DIRECT. Procès Jubillar: "personne n'a envie de le croire", la défense de l'accusé dénonce "une machine à broyer"

Les avocats de Cédric Jubillar, Alexandre Martin (g) et Emmanuelle Franck, au procès de leur client pour le meurtre de son épouse, le 6 octobre 2025 à la cour d'assises du Tarn, à Albi - Lionel BONAVENTURE
L'ESSENTIEL
- Denière ligne droite pour Cédric Jubillar, dont les avocats doivent plaider tour à tour ce jeudi 16 octobre. Comme ils le font depuis le début de l'audience, ils devraient axer leur défense sur le manque de preuve accablante à l'encontre de leur client.
- Hier, les réquisitions des avocats généraux sont tombées: ils demandent une peine de 30 ans de réclusion criminelle à l'encontre de l'accusé, réaffirmant leurs certitudes autour de la culpabilité de Cédric Jubillar. Lire l'article
- Mercredi matin, les deux derniers avocats des parties civiles ont également plaidé. Me Laurent Boguet et Me Malika Chmani, avocats des deux enfants du couple Jubillar, ont souligné que ces derniers étaient "condamnés à vivre toute leur vie sans leur mère". Lire l'article
- Mardi, toute la journée, des avocats côté parties civiles ont défilé à la barre pour plaider. Me Pauline Rongier, parmi les premières à passer, a notamment axé sa plaidoirie sur un "féminicide" et une affaire qui s'inscrit dans l'histoire des violences conjugales, selon elle.
Plusieurs éléments n'ont pas suffisamment été étudiés, pointe la défense
L'avocate de la défense soulève désormais tous les éléments qui, selon elle, ont été insufisamment étudiés lors des investigations. A commencer par le livret de famille, "ce qui est dingue, c’est que ça n’ait jamais intéressé personne", souligne Me Emmanuelle Franck.
Même raisonnement pour le compte Instagram de Delphine qui, le 14 janvier 2021, s’est abonné au compte de son amie Anne-Michelle S., "ça n’a intéressé personne", lance-t-elle.
"Je ne dis pas qu’elle était vivante le 14 janvier 2021, je dis que ça n’a intéressé personne", insiste l'avocate.
De même, avance-t-elle, la piste de l’amant n’a jamais été étudiée de manière approfondie par les gendarmes. "La domotique de sa maison, vous savez qui a demandé à ce qu’elle soit étudiée, deux ans plus tard ? C’est nous. Personne n’y avait pensé."
Son avocate évoque un accusé qui pense, en 2021, "que Delphine est en vie"
Plaidant depuis trois heures maintenant, Me Emmanuelle Franck relate un épisode qui n'a pas été retranscrit dans la procédure, alors que son client avait été placé sur écoute.
Le 9 février 2021, au cours d'une manipulation, les gendarmes réactivent le téléphone de Delphine Jubillar pour les investigations.
Ce jour-là, raconte son avocate, Cédric Jubillar "se rend compte que le téléphone de Delphine marche". "Sa réaction, c’est d’appeler la gendarmerie en disant 'Delphine lit mes messages', puis d’appeler son beau-père en disant 'Papa, Delphine lit mes messages'."
"Vous avez devant vous un homme qui pense que Delphine est en vie. Il envoie des messages écrits, il fait des captures d’écran. Les gendarmes ne les lui ont jamais demandé, ça ne les intéresse pas", commente l'avocate.
La défense revient sur l'absence de corps dans le dossier, un "mystère"
Me Emmanuelle Franck, qui défend Cédric Jubillar, poursuit sur la même ligne: "On n'a même pas le début d'une scène de crime quelque part", poursuit l'avocate.
Quant au corps, où est-il passé, si Cédric Jubillar a vraiment tué son épouse, s'interroge la défense. "Mystère, parce que tout a été vérifié. Toutes les mines ont été vérifiées, sachez-le."
"Surtout, il pleuvait ce jour-là, et il n’y a pas de boue dans la maison, ni sur les roues de la voiture", ajoute-t-elle.
"Toujours dans ce scénario, il faudrait imaginer que Cédric Jubillar est un acteur", rappelle-t-elle en relisant les messages envoyés par son client à son épouse, pour savoir où elle se trouve dans la nuit.
Pour son avocate, l'hypothèse d'une explosion de colère de l'accusé ne tient pas
Là où certains avocats des parties civiles ont plaidé une explosion de colère de Cédric Jubillar la nuit des faits, son avocate rappelle qu'aucune trace de lutte, de sang ou de nettoyage n'a été retrouvée par les enquêteurs dans la maison.
