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Présidentielle: pourquoi Éric Zemmour dégringole dans les sondages à 3 semaines du premier tour

Eric Zemmour en meeting à Metz le 18 mars 2022

Eric Zemmour en meeting à Metz le 18 mars 2022 - Jean-Christophe VERHAEGEN / AFP

Le candidat de Reconquête cale dans les sondages, coincé entre la guerre en Ukraine et le pouvoir d'achat. L'ancien journaliste fait également les frais d'un effet de nouveauté qui s'essouffle.

Comme une sorte d'appel au secours. Alors que les mauvais sondages s'accumulent pour Éric Zemmour et qu'il vient de passer sous la barre symbolique des 10% dans le baromètre OpinionWay, le candidat de