"On serait vraiment trop bêtes de lâcher": le PS veut-il sincèrement conclure un accord avec Sébastien Lecornu?

Le secrétaire national du PS, Olivier Faure, et plusieurs élus socialistes le 31 août 2024 à Blois - Magali Cohen / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
Deux heures montre en main. Le temps de boire plusieurs cafés... Mais manifestement pas de négocier un accord. Ce jeudi matin, les socialistes ont affiché leur déception en sortant de leur entrevue avec le Premier ministre Sébastien Lecornu
"Le Premier ministre reste flou sur ses intentions", a regretté le premier secrétaire du PS Olivier Faure, expliquant être "resté sur sa faim" à la sortie de cette rencontre.
Depuis la nomination du successeur de François Bayrou le 9 septembre dernier, le parti à la rose et le nouveau locataire de Matignon n'ont pourtant eu de cesse d'échanger par téléphone ou par SMS.
Et pour cause: après avoir fermé la porte à tout accord avec le RN, l'ancien ministre des Armées n'a guère d'autre choix que de chercher un accord avec les 66 députés ou au moins d'obtenir leur bienveillance pour éviter d'être censuré à l'automne sur le budget de l'État et de la sécurité sociale. Et pourtant, rien n'est évident. Pire encore, les socialistes affirment plus que jamais leur volonté de censurer Sébastien Lecornu "s'il n'est pas prêt à les entendre".
Si le PS est venu à Matignon avec une liste de courses précise -suspension de la réforme des retraites et taxe sur les patrimoines de plus de cent millions d'euros portée par l'économiste Gabriel Zucman notamment- le Premier ministre se garde bien de reprendre à son compte leurs propositions. Tout juste a-t-il évoqué devant les socialistes "la justice fiscale" comme il l'avait déjà fait dans une interview le week-end dernier, sans plus de précisions.
"On nous dit que Sébastien Lecornu veut un accord avec nous mais il ne répond favorablement à aucune de nos demandes. À un moment, s'il veut qu'on y arrive, il va falloir y mettre un peu du sien", tance un élu PS auprès de BFMTV.
Laurent Baumel, issu de l'aile gauche du mouvement, y va plus franchement. "On attend une concession spectaculaire et majeure de la part de la macronie. Si ça ne fait pas mal au camp présidentiel, cela ne marchera pas" avec les socialistes, mettait en garde le député avant même le début des négociations officielles.
"Accepter de ne pas tout avoir"
L'ambition des socialistes, bien décidés à faire monter les enchères et à pousser la macronie à revenir sur des totems des années Emmanuel Macron, a pourtant l'art d'agacer le camp présidentiel.
En situation de faiblesse après la dissolution qui a tourné au fiasco, la nomination de deux ex-Premiers ministres issus du bloc central qui n'ont pas réussi à tenir et de sondages désastreux, les députés Renaissance rejettent la faute sur le PS.
"Ils ne sont pas en mode discussion, c'est une évidence. On ne peut pas dire qu'on ne vient pas négocier et ne pas reconnaître qu'on va devoir y mettre un peu du sien. Il faut accepter qu'ils ne pourront pas tout avoir", s'émeut le député Renaissance Ludovic Mendes, ex-membre du PS.
Le diagnostic est partagé par l'ex-président de l'Assemblée nationale François de Rugy. "Est-ce qu'Olivier Faure veut vraiment un accord? Je commence sérieusement à en douter", se demande celui qui a été un temps le patron de Sébastien Lecornu au ministère de l'Écologie.
Une chose est sûre: si Sébastien Lecornu tombe et qu'Emmanuel Macron se fait à l'idée qu'un gouvernement capable d'obtenir un budget est désormais mission impossible, la gauche n'aura pas peur de la dissolution - officiellement du moins.
Et ce d'autant moins que les socialistes se sont gargarisés ces derniers jours d'un sondage commandé par leurs soins qui montrait que les personnes interrogées par l'IFOP soutenait à 86% la création d'une taxe Zucman.
"Ça fait des années qu'il n'y a pas une idée qui a à ce point imprimé la rétine des Français. On serait vraiment trop bêtes de lâcher maintenant. Sébastien Lecornu doit accepter d'ouvrir une réflexion sur la fiscalité des très riches, ce n'est pas négociable", insiste un hiérarque socialiste.
Une dissolution: et pourquoi pas?
Et puis les troupes d'Olivier Faure ont fait leur calcul - avec ou sans accord avec La France insoumise comme en 2022 ou en 2024, ils ne devraient pas perdre d'élus. De nouvelles élections législatives auraient également le mérite de redorer le blason du PS à l'approche des municipales en montrant que le socle commun et les troupes d'Olivier Faure n'ont rien en commun.
Autre avantage: elle mettrait de l'huile dans les rouages entre les écologistes qui réclament une nouvelle dissolution et les socialistes. En cas d'accord aux législatives dans les prochains mois, la porte serait ensuite grande ouverte pour faire liste commune dès le premier tour avec eux plutôt qu'avec les insoumis. Même en cas de candidature séparée sur la ligne de départ, la dissolution faciliterait les accords d'entre-deux-tours dans de nombreuses communes.
Est-ce pour cela qu'Olivier Faure a lancé à Marine Tondelier sur BFMTV le 1er septembre qu'il "n'imaginait pas sa vie sans elle?". "C'est sûr qu'avec des écologistes très allants pour la censure, ça devient très très compliqué de ne pas les suivre", reconnaît un membre du PS.
Et même dans l'hypothèse où le PS mettrait finalement de l'eau dans son vin en acceptant de s'allier avec Sébastien Lecornu, comme l'espère par exemple François Hollande, le risque de censure ne serait pas forcément éloigné.
Le vote du budget de l'État et de la sécurité sociale n'auront lieu que début décembre, après plusieurs semaines de débat à l'Assemblée nationale. Autrement dit, entre un éventuel accord de non-censure conclu en septembre et un vote des députés, il va encore s'écouler deux mois.
"La vérité d'aujourd'hui, même en cas d'accord avec les socialistes, ne sera pas la vérité de demain", reconnaît un conseiller ministériel qui a commencé sa carrière à gauche. En attendant, Olivier Faure n'a pas l'intention d'endosser le rôle de celui qui dit non et a déjà promis de "revenir" à Matignon pour de nouvelles discussions.