"Un pétage de plomb, c’est ce qu’on appelle un crime pulsionnel, celui qui laisse le plus de traces, parce qu’on ne contrôle plus rien, qu’on éclabousse tout", lance Me Emmanuelle Franck.
"Imaginons qu’il pète un câble, il n’y ait pas de trace de sang, pas de trace de lutte. C’est quand même l’essentiel non?", poursuit-elle.
"Je me suis demandé s'il était suspect!", la défense critique le témoignage d'un voisin
Toujours sur le sens de stationnement de la voiture de Delphine, Me Emmanuelle Franck fustige le témoignage d'un voisin. La semaine dernière, Guillaume T., est venu raconter à l'audience que sa camionnette blanche était garée derrière la voiture de Delphine Jubillar et avoir eu du mal à démarrer le matin de la disparition, collé par le véhicule de ses voisins.
Cependant, très tôt le matin, les gendarmes n'ont pas relevé la présence d'un camion blanc.
"Son témoignage pose un gros problème. Je me suis même demandé à un moment s’il n’était pas un suspect!", lance l'avocate.
"S’il y a un camion blanc, (les gendarmes) ne peuvent pas ne pas le voir. Moi, je n’en sais rien, mais la camionnette a disparu dans la nuit. Soit Guillaume T. ment et se trompe de jour, soit il va devoir nous expliquer pourquoi sa camionnette a disparu dans la nuit."
La défense s'attaque à l'argument du sens de stationnement de la voiture
L'audience reprend, toujours avec la plaidoirie de Me Emmanuelle Franck, avocate de Cédric Jubillar. Elle s'attache à présent à démonter l'argument de la voiture retrouvée garée dans le sens contraire aux habitudes de Delphine, au matin de sa disparition.
"Si Cédric Jubillar avait été manipulateur, il aurait pu dire qu’il a fait un tour dans le village pour chercher Delphine et ‘être garé comme ça en rentrant. Vous voyez à quoi ça tient", commence-t-elle.
"C’est vrai", concède-t-elle, "Delphine Jubillar avait l’habitude de se garer capot vers le haut. Tellement vrai que le premier qui vous le dit, c‘est Cédric Jubillar. Mais, déclare-t-elle, "il y a deux cas où le plus logique, le plus naturel, est de revenir capot vers le bas. C’est quand on revient directement de l’école. Là, quand on revient, on revient capot vers le bas."
C'était a priori le cas de Delphine, qui est rentrée chez elle le 15 décembre 2020, après être allée chercher son fils à l'école.
Pour l'avocate de l'accusé, les lunettes de Delphine ne sont pas un élément "pertinent" dans le dossier
Me Emmanuelle Franck, qui défend Cédric Jubillar, s'attaque à présent aux lunettes de Delphine, retrouvées brisées derrière le canapé trois semaines après la disparition.
Au début de l’enquête, les gendarmes ont pensé qu’elles n’avaient pas d’intérêt pour les investigations, étant cassées depuis longtemps.
"Ces lunettes, elles n’ont intéressé personne. Elles vont être mises sous scellés en décembre 2023 (soit deux ans après la disparition, NDLR). On n’en a rien à faire pendant un an et demi", déclare l'avocate.
"Ça donne une idée de la faible pertinence" de cet élément dans le dossier, commente-t-elle.
Elle pointe par ailleurs que les gendarmes n'ont fait aucun inventaire des affaires de Delphine Jubillar au début de l'enquête.
L'audience est suspendue quelques instants.
Selon l'avocate de Cédric Jubillar, le témoignage de son fils Louis a été "pollué"
L'avocate de Cédric Jubillar revient à présent sur le témoignage de Louis, le fils de l'accusé et de la disparue, et notamment sur la lettre envoyée il y a deux jours à la présidente du tribunal, dans laquelle il répète sa version.
"Que dire de cette lettre? Il est un peu bizarre ce courrier, quand même, il est malaisant, deux jours avant la clôture des débats", lance d'abord Me Emmanuelle Franck.
"Je ne sais pas si ça vous a marqué, mais il appelle son père 'Cédric Jubillar'. Et ce besoin de dire que sa mère portait des lunettes sur le canapé. Pourquoi le mentionner? Parce qu’on lui a dit que c’était important. Son témoignage est pollué, évidemment."
Pour la défense, ce que dit Louis, le fils Jubilar, "n'est pas possible"
Me Emmanuelle Franck met à présent en doute la parole de Louis, le fils de Cédric et Delphine Jubillar, âgé de 6 ans au moment des faits. Lors de sa première audition par les gendarmes, au lendemain de la disparition, le 16 décembre 2020, il ne signale aucune dispute entre ses parents.
Lors de sa seconde audition, en revanche, Louis aurait alors expliqué avoir vu ses parents se disputer et son père lancer: "Puisque c’est comme ça, on va se séparer".
