Procès de Cédric Jubillar: le sens de stationnement de la voiture de Delphine au cœur des débats

La maison de Delphine et Cédric Jubillar à Cagnac-les-Mines (Tarn), le 7 décembre 2022 - Charly TRIBALLEAU © 2019 AFP
Comment Delphine Jubillar s’est-elle garée en rentrant chez elle, le 15 décembre 2020, avant de se volatiliser en pleine nuit? Pour plusieurs témoins, dans le sens de la montée, comme à son habitude. Pour son mari, dans le sens de la descente. Qui a raison, qui se trompe: c’est le débat auquel la cour assiste ce mardi 7 octobre au matin au tribunal d’Albi, au dixième jour du procès de Cédric Jubillar pour le meurtre de son épouse.
Si les différentes parties passent tant de temps sur la Peugeot 207 bleue du couple, c’est qu’elle est l’un des éléments à charge contre Cédric Jubillar.
Retrouvée garée dans le sens de la descente le matin qui suit la disparition, le 16 décembre 2020, elle aurait donc été utilisée dans la nuit, à en croire plusieurs témoins qui l’ont vue dans la position inverse la veille.
Pour un voisin, la voiture était dans le sens de la montée
A commencer par Guillaume, un voisin des Jubillar. Vêtu de gris, il s’avance ce mardi à la barre et déroule ce constat, catégorique : "Quand je suis rentré le jour de la disparition, je me suis garé face à la voiture de Delphine. Et le lendemain matin quand je suis parti au travail, la voiture était dans l’autre sens."
Interrogé par la présidente, il précise que Delphine Jubillar avait pourtant l’habitude de se garer dans le sens de la montée, face à sa voiture à lui. "Pour sortir les petits, c’était plus pratique pour elle", explique-t-il.
Un autre détail l’interpelle, le 16 décembre au matin. Lorsqu’il part travailler, il remarque que le coffre du véhicule des Jubillar "le colle". Pourtant, les voisins se sont accordés autour de cette règle tacite: laisser un certain espace entre les voitures pour pouvoir sortir facilement des places de stationnement. Ce jour-là, "j’ai dû faire une marche arrière pour repartir", se souvient Guillaume.
"Vous aviez dit aux gendarmes 'je suis sûr à 90% que la voiture était dans l’autre sens'. Pourquoi pas 100%?", pointe Me Alexandre Martin, avocat de l’accusé. "Parce qu’on n’est jamais sûr à 1000%, mais maintenant j’en suis sûr, parce que j’ai dû faire une manœuvre pour démarrer", répond le voisin.
"Il avait un regard qui faisait peur"
Après lui, c’est Olga qui s’avance à la barre. Élégante, perles aux oreilles, cheveux gris soigneusement relevés à l’aide d’un bandeau bleu, elle salue les jurés en s’avançant. Elle parle avec le ton du témoin qui a envie de bien faire, de la voisine attachée à Delphine Jubillar et à ses enfants. Celle que Louis Jubillar, 6 ans, avait l’habitude d’appeler "mamie Olga" et qui était invitée aux anniversaires.
Elle assure avoir été très touchée par la disparition de Delphine. "Ça m’a fait beaucoup de mal. Ça a été un enfer, j’ai été obligée de me protéger, tout le monde m’interpellait. On en était venu à me dire 'mais Olga, tu sais toi, où est le corps de Delphine'. Ce jour-là, j’ai cru que j’allais tomber."
Olga dit avoir été étonnée, comme son mari aujourd'hui décédé, de voir la voiture de Delphine garée dans le sens de la descente, le 16 décembre. Si elle n’a pas entendu les chiens de ses voisins aboyer pendant la nuit (elle dort d’un "sommeil de plomb", explique-t-elle), la retraitée confie avoir assisté à une curieuse scène, le lendemain matin.
Alors qu’elle sort pour étendre son linge, elle dit voir Cédric Jubillar devant chez lui. "Il donnait des coups de pied. Il faisait que dire 'je voulais pas ça', il avait un regard qui faisait peur", relate-t-elle ce mardi. Alors qu'elle lui propose son aide, selon elle, le peintre-plaquiste lui répond alors: "Je n’aurai jamais besoin de personne, jamais, jamais." Dans son box, l’accusé ne moufte pas.
"J'aurais fait la bêtise de garer la voiture dans le mauvais sens?"
Mais lorsque vient son tour d’être interrogé sur la fameuse Peugeot 207 et son stationnement la veille, Cédric Jubillar n’en démord pas: son épouse "avait les mêmes habitudes que lui", à savoir qu’elle garait la voiture en descente ou en montée en fonction de là où elle arrivait.
"Quand elle revenait de l’école, elle stationnait le véhicule dans le sens de la descente", détaille-t-il. C’était le cas, selon lui, le 15 décembre au soir, puisqu’elle venait d’aller chercher Louis à l’école. Selon lui, si ses voisins ont cru voir la voiture de Delphine garée dans le sens de la montée, c’est par simple "habitude".
L’avocat général le pousse dans ses retranchements. Un échange tendu s’engage. "Donc (votre voisine) se trompe?" Cédric Jubillar confirme. "Et (votre voisin) aussi?". "Oui, aussi", maintient l’accusé. Celui-ci remue nerveusement dans son box, mais ne flanche jamais, répond sans hésiter.
L'avocat général ajoute que son propre fils déclare que Delphine Jubillar se garait toujours dans le sens de la montée. "Si je suis votre raisonnement, que j’ai tué ma femme et transporté le corps, j’aurais fait la bêtise de garer la voiture dans le mauvais sens? C’est ce que vous insinuez", lance alors Cédric Jubillar. "Je n’insinue rien, je vous pose des questions", conclut l’avocat général.
L’audience doit se poursuivre ce mardi après-midi avec la déposition du gendarme en charge de la téléphonie pendant l’enquête, ainsi que les témoignages d’autres proches de Delphine Jubillar.