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Finances publiques

Il renonce à supprimer les 2 jours fériés mais sur le reste que va-t-il faire? Ce que Sébastien Lecornu va garder ou jeter de la feuille de route de François Bayrou

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Le nouveau Premier ministre a déjà indiqué qu'il renonçait à la suppression des deux jours feriés proposée par François Bayrou et qu'il supprimerait les "avantages à vie" accordés aux anciens ministres.

Le nouveau Premier ministre a promis une "rupture" aux oppositions parlementaires et à l'opinion publique, qui attendent de voir comment cela se traduira concrètement dans le prochain budget.

Sébastien Lecornu a commencé à se démarquer de son prédecesseur en annonçant, à plusieurs titres de presse régionale, qu'il renonçait à la suppression de deux jours feriés non rémunérés aux salariés, la très impopulaire proposition de François Bayrou.

Pour le reste, l'ancien ministre des Armées a donné peu d'indications sur ses intentions, ne disant notamment pas s'il reprendrait l'idée de "l'année blanche", la première piste d'économies du précédent gouvernement.

Sébastien Lecornu s'est borné à proposer une réforme de l'État, via un “grand acte de décentralisation”, la suppression de certaines agences et des avantages accordés aux anciens ministres.

"Je vais donc mettre fin aux derniers privilèges qui sont encore accordés 'à vie' à certains anciens membres du gouvernement", a dévoilé Sébastien Lecornu à plusieurs quotidiens régionaux dont Ouest-France.

François Bayrou avait lui aussi insisté sur ces deux derniers points, confiant notamment à l'ancien député socialiste René Dosière une mission sur le train de vie des élus.

Sébastien Lecornu va d'abord devoir faire le tri dans les projets d'économies envisagés par le gouvernement démissionnaire. Selon Les Échos, avant de partir, François Bayrou a intégré dans le projet de budget la disparition d'une réduction d'impôt au titre de la scolarité des enfants au collège et au lycée.

Cette ébauche de texte prévoit aussi la suppression des aides pour le logement (APL) pour les étudiants étrangers et les 20% des foyers fiscaux les plus aisés, ou encore une taxe sur le vapotage.

Un effort moindre que Bayrou

Pour la suite, le Premier ministre temporise, le temps de former un gouvernement, préconisant que "les formations (politiques, ndlr) s'accordent sur le 'quoi' avant le 'qui'".

Sébastien Lecornu a toutefois laissé entendre qu'il s'appuyerait d'abord sur les élus du "socle commun" (Renaissance, Modem, Horizons, UDI), soutiens du président de la République, comme Michel Barnier et François Bayrou avant lui.

Si le premier est tombé sans réussir à faire adopter le budget, le second y était parvenu, grâce aux voix de ce "socle commun", et surtout à l'abstention du Parti socialiste, esquissant ce qui semble être la voie de passage privilégiée par le nouveau Premier ministre, qui a exclu un accord politique avec le Rassemblement national.

Le point crucial, dont découleront le reste des mesures, sera de déterminer l'effort budgétaire nécessaire à la stabilisation de l'endettement, sans atteindre le point de rupture avec le PS.

Ce dernier a proposé un ajustement budgétaire de 22 milliards d'euros, soit deux fois moins que les 44 milliards d'euros de François Bayrou (par rapport à une trajectoire de dépenses calculée par Bercy), un seuil qui parait aujourd'hui illusoire.

"À l'évidence, cet effort doit être réduit", a reconnnu Éric Lombard, ministre de l'Économie démissionnaire, quand Yaël Braun-Pivet, la présidente de l'Assemblée, a parlé d'un objectif de "35-36 milliards d'euros" l'année prochaine.

Au fond, la question est de savoir à quel rythme le déficit public doit repasser sous la barre des 3%, prévue par les traités européens. Le "socle commun" compte y arriver d'ici 2029, quand le PS juge qu'il est préférable d'attendre 2032 pour lisser l'effort.

Flou sur la fiscalité des plus riches

Ces derniers insistent particulièrement pour que l'effort comprenne une hausse significative de la fiscalité des plus aisés, plaidant pour l'introduction de la taxe proposée par l'économiste Gabriel Zucman, abondamment débattue ces dernières semaines.

Si le principe d'une fiscalité réhaussée pour les plus riches semble acceptée par le nouveau Premier ministre, il a affiché sa réticence à viser "le patrimoine professionnel" dans Ouest-France.

"Il y a des questions de justice fiscale, de répartition de l’effort et il faut y travailler sans idéologie, j’y suis prêt. Attention néanmoins au patrimoine professionnel, car c’est ce qui permet de créer des emplois et de la croissance en France", a considéré Sébastien Lecornu.

Ces craintes étaient partagées par le précédent gouvernement, qui disait chercher un moyen de cibler "la suroptimisation fiscale" via "l'utilisation de holdings". Faute d'avoir trouvé le moyen technique de s'y attaquer, François Bayrou comptait prolonger la contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR), selon le journal Les Échos, qui a eu accès à l'ébauche de budget envoyée par le gouvernement démissionnaire au Conseil d'État.

Esquissée par le gouvernement Barnier, cette CDHR devait viser 24.000 foyers ayant un revenu fiscal de référence supérieur à 250.000 euros mais son application coince dans la pratique. Cette taxe ne devrait rapporter, au mieux, que 1,2 milliard d'euros cette année selon l'Institut des politiques publiques (IPP).

Le PS aura certainement du mal à s'en contenter, alors que le parti à la rose espère 15 milliards d'euros de la taxe Zucman, et propose au total 26,9 milliards d'euros de recettes supplémentaires "grâce à la mise à contribution des gagnants du macronisme".

Pierre Lann