Lors de sa troisième audition, cependant, "il ne se souvient plus de la phrase ‘puisque c’est comme ça, on va se séparer’. Il se serait relevé, aurait ouvert la porte de sa chambre, puis la porte du couloir, et il aurait vu une scène entre le canapé et le sapin de Noël. Il va décrire ensuite qu’il va faire du bruit, aller se coucher, papa va venir vérifier s’il dort bien, il fait semblant de dormir, et il s’est endormi."
Elle dit avoir fait le test avec son confrère Alexandre Martin, et constaté que Louis n’aurait pas pu voir cette scène de dispute par l’entrebâillement de la porte sans se faire voir de ses parents. "Ce n’est pas possible", répète-t-elle en décrivant la configuration des lieux.
Pour la défense, certains indices contre Cédric Jubillar "ne collent pas"
Au cours de sa plaidoirie, face à des jurés très attentifs, Me Emmanuelle Franck dénonce des failles dans le faisceau d'indices recueilli par les gendarmes. Elle rappelle notamment qu'une voisine a déclaré avoir entendu des cris de femme le soir des faits vers 22h50.
Cependant, rappelle-t-elle, il est probable que le fils des Jubillar soit allé se coucher quelques minutes plus tard, peu avant 23 heures et n'a pas rapporté de dispute entre ses parents à ce moment-là. Pour elle, l'horodatage montre donc que cet indice est bancal.
"On essaye de prendre des pièces du puzzle et on force, on force quand ça ne rentre pas. Le problème, c’est que ça ne colle pas", lance l'avocate.
Cris de femme, griffure... l'avocate de l'accusé critique les indices recueillis pendant l'enquête
L'avocate de Cédric Jubillar passe désormais en revue les divers indices recueillis pendant l'instruction à l'encontre de son client.
A commencer par l'observation d'une "griffure" sur le bras de l'accusé, constatée au lendemain de la disparition de Delphine Jubillar. "Quelle escroquerie, cette griffure sur le bras", qui rappelle-t-elle, n’a jamais été prise en photo.
Elle passe ensuite aux cris d'une femme, entendus par deux voisines dans la nuit du 15 au 16 décembre 2020. "Moi, je ne sais pas, c’est peut-être Delphine, ça l’est peut-être pas, moi je n’en sais rien", commence-t-elle, avant de pointer que les voisins immédiats des Jubillar, eux, n'ont rien entendu.
"Une seule voix, une voix de femme, pas de voix d’homme, jamais de dialogue. Des cris qui durent entre cinq et dix minutes. Cinq-dix minutes, c’est beaucoup, c’est un peu incompatible avec un étranglement", lance Me Emmanuelle Franck à la barre.
L'avocate de l'accusé fustige l'enquête qui ne s'est intéressée qu'à un seul "scénario", selon elle
Me Emmanuelle Franck, avocate de Cédric Jubillar, se dit ce matin "agacée" par le travail des gendarme, qui n'ont étudié selon elle qu'un seul scénario.
"Les six premiers mois, au moins 400 témoins sont interrogés. On ne les interroge que sur Cédric", explique-t-elle.
Elle reconnaît que son client ne s’exprime parfois pas bien, qu’il a pu le faire tout au long de l’audience, apparaissant notamment comme un mauvais père.
Mais "on ne condamne pas les mauvais types, on condamne les coupables."
Pour Me Emmanuelle Franck, l'absence de preuves "oblige à la prudence"
Me Emmanuelle Franck, qui plaide depuis ce matin, rappelle qu'il n'y a dans cette affaire ni corps, ni scène de crime.
"On vous a dit que c’était pas du tout gênant (pour condamner quelqu'un, NDLR), parce que ça arrive tous les jours. Vous savez qu’il y a des pays où l’on ne peut pas condamner quelqu’un si l’on n’a pas de corps? Ça oblige à la prudence", souligne-t-elle.
En guise de contre-exemple, elle cite notamment l’affaire Nicolas Zepeda, soupçonné du meurtre de son ex-petite amie, Narumi Kurosaki, à Besançon.
Dans ce dossier-là, il existe, selon elle, un faisceau d’indices bien plus fort que dans le dossier Jubillar, malgré l’absence de corps. "Voilà un dossier dans lequel on peut, éventuellement, condamner, même sans corps."
Pour l'avocate, "dans toutes les enquêtes on trouve quelque chose, et là on ne trouve rien. Et on joue aux experts. C’est ridicule. A aucun moment, personne ne s’est demandé si on ne s’était pas juste trompé de scénario."
L'avocate de l'accusé plaide un dossier sans preuves à l'encontre de son client
Depuis une trentaine de minutes, Me Emmanuelle Franck, avocate de Cédric Jubillar, plaide à la barre en insistant sur l'absence de preuve à l'encontre de son client.
"A nous de nous battre contre des 'il est possible', 'il est probable', 'il n’est pas improbable', 'ça ne peut être que lui'", déclare-t-elle.
Elle poursuit en rappelant aux jurés qu'il n'y "pas de corps et pas de scène de crime" dans le dossier: "On vous agite depuis des jours que ce n’est pas grave de pas avoir de preuves, parce qu’on a trouvé quelque chose de mieux. Plein d’indices qu’on met dans une boîte, et ça fait un faisceau. On vous dit qu’on n’a pas besoin de tout savoir, on prend des petits trucs, on secoue la boîte, et hop! Une preuve."
Pour la défense, l'affaire est une "machine à broyer dans laquelle la mauvaise foi côtoie l’incompétence"
Me Emmanuelle Franck fustige un "cirque judiciaire" lors de sa plaidoirie ce matin.
"Nous sommes les dernières voix d’un homme écrasé depuis plus de 4 ans et qui ne sait plus comment dire qu’il est innocent. Il pourra bien le dire comme il veut, personne n’a envie de le croire", commence-t-elle.
"Il a mis un pied dans une machine à broyer dans laquelle la mauvaise foi côtoie l’incompétence."
"Dans quelle justice accepte-t-on qu’un dossier soit lu à livre ouvert, par tout le monde?", interroge-t-elle, faisant référence à la médiatisation de l'affaire et à une enquête selon elle bâclée.
L'avocate dénonce également des témoins qui, selon elle, se sont répandus dans la presse. "Il y a trop de gens dans cette affaire qui n’étaient pas grand-chose et qui ont voulu devenir quelqu’un."
L'avocate de Cédric Jubillar s'élance pour sa plaidoirie
Les plaidoiries des avocats de la défense démarrent, ce jeudi matin. Me Emmanuelle Franck s'élance la première.
"Quand j’y pense, mon cœur bat plus fort. Il y a derrière ce procès-spectacle, ce procès-vitrine, deux frères et une sœur silencieux et dignes. Il y a aussi deux invisibles qui attendent, Louis et Elyah", les enfants du couple Jubillar, lance-t-elle.
Deux enfants encore très jeunes auxquels on "présentera comme une vérité que maman n’est plus là à cause de papa".
"Il faut en être certain pour leur dire cela. Peut-on l’être ici?", questionne l'avocate de Cédric Jubillar.
Trente ans de réclusion criminelle requis contre l'accusé
Hier après-midi, les deux avocats généraux ont longuement plaidé l'un après l'autre.
"Oui, c'est lui qui a tué Delphine Aussaguel", a assuré le premier, ajoutant que Cédric Jubillar a, pour lui, du "sang-froid".
"Est-ce qu'on a besoin d'être intelligent pour dissimuler un corps? Non, il faut du sang froid", dit-il. "Avoir du sang froid, il en a: le matin de la disparition, il est en train de fumer un joint", rappelle-t-il.
Ils ont finalement requis une peine de 30 ans de réclusion criminelle à son encontre, assortie de plusieurs peines complémentaires telles que l'interdiction de perception de la pension de réversion ou l'interdiction de porter ou détenir une arme pendant 15 ans.
Des avocats des parties civiles demandent aux jurés une "vérité judiciaire"
Mercredi matin, en ouverture d'audience, les avocats de Louis et Elyah Jubillar ont clôturé les plaidoiries côté parties civiles.
"Moi, je ne vous fais pas confiance, M. Jubillar, je ne vous accorde aucun crédit, rien, vous êtes un menteur", a déclaré Me Laurent Boguet, implorant les jurés de "rendre" Delphine à ses enfants.
"Il ne l'a pas seulement tuée, il l'a étranglée pour la faire taire, il l'a effacée en faisant disparaître le corps", a lâché en fin de plaidoirie l'avocat toulousain.
De son côté, sa consoeur Me Malika Chmani a déclaré qu'en l'absence de "vérité de leur père", elle était "venue chercher une vérité judiciaire".
Les plaidoiries de la défense attendues ce jeudi
Bonjour à toutes et tous. Bienvenue dans ce direct consacré au procès de Cédric Jubillar pour le meurtre de son épouse Delphine, dans le Tarn.
Alors que le verdict est attendu vendredi, les deux avocats de l'accusé doivent plaider aujourd'hui.
Comme ils le font depuis le début du procès, Mes Emmanuelle Franck et Alexandre Martin devraient insister sur le manque de preuves accablantes à l'encontre de leur client dans le dossier.