"On attend une concession spectaculaire": face à Sébastien Lecornu, le PS pose ses exigences

Sébastien Lecornu le 13 septembre 2025 à Mâcon. - JEFF PACHOUD / AFP
La porte s'entrouvre mais les socialistes ne sont pas encore entrés. Le nouveau Premier ministre a tendu la main ce week-end aux députés du parti dirigé par Olivier Faure avant leur rendez-vous ce mercredi. Sans leur soutien à l'automne pour faire passer le budget 2026 ou au moins leur bienveillance pour ne pas le censurer, le locataire de Matignon n'a quasiment aucune chance de tenir.
Sébastien Lecornu a donc mis les formes. "Il y a des questions de justice, de répartition de l'effort" qui doivent se poser, a-t-il expliqué dans une interview à la presse quotidienne régionale pour sa seconde prise de parole depuis sa nomination.
"Il faut y travailler sans idéologie, j'y suis prêt", a encore lancé l'ex-ministre de la Défense, après avoir déjà promis des "ruptures" sur le "fond" lors de la passation de pouvoir express avec François Bayrou.
Une série de "non mais"
Sébastien Lecornu s'est cependant bien gardé de donner des précisions quant aux mesures qu'il pourrait incorporer dans le futur budget. Tout juste a-t-il annoncé renoncer à la suppression de deux jours fériés qui n'était pas vraiment présentée comme un chiffon rouge spécifique aux socialistes - mais rejetée unanimement hors du camp présidentiel
Et les mesures très attendues par les socialistes, comme l'instauration de la taxe sur les patrimoines de plus de 100 millions d'euros portée par l'économiste Gabriel Zucman? "Attention au patrimoine professionnel, car c'est ce qui permet de créer des emplois", leur a déjà répondu Sébastien Lecornu.
Quant à l'engagement à ne pas utiliser le 49.3 pendant la séquence budgétaire à l'Assemblée, cet article de la Constitution qui permet de faire adopter un texte sans vote des députés, cela semble là encore mal engagé. Le chef du gouvernement a expliqué vouloir "ne pas être contraint de l'utiliser" sans plus de précisions.
Bref, un accord avec les socialistes n'a rien d'écrit, d'autant plus que le PS a désormais un contre-budget présenté à la fin de l'été avec des chiffrages précis à mettre sur le bureau de Sébastien Lecornu.
L'appétit des socialistes pour le "spectaculaire"
"Ce n'est pas à lui de refaire le tri dans ce qu'on a mis sur la table. Je ne vais pas dire que tout doit être pris ou tout doit être laissé mais il faut des concessions très sérieuses, qui changent la vie des Français. Tout ça n'est pas très sérieux pour l'instant", s'agace le député socialiste Iñaki Echaniz auprès de BFMTV.
"On attend une concession spectaculaire et majeure de la part de la macronie. Si ça ne fait pas mal au camp présidentiel, cela ne marchera pas" avec les socialistes, met également en garde son collègue Laurent Baumel.
Le parti à la rose est d'autant moins compréhensif qu'il est en position de force. En cas de volonté du RN et de ses alliés de censurer Sébastien Lecornu, il suffirait qu'à peine une vingtaine de députés socialistes allient leurs forces aux insoumis et aux écologistes pour le faire tomber.
"En l'état actuel des choses, je ne vois pas comment il n'est pas censuré à l'automne en l'absence d'un changement majeur", observait déjà en fin de semaine un élu macroniste issu des rangs du PS.
Des échanges privés plutôt qu'en public
Mais Sébastien Lecornu acceptera-t-il vraiment de lâcher du lest en accord avec Emmanuel Macron? Jusqu'ici, jamais le chef de l'État n'a accepté de remettre en cause sa politique économique ou le recul de l'âge de départ à la retraite à 64 ans, alors même que la gauche est sortie en tête des urnes après la dissolution.
Même pendant le conclave sur la réforme des retraites qui avait permis à François Bayrou d'obtenir un accord de non-censure avec le PS, l'hypothèse de revenir sur l'âge de départ n'avait jamais été vraiment sur la table.
Le président y serait-il prêt pour sauver les 18 derniers mois de son second quinquennat en s'évitant la chute dans les prochaines semaines de son Premier ministre et le spectre d'une nouvelle dissolution? Difficile à dire.
"C'est au Premier ministre de mener les discussions" avec les oppositions, se contente d'expliquer sobrement un proche du chef de l'État à BFMTV.
Du côté des proches de Sébastien Lecornu, on part manifestement du principe que les négociations doivent plutôt se faire dans le secret des bureaux que sur la place publique.
"ll est trop tôt pour évoquer le budget et les pistes d'économies. Le Premier ministre commence seulement ses consultations", botte en touche son entourage.
François Hollande en "négociateur"
En attendant, plutôt discret ces derniers temps, François Hollande est décidé à mouiller la chemise. L'ex-chef de l'État cherche un chemin qui permettrait à la fois à Sébastien Lecornu de ne pas donner l'impression de jeter à la poubelle le bilan des années Macron tout en offrant aux socialistes quelques menues victoires.
Le Corrézien a par exemple proposé sur BFMTV dimanche une "contribution sur les grandes fortunes". La formule est suffisamment floue pour reprendre un point du budget 2025 qui avait mis en place une contribution exceptionnelle sur les très hauts revenus en le rendant pérenne cette fois-ci. François Bayrou avait d'ailleurs déjà évoqué cette piste en juillet dernier.
Même topo avec son idée de "faire contribuer les entreprises qui ont reçu beaucoup d'exonérations de cotisations sociales, des baisses d'impôts". Cela ressemble là encore fortement à la contribution exceptionnelle des grandes entreprises lancée sous Michel Barnier et votée sous François Bayrou en février dernier.
"François Hollande, il se voit bien comme le négociateur qui a empêché la bombe de la dissolution d'exploser", grince un député socialiste, qui reconnaît cependant que "c'est plutôt malin".
"La macronie pourra dire 'on accepte finalement un truc qui ne devait pas durer', et nous on pourra dire 'regardez on a réussi à maintenir des dispositifs de justice sociale'", analyse ce bon connaisseur de la matière budgétaire.
Les socialistes qui n'ont eu de cesse ces derniers jours de dire qu'ils n'avaient "pas peur" d'une dissolution, accepteront-ils un compromis qui sera très loin de leur contre-budget?
"C'est difficile à dire. Soit ils se bunkérisent dans leur tête et on n'est plus là en décembre soit ils mettent de l'eau dans leur vin et ça passe", tranche un député Renaissance.