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Parti socialiste

Sébastien Lecornu peut-il vraiment échapper à la censure des socialistes?

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Les députés PS vont devoir sortir du bois et trancher dans les prochains jours pour savoir s'ils sauvent ou non Sébastien Lecornu. Charge au Premier ministre ce mardi lors de sa déclaration de politique générale de leur accorder des concessions d'ampleur. Sans vraie victoire, les socialistes n'hésiteront pas.

Un nouveau Premier ministre remissionné, un gouvernement à l'attelage baroque, une déclaration de politique générale mardi et voilà à nouveau tous les regards tournés vers les socialistes. Ce sont les troupes d'Olivier Faure qui détiennent l'avenir de Sébastien Lecornu et ses 69 députés.

À Matignon, on a sorti la calculette. Si le RN, LFI, les communistes et les écologistes votent une motion de censure, comme cela est prévu dans les prochains jours, il suffit de 25 élus du parti qui se joignent à eux pour que le chef du gouvernement fasse ses cartons.

Mettre de l'huile dans les rouages

Il faut donc à tout prix que Sébastien Lecornu parvienne à arrimer au moins deux tiers des socialistes pour sauver sa peau. Il n'a eu de cesse de s'y atteler. Premier étage de la fusée des derniers jours: trouver un ministre des Relations avec le Parlement capable de parler la langue du PS.

Pendant à peine 14 heures, c'était le député macroniste Mathieu Lefèvre, très proche de Gérald Darmanin, qui avait récupéré le job. Bref, pas vraiment le profil socialiste-compatible. La vraie-fausse démission de Sébastien Lecornu a permis de corriger le tir.

Méconnu du grand public, c'est Laurent Panifous qui a été nommé dimanche soir en charge du Parlement. Issu des rangs socialistes, celui qui était jusqu'ici président des députés Liot est un très proche de Carole Delga, la patronne de la région Occitanie. Charge à lui donc de décrocher son téléphone et de convaincre une partie des députés peu fans d'Olivier Faure qu'ils jugent trop à gauche.

On trouve dans cette équipe Martine Froger, Joël Aviragnet ou encore Sophie Pantel. D'autres élus pourraient accepter de ne pas faire tomber le Premier ministre à l'instar des anciens macronistes Aurélien Rousseau et Sacha Houlié. Charge à Laurent Panifous d'essayer de trouver d'autres noms qui veulent éviter une nouvelle dissolution.

Cap sur la suspension de la réforme des retraites

Deuxième étage de la fusée pour faire tenir Sébastien Lecornu: accorder des concessions à la gauche. Depuis le mois de septembre, le Premier ministre n'a rien lâché d'autre que la suspension du 49.3 lors des débats budgétaires. Très symbolique, cette cartouche institutionnelle permet de faire adopter un texte sans vote.

Son abandon garantit que les échanges sur le projet de loi de finances de l'État et de la sécurité sociale iront jusqu'au bout. Le Premier ministre a beau avoir accédé à cette demande, le compte n'y est pas pour le PS.

Comme ils le font depuis des semaines, ils continuent de réclamer la suspension de la réforme des retraites, des mesures en faveur du pouvoir d'achat et la taxe sur les patrimoines de plus de 100 millions d'euros incarnée par l'économiste Gabriel Zucman.

Reste à quel point "la carte blanche" accordée par Emmanuel Macron lui permettra vraiment de lâcher du lest. Pour l'instant, le doute est permis particulièrement sur les retraites. Lors des consultations avec les forces politiques vendredi, le président a refusé de suspendre la réforme mais a plutôt proposé de reporter sa montée en charge.

Concrètement, au lieu que l'âge de départ à la retraite augmente de 3 mois tous les ans jusqu'à atteindre 64 ans en 2030, Emmanuel Macron propose qu'il reste à 62 ans et 9 mois jusqu'à la présidentielle de 2027. Après l'élection, la réforme pourrait reprendre progressivement son rythme de croisière.

Bref, on est loin de la suspension demandée par les socialistes qui veulent que l'âge de départ repasse à 62 ans. Quant à geler la hausse de la durée de cotisation requise, autre demande des socialistes, c'est non pour Emmanuel Macron.

Pouvoir d'achat et taxe Zucman

La taxe Zucman, elle, a déjà été écartée à plusieurs reprises par Sébastien Lecornu. Pour faire un geste, le Premier ministre pourrait maintenir la contribution sur les très hauts revenus, pensée initialement par Michel Barnier à l'automne dernier pour être exceptionnelle. Mais son maintien n'aurait rien d'un trophée pour le PS. François Bayrou avait déjà pensé la proroger pour le budget 2027.

Autre piste pour incarner les mesures de pouvoir d'achat réclamées par la gauche: mettre fin à l'impôt sur le revenu pour les couples "légèrement" au-dessus du SMIC comme l'a déjà proposé le Premier ministre.

La mesure n'a cependant pas vraiment de quoi améliorer l'ordinaire pour les travailleurs les plus pauvres: les personnes qui touchent 21.621 euros brut ne sont déjà pas imposables.

La baisse de la CSG (contribution sociale généralisée) que paie chaque salarié sur sa fiche de paie pourrait également être une option. La mesure permettrait de faire augmenter le montant du salaire net. Reste encore à compenser ce prélèvement qui finance en grande partie la sécurité sociale et le chômage.

Là encore, le bât blesse: les socialistes jugent que les plus hauts revenus pourraient compenser. Le nouveau rapporteur du budget Philippe Juvin (LR) dit non et appelle plutôt à mettre fin à l'AME (aide médicale d'État).

Mise en scène

Dernière étage de la fusée: en cas de nette concession de la part du gouvernement, il faudra que Sébastien Lecornu le mette clairement en scène avec l'espoir de pousser les socialistes dans leurs retranchements.

Le Premier ministre avait ainsi pensé début octobre qu'en lâchant le 49.3, le PS serait bienveillant à son égard. Ce ne fut jamais le cas. Il lui faudra donc faire en sorte cette fois-ci que les mesures annoncées "fassent mal" à la macronie pour reprendre des mots du député Laurent Baumel. Emmanuel Macron y sera-t-il prêt?

Rien n'est moins sûr. En déplacement en Égypte à l'occasion de la libération des otages du Hamas détenus depuis le 7 octobre 2022, le chef de l'État a joué les maîtres d'école en appelant "tout le monde à se ressaisir". Jusqu'ici, le président avait été très discret lors des derniers soubressauts de la crise politique. L'heure n'est toujours pas à la remise en cause.

Marie-Pierre Bourgeois