discipline de groupe.

Seule l'élue LR Alexandra Martin, une proche du maire de Cannes David Lisnard, a voté le texte déposé par LFI sur un groupe de 50 membres. La motion de censure déposée par RN a eu un tout petit plus de succès avec 3 députés LR qui l'ont soutenu. À la voix d'Alexandra Martin se sont ajoutés François-Xavier Ceccoli et Pierre Cordier, seul élu de droite resté écouter l'allocution de l'allié de Marine Le Pen Éric Ciotti pendant son discours à la tribune.

Ce score a des allures d'échec pour Bruno Retailleau qui est jugé responsable de la vraie-fausse démission de Sébastien Lecornu début octobre. Le président des LR alors ministre de l'Intérieur, mécontent du casting gouvernemental, avait poussé le Premier ministre vers la sortie.

Depuis, Bruno Retailleau qui a quitté le gouvernement lundi, a laissé ses proches appeler à la censure de Sébastien Lecornu à l'instar du député européen François-Xavier Bellamy. Sans donc que sa consigne ne soit suivie ce jeudi dans l'hémicycle. Autant dire que le patron de la droite apparaît particulièrement démonétisé alors même que plusieurs membres du gouvernement sont pour l'instant toujours bien LR en dépit de ses consignes- une procédure d'exclusion étant cependant en cours.

Seule bonne petite nouvelle pour lui: la droite n'a manifestement toujours pas envie massivement de se rapprocher du RN en dépit des appels du pied du président du mouvement Jordan Bardella.

• Les Liot ne sont pas entrés en opposition

Dernier enseignement: le chef du gouvernement peut également compter sur les députés LIOT, ce petit groupe de députés hétéroclites. Avec 22 membres, ces élus aux profils variés qui comptent d'ex-socialistes, macronistes ou députés ultra-marins qui avaient essayé d'abroger la réforme des retraites à l'été 2024, peut peser lourd. D'autant plus qu'il n'a manqué que 18 voix pour faire tomber Sébastien Lecornu.

Mais la présence de l'un des leurs au gouvernement, leur président Laurent Panifous, a manifestement détendu l'atmosphère. Seul le député Olivier Serva, un temps élu Renaissance, a voté la motion de censure LFI. La nouvelle est d'autant meilleure que l'une de leur figure Charles de Courson, véritable bête noire du gouvernement ces dernières années, a été évincé de son poste de rapporteur général du budget début octobre. La méthode avait laissé augurer d'éventuels règlement de compte qui n'ont donc pas eu lieu cette fois-ci.

À sa sortie de l'Assemblée nationale, Sébastien Lecornu s'est dit "au travail", satisfait que "les débats budgétaires puissent démarrer". Dès la semaine prochaine, les députés vont commencer à examiner le projet de loi de finances de la sécurité sociale et de l'État en commission. Le plus dur commence peut-être pour le Premier ministre.

Marie-Pierre Bourgeois