Macron et Le Pen renforcés, Mélenchon incontesté à gauche... Les enseignements du premier tour

Des tracts pour Emmanuel Macron et Marine Le Pen lors de l'élection présidentielle de 2022. - Nicolas TUCAT / AFP
Les urnes ont rendu leur verdict ce dimanche. En tout cas pour le premier tour. Si le duel de 2022 au second tour est le même qu'en 2017, le paysage politique a fortement évolué en cinq ans.
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Le duel s'annonce plus serré entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon apparaît désormais comme le leader incontesté de la gauche, LR comme PS s'enfoncent dans la crise... BFMTV.com vous résume ce qu'il faut retenir de ce premier tour de l'élection présidentielle.
• L'abstention est très élevée, mais ne pas de record
L'abstention au premier tour de la présidentielle devrait s'établir autour de 27%, selon notre dernière estimation Ipsos, en dessous du record de 2002, à 28,4%. "Ce chiffre de de plus d'un quart des inscrits n'est pas une surprise", pointe Bernard Sananès, président de l'institut de sondage Elabe, avec qui travaille BFMTV.
Le spécialiste explique également ce faible taux de participation par plusieurs raisons: à la fois structurelles et conjoncturelles. D'abord, note-t-il, "cela fait plusieurs années qu'on voit monter une défiance à l'égard de la politique dans le pays: 58% des Français disent ne pas leur faire confiance par exemple. Et puis il faut dire que la campagne a mis du temps à démarrer, elle n'a pas intéressé les Français et s'est révélée être particulièrement volatile."
Malgré tout, certains experts s'attendaient à pire et retiennent un rebond notable après les très mauvais taux constatés aux municipales de 2020 et surtout aux régionales et départementales de 2021, où les deux tiers des Français avaient boudé les urnes. "Il n'y a pas d'effondrement de la participation à l'élection présidentielle, ça veut dire que ça reste toujours l'élection reine de la Ve République", souligne le politologue Gérard Grunberg, cité par l'AFP.
• Emmanuel Macron améliore son score de 2017
Le résultat (28,2% selon notre dernière estimation Elabe) du président-candidat ce dimanche soir a de quoi donner le sourire à l'exécutif puisqu'en 2017, le futur locataire de l'Élysée faisait un score plus bas avec 24,01% des voix. C'est la première fois, à l'exception de François Mitterrand en 1988, qu'un président sortant fait un meilleur score que lors de sa première élection.
De quoi valider la stratégie d'Emmanuel Macron qui avait pourtant inquiété jusqu'à ses proches. Après s'être très tardivement déclaré candidat en mars - la veille du jour limite -, le président a été très pris par la guerre en Ukraine et est parfois apparu en service minimum, tardant à faire campagne sur le terrain.
Mais le candidat a finalement bénéficié d'un "effet drapeau" très fort alors que le conflit en Ukraine s'installe dans la durée. Il est également parvenu à rééquilibrer un début de campagne marquée à droite lors de son long meeting à La Défense le samedi 2 avril dernier.
• Marine Le Pen et l'extrême droite terminent plus hauts que jamais
La candidate du Rassemblement national récolte un score plus haut au premier tour (22,9% selon notre estimation) qu'en 2017 (21,30%). Une vraie réussite pour Marine Le Pen qui est parvenue lors de cette campagne à dédiaboliser son image, en adoucissant à la fois sa stratégie de communication et en se présentant comme la candidate du pouvoir d'achat.
Si le programme de Marine Le Pen a peu évolué entre 2017 et 2022, appelant par exemple toujours à la préférence nationale, la députée du Pas-de-Calais a également été relativement discrète sur les fondamentaux du RN comme l'immigration et la sécurité
Plus largement, le camp de l'extrême droite fait le plein de voix et représente désormais plus de 32% des électeurs si l'on additionne le score de Marine Le Pen, celui d'Éric Zemmour (7,3%) et Nicolas Dupont-Aignan (2,1%).
• Jean-Luc Mélenchon devient le leader incontesté de la gauche
Pour sa troisième présidentielle, Jean-Luc Mélenchon sort en position de force du premier tour. Après avoir obtenu 11,1% en 2012 puis 19,58% en 2017, le patron de la France insoumise obtient ce dimanche soir 21,7%, très loin devant tous ses concurrents de gauche.
Le député des Bouches-du-Rhône valide sa stratégie de "tortue sagace" comme il aime se présenter. Parti très tôt dans la course à la présidentielle, Jean-Luc Mélenchon et son équipe se sont consacrés ces dernières semaines à labourer le terrain des quartiers populaires. Le candidat a également misé comme en 2017 sur des meetings qui ont fait l'actualité, entre grand raout immersif et olfactif à Nantes et retour de son homogramme qui avait fait l'actualité en 2017 dans plus de 10 villes de France.
• Éric Zemmour rate son pari
Après un début de campagne en fanfare lors de la tournée promotionnelle de son livre La France n'a pas dit son dernier mot, Éric Zemmour a enchaîné les mauvaises séquences. Doigt d'honneur à Marseille après un déplacement très chahuté, des violences dans son premier meeting de campagne à Villepinte, des partisans qui ont crié "Macron assassin" lors de son rassemblement au Trocadéro... Le candidat n'est jamais parvenu à rebondir depuis le mois de janvier.
Le patron de Reconquête paie également le choix d'une campagne principalement axée sur l'immigration alors que le pouvoir d'achat apparaît en tête des préoccupations des Français.
L'ancien journaliste n'a pas non plus convaincu sur le dossier ukrainien. Après avoir expliqué par le passé avoir "rêvé d'un Poutine à la française", il s'est pris les pieds dans le tapis sur la question des réfugiés. Il a d'abord souhaité que "les réfugiés ukrainiens soient en Pologne". Face au tollé et à l'unanimité de toute la classe politique, il a été contraint de rétropédaler, expliquant "pouvoir donner des visas" à ceux qui ont "des attaches avec la France, de la famille en France".
• Les partis "traditionnels" s'effondrent
La soirée de premier tour a un goût très amer pour Anne Hidalgo (1,8%) et Valérie Pécresse (4,9%). Les deux partis qui se sont partagés le pouvoir jusqu'à l'élection d'Emmanuel Macron en 2017 sont en très grande difficulté. Alors qu'il y a 10 ans, la gauche était à l'Élysée, avec une majorité au Sénat et à l'Assemblée, la maire de Paris n'est pas parvenue à dépasser la barre des 5%, nécessaires pour obtenir le remboursement maximum des frais de campagne.
La faute à une gauche très divisée mais aussi à une candidature parfois jugée brouillonne comme lorsque la candidate a proposé de "doubler le salaire des professeurs", avant de changer d'avis face à un financement jugé peu convaincant. Anne Hidalgo n'est pas non parvenue à faire de la primaire populaire un outil pour rassembler.
Valérie Pécresse de son côté fait les frais d'une candidature qui n'est jamais vraiment parvenue à trouver sa place, coincée entre Emmanuel Macron d'un côté et Eric Zemmour et Marine Le Pen de l'autre. La candidate des LR n'a pas non plus réussi à se relever de son meeting Porte de la Villette en février, raté sur le fond comme sur la forme.
• Yannick Jadot ne parvient pas à recréer la "vague verte"
Le candidat écologiste ne récolte que 4,5% des voix, derrière le meilleur score de l'histoire du parti en 2002 (5,25%) avec Noël Mamère. La déception est d'autant plus forte qu'Europe-Écologie-Les-Verts est parvenue en 2020 à décrocher de très grandes villes comme Lyon, Bordeaux et Strasbourg.
Le député européen fait les frais d'une campagne marquée par les divisions avec Sandrine Rousseau, la candidate défaite de la primaire écologiste. Il n'est pas non plus parvenu à imprimer de propositions marquantes à l'exception de l'interdiction de la chasse le week-end et les jours fériés.
Yannick Jadot paie également fait le choix d'une campagne sans coup d'éclat, entre petites réunions publiques en extérieur et discours plutôt lisse, à l'exception de son coup d'éclat contre Total.