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Des gilets jaunes à la réforme des retraites: ces fois où Emmanuel Macron a voulu changer de "méthode"

Le président français Emmanuel Macron le 13 novembre 2024 au Collège de France à Paris

Le président français Emmanuel Macron le 13 novembre 2024 au Collège de France à Paris - Teresa Suarez © 2019 AFP

Le chef de l'État a tenté à plusieurs reprises de faire évoluer sa manière de gouverner qu'il a voulu plus "respectueuse" et "humaine". Pour sortir de la crise politique, Emmanuel Macron essaie à nouveau de faire évoluer sa stratégie, avec des résultats plus ou moins concluants depuis 2017.

Une expression devenue un classique du vocabulaire macroniste. Six jours après la chute de Michel Barnier à l'Assemblée nationale, l'Élysée a fait savoir qu'Emmanuel Macron souhaitait "avancer sur un accord concernant une méthode" pour la nomination d'un nouveau Premier ministre. Au menu de cette nouvelle stratégie: une réunion avec tous les partis politiques, à l'exception du RN et de LFI.

Ce n'est pas la première fois que ce terme est utilisé par le chef de l'État. Régulièrement, depuis son élection en 2017, le président a voulu changer de "méthode" pour sortir d'une crise. Avec des succès souvent relatifs.

• "Changer de méthode" à l'époque des gilets jaunes

Premier épisode: la crise des gilets jaunes. Pour répondre à la colère qui s'exprime sur des centaines de rond-points dans tout l'Hexagone, lancée initialement par la hausse des taxes sur le carburant, le porte-parole du gouvernement d'alors Benjamin Griveaux promet de "changer de méthode" présidentielle et gouvernementale.

Mais Emmanuel Macron peut-il vraiment évoluer? Élu sur la promesse de changer les pratiques politiques, le futur chef de l'État assurait dès le mois d'octobre 2016 que la France avait besoin d'un président "jupitérien". Un chef de l'État "jupitérien" tiendrait de Jupiter -le dieu romain qui gouverne la terre, le ciel et tous les autres dieux- et "en a le caractère impérieux, dominateur", comme le précise le Larousse. Autant dire une méthode de gouvernement très verticale et centralisée.

Concrètement, le gouvernement joue sur deux volets pour sortir de la crise des gilets jaunes: d'un côté multiplier les chèques avec près de 17 milliards d'euros de baisses d'impôts et de hausse de prestations sociales et de l'autre lancer le Grand débat couplé à des cahiers de doléance dans les mairies et une Convention citoyenne pour le climat.

"Le changement de méthode" promis permet bien à l'Élysée de sortir de l'ornière après des semaines de forte mobilisation.

Plus de six mois plus tard, devant l'organisation internationale du Travail à Genève, le chef de l'État évoque le mouvement des gilets jaunes et se félicite d'avoir "su changer de méthode". Les Français appellent à "plus de sens, plus de proximité et plus d'humanité", assène encore Emmanuel Macron.

Avec le recul, les résultats concrets de "cette nouvelle méthode" permettent cependant de s'interroger.

Sur les 149 mesures proposées par la Convention citoyenne qu'Emmanuel Macron s'était engagé "à reprendre sans filtre soit par le vote du Parlement soit par référendum soit par application réglementaire directe" lors de son lancement, le bilan est nuancé. D'après une synthèse réalisée en octobre 2023 par le ministère de la Transition écologique et depuis au point mort, "100 ont été mises en œuvre totalement ou partiellement". Pour l'essentiel, les mesures en question sont déployées de façon très partielle ou ont été quasiment abandonnées depuis comme le plan vélo.

"46 propositions sont en cours de mise en œuvre" et trois ont été écartées comme la baisse de la vitesse de 110km/h sur l'autoroute, peut-on encore lire sur le site du ministère.

Quant aux cahiers de doléance, ils ont certes fait l'objet d'une restitution par un prestataire privé qui en a fait une synthèse. Mais ils n'ont jamais été rendus publics et leur numérisation n'a toujours pas eu lieu.

• "Un changement de méthode" pour la retraite à points

Second épisode: la retraite à points. Échaudé par les gilets jaunes, le chef de l'État promet de vouloir "construire tous ensemble" cette réforme. Promesse de campagne en 2017, elle vise à calculer la pension de retraite non plus sur les 25 meilleures années de carrière mais sur un ensemble de points accumulés pendant la vie professionnelle.

"Je veux qu’on incarne le changement de méthode que j’ai souhaité. C’est-à-dire qu’on va la construire tous ensemble cette réforme, personne n’a la bonne solution ", explique-t-il sur France 2 le 26 août 2019.

Le haut-commissaire en charge de ce texte, Jean-Paul Delevoye, a pourtant déjà largement planché sur le sujet, rencontré les partenaires sociaux à de multiples reprises et remis un rapport quelques semaines plus tôt sur ce projet-phare du quinquennat.

Même topo quelques jours plus tôt en marge du Premier conseil des ministres après la pause estivale. "Dans la méthode, il nous faut réussir à inclure davantage les Françaises et les Français", lance ainsi Emmanuel Macron devant son gouvernement et sous l'œil des caméras.

De fait, la rentrée est marquée par la concertation avec l’annonce d’une consultation sur la réforme des retraites. Le président se rend ainsi à Rodez en octobre 2019 pour "lever les malentendus" de la retraite à points devant 500 participants.

Derrière cette démarche qui arrive après celle du Grand débat et du lancement de la Convention citoyenne pour le climat, Emmanuel Macron chercher à relancer "les grandes marches" organisées par son parti pendant la présidentielle de 2017.

Pourtant, face à la réticence d'une partie des syndicats et face aux manifestations contre la retraite à points, le chef de l'État change son fusil d'épaule. Le projet de loi avance au pas de charge sous l'égide d'Édouard Philippe alors Premier ministre. Le chef du gouvernement finit par dégainer le 49.3, cette cartouche institutionnelle qui permet de faire adopter un texte sans vote des députés. Le tout dans une ambiance politique électrique et une forte dégradation des relations entre l'Élysée et la CFDT.

En mars 2020, l'épidémie de Covid-2019 déferle sur la France et toutes les réformes sont suspendues.

• "Une méthode refondée" pour le second quinquennat de Macron

Plus de deux ans plus tard, largement réélu en 2022 face à Marine Le Pen, notamment grâce aux voix de la gauche, le président promet "une méthode refondée" lors de son discours de victoire au Champ-de-Mars.

"Nul se sera laissé au bord du chemin", juge encore Emmanuel Macron qui promet "une ère nouvelle" qui "ne sera pas la continuité du quinquennat qui s’achève". Au menu:" bienveillance et respect" dans un pays "pétri de tant de doutes et de tant de divisions".

Quelques semaines plus tard, après des législatives qui débouchent sur une majorité relative pour Emmanuel Macron, le chef de l'État ne change pas sa façon de faire. Il nomme à Matignon Élisabeth Borne, ministre depuis 2017. Avec pour principal objectif: faire passer la réforme des retraites qui décale l'âge de départ de 62 à 64 ans.

Après des mois de forte mobilisation dans la rue et en dépit d'un front syndical vent debout, la Première ministre dégaine à son tour le 49.3 et fait adopter sans vote la retraite à 64 ans.

Marie-Pierre Bourgeois