Macron largement en tête des sondages: "l'effet drapeau" dope la campagne du président sortant

Le président Emmanuel Macron lors de son déplacement de campagne à Poissy, dans les Yvelines, le 7 mars 2022 - Ludovic MARIN © 2019 AFP
Elle paraissait déjà bien engagée avant même son lancement officiel, elle va bientôt sembler injouable à ses rivaux à ce rythme. La campagne d'Emmanuel Macron dans l'optique de sa réélection à l'Elysée bondit dans les sondages. Le nouveau sondage Opinion 2022 réalisé par l'institut Elabe pour BFMTV, révélé mardi soir, lui prête 33,5% des intentions de vote en vue du premier tour, à ce stade. Soit une hausse de 8,5 points en une semaine.
"Père de la Nation"
Une verticale de la courbe électorale du président sortant d'autant plus impressionnante qu'elle laisse ses concurrents loin derrière: Marine Le Pen n'engrange que 15% des projections, Jean-Luc Mélenchon - malgré une dynamique positive - 13 points.
De surcroît, les conclusions livrées par l'institut Elabe n'ont rien d'isolé. Selon ce sondage relayé par Franceinfo, Emmanuel Macron gagnait déjà quatre points en une semaine vendredi dernier.
"Les sondeurs appellent ça 'l'effet drapeau': sa position de 'père de la Nation', de chef de guerre, de président en exercice surtout", explique l'éditorialiste politique de BFMTV, Matthieu Croissandeau.
Certificat de présidentialité
"Effet drapeau": l'expression est lâchée. Elle serait le facteur X conféré au chef de l'Etat par les circonstances - en l'occurrence, l'invasion de l'Ukraine par la Russie -, l'arme fatale permettant au sortant d'assommer la concurrence. Dès vendredi soir, le politologue Benjamin Morel analysait cette martingale auprès de France 3: "Discuter avec Joe Biden, Vladimir Poutine, ça campe l'ethos de la fonction et vous ne partez pas à armes égales avec vos concurrents."
Un certificat de "présidentialité" qui permet à Emmanuel Macron de se tirer de difficultés anciennes.
"Le candidat n'a pas nui au président. Il n'a pas réactivé les clivages autour de la personnalité ou du programme du président de la République qu'on connaît depuis cinq ans dans l'opinion", fait valoir sur BFMTV Bernard Sananès, président de l'institut Elabe.
S'il "inquiète" toujours 66% des membres du panel d'Elabe, sa cote s'améliore ailleurs en effet. Dans le détail, ainsi, 69% des Français sondés estiment Emmanuel Macron "dynamique" (en progression de 6 points), 61% le disent "courageux" (+9), 55% "compétent" (+8).
Sur le dossier ukrainien, l'expérience comme atout
Mais Bernard Sananès préfère mettre en avant un autre pourcentage afin de donner du corps à cet "effet drapeau": les 90% de Français évoquant leur angoisse devant la guerre en Ukraine et ses conséquences internationales éventuelles.
"Cet 'effet drapeau' se manifeste notamment parce qu'il y a cette inquiétude. Et dans un moment d'inquiétude, on se raccroche à l'expérience, et l'expérience - c'est d'ailleurs paradoxal quand on se souvient de 2017 - c'est le premier atout d'Emmanuel Macron."
"Le deuxième atout, c'est qu'il est pour l'instant jugé 'à la hauteur' par une majorité de Français - 60% d'entre eux (62% exactement, NDLR). Ce chiffre est même dépassé chez les électeurs de Valérie Pécresse ou ceux de Yannick Jadot", poursuit le sondeur. "Il mord sur tous les électorats", souligne Matthieu Croissandeau.
Du "jamais vu"
On pourrait croire que cet "effet drapeau" va de soi. Après tout, Jacques Chirac s'était déjà refait une quasi-virginité politique dans l'opinion, à l'issue d'une quarantaine d'années de carrière et au cours de son second mandat présidentiel, en mobilisant en 2003 le patriotisme des Français contre la volonté américaine d'entrer en guerre contre l'Irak. Et certes, comme l'observe Frédéric Dabi, directeur général du département Opinion de l'Ifop, la guerre du Golfe avait grandement restauré l'image du président Mitterrand.
"L'époque n'était pas à une campagne présidentielle. (...) L'agenda politique est cette fois complètement inédit", souligne toutefois Frédéric Dabi. Cet effet-drapeau est "du jamais vu pour un président sortant".
Margaret Thatcher portée par "l'esprit des Falklands"
Le phénomène n'est pas inédit pour tout le monde toutefois. La seconde Intifada déclarée par les Palestiniens aux Israéliens au début des années 2000 - et l'échappée qu'elle a provoquée d'une partie des électeurs du centre gauche sur leur droite - a accompagné la réélection d'Ariel Sharon en 2003 à la tête du gouvernement hébreu. Son statut d'ancien général ne gâchait rien ici.
L'effet a surtout joué à plein au Royaume-Uni à l'orée des années 1980. Il avait alors fallu trois semaines à Margaret Thatcher pour que l'armée britannique reprenne les Malouines aux Argentins au printemps 1982. Evènement qui lui valut son surnom de "Dame de fer" et une popularité retrouvée: prélude à sa réélection quelques mois plus tard. La principale intéressée ne s'y est d'ailleurs pas trompée en son temps. Dans les années suivantes, comme l'explique Guardian, la Première ministre a régulièrement invoqué 'l'esprit des Falklands' (le nom britannique de l'archipel) à sa rescousse.
Moins impliqué, par la force des choses, dans le conflit en cours dans la mesure où la France n'est pas belligérante, Emmanuel Macron n'aura, lui, pas l'occasion de se saisir d'un hypothétique "esprit ukrainien". Une Ukraine où le drapeau bleu et jaune local flotte toujours sur les villes de Kiev, ou encore Kharkiv, défiant l'avancée et les bombardements russes.
