"L'élection présidentielle n'est pas pliée": Raphaël Glucksmann bientôt prêt à entrer dans la danse pour 2027?

Raphaël Glucksmann à Paris le 24 août 2025 - CARINE SCHMITT / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
De beaux platanes, quelques fortifications, la Garonne qui s'écoule et un chiffre qui donne le sourire. Pour sa rentrée politique ce samedi dans le village de La Réole, à quelques dizaines de kilomètres de Bordeaux, Raphaël Glucksmann devrait être d'excellente humeur.
Un sondage Ifop pour L'Opinion publié en début de semaine donne le patron de Place publique (PP) entre 14 et 16% des intentions à la présidentielle de 2027, lui permettant de se qualifier au second tour face à Marine Le Pen ou Jordan Bardella.
"Le match est ouvert pour la gauche"
Le chiffre est certes modeste et la méthodologie de cette étude contestée par une partie de la gauche, elle a tout d'une bonne nouvelle pour le quadragénaire. En dépit d'une très grande discrétion pendant la dissolution et d'une situation politique très instable, l'eurodéputé récolte un score proche de celui des élections européennes (13,8%) où il avait talonné le camp macroniste.
"Ça donne forcément de l'espoir en montrant que l'élection présidentielle n'est pas pliée et que le match est ouvert pour la gauche", se félicite la députée européenne PP-parti socialiste Aurore Lalucq auprès de BFMTV.
"Ce sondage montre que Raphaël Glucksmann n'est pas qu'une bulle ou un élu qui ne représenterait que les Parisiens", salue de son côté le député Sacha Houlié, ancien cofondateur des Jeunes avec Macron et désormais rallié.
Une hirondelle ou quelques sondages sont pourtant loin de faire le printemps voire même une arrivée à l'Elysée. Premier obstacle sur la route: la présence d'autres candidats de gauche sur la ligne de départ qui peuvent très largement faire baisser son score.
Partir seul
Pour l'instant, Jean-Luc Mélenchon compte par exemple bien participer à la présidentielle et refuse fermement toute primaire. Quant aux autres forces de gauche, elles appellent de façon plus ou moins évidente à une désignation interne qui permettrait de trancher entre les écologistes, les socialistes et les communistes.
Le but: s'assurer que les électeurs de gauche ne se divisent pas au premier tour et donnent de la force à un candidat unique pour lui permettre de passer la première marche.
"Si Fabien Roussel fait 3%, Marine Tondelier 5% et Jean-Luc Mélenchon 10% ,on n'a aucune chance collectivement que la gauche soit au second tour, Raphaël Glucksmann ou pas", reconnaît un député NFP.
Pour l'instant, le président de PP refuse pourtant de passer par la case primaire, "un truc d'appareils qui produit une synthèse molle" comme il l'a expliqué dans les colonnes du Monde.
"On sent bien qu'il veut s'imposer par les sondages et éviter de trop descendre dans l'arène avec l'espoir qu'à la fin, des candidats de gauche se retirent à son profit, à commencer par le PS", décrypte Alain Bergounioux, historien de la gauche.
Des socialistes pas pressés de lui faire la courte échelle
Le calcul relève pour l'instant de la chimère. Depuis 1958, les socialistes ont toujours eu un représentant dans la course à l'Elysée, quitte à foncer dans le mur comme en 2022 et les 1,75% d'Anne Hidalgo. Le précédent des européennes pourrait cependant donner un peu d'espoir à Raphaël Glucksmann. À deux reprises, les socialistes ont accepté de lui offrir la place de numéro un sur leur liste. Le contexte n'avait cependant rien à voir.
En 2019, le parti à la rose était toujours laminé par l'échec de Benoît Hamon à la présidentielle de 2017 et ne comptait que plus 30 députés. Bref, personne ne se battait pour être tête de liste. En 2024, Olivier Faure était à nouveau parvenu à l'imposer, d'autant plus que les enjeux semblaient relativement mineurs sur fond de sondage ne donnant guère plus de 8% dans les sondages au PS.
Mais l'exercice de la présidentielle, lui, est bien différent. Considérée comme l'élection reine pour les partis, elle permet à chaque représentant de parti de sillonner la France, de saturer les ondes et les écrans de télévision et de prendre de l'élan pour les législatives, même en cas de défaite dès le premier tour.
"Je ne vois pas vraiment Olivier Faure se retirer de la course à la présidentielle et se passer d'une telle caisse de résonance et de notoriété", observe l'ex-ministre Joël Giraud, longtemps collègue de banc du patron des socialistes à l'Assemblée.
"Dire merci" à Olivier Faure
Sans compter que dans le camp du parti à la rose, personne ne se prive de pointer les lacunes d'une éventuelle candidature de Raphaël Glucksmann. "Si nous avons aujourd’hui 14 députés européens, il faut dire merci au PS qui lui a donné sa force militante", observe une élue proche de la direction.
Avec un parti qui reste encore très modeste avec seulement deux députés, deux sénateurs et trois eurodéputés, sa force de frappe politique reste limitée. "Qui a retenu la moindre proposition de son programme?", pique ainsi un député socialiste.
Difficile de lui donner tort: abrogation de la retraite à 64 ans, taxation des super profits, proportionnelle, défense de l'Union européenne... Rien n'a vraiment marqué les esprits lors de la présentation de son programme en juin dernier, allègrement nourri par des propositions très consensuelles à gauche.
Et le parti a beau avancer le chiffre de 12.000 militants - invérifiable -, il aura besoin pour lancer une campagne sérieuse d'un état-major politique et de petites mains sur le terrain pour coller des affiches et tracter.
"Nous sommes un parti qui est jeune et qui est déjà passé de la phrase artisanale à la phase professionnelle. Mais on a encore beaucoup de travail", reconnaît la députée européenne PP Aurore Lalucq.
"Se lancer seul, c'est un très très gros pari et c'est franchement assez risqué même si la jurisprudence Emmanuel Macron n'est jamais loin", partage une sénatrice socialiste, plutôt bienveillante.
Le rêve de faire comme Emmanuel Macron
Sans appareil partisan structuré, un temps sans élu et sans guère de militants, l'ex-ministre de l'Économie avait bénéficié d'un alignement des planètes en 2017 qui lui avait permis d'engranger les ralliements tout en s'envolant dans les sondages avant d'être élu président. Raphaël Glucksmann peut-il réitérer l'exploit?
"C'est évidemment leur rêve mais ce genre de chose n'arrive pas non plus à chaque élection", nuance le député macroniste Éric Bothorel, issu des rangs du PS.
De quoi donc pousser PP à mettre la pression sur les socialistes avec deux options sur la table. Première possibilité: en cas de nette avancée dans les sondages pour le député européen, accepter finalement le principe d'une primaire ouverte. Dans le cas d'une victoire de Raphaël Glucksmann dans une compétition interne, le PS n'aurait d'autre choix que de se retirer et de se mettre à son service.
Seconde option: Olivier Faure y va mais faute de décoller dans les sondages et face au risque de l'absence de candidature de gauche au second tour autre que celle de Jean-Luc Mélenchon et l'éventuelle victoire du RN au second tour, il finit par se retirer. De quoi faire à encore son jeu.
Option bonus et "la plus probable" d'après un député PS: "tout ce petit monde part en ordre dispersé et on ne passe pas la marche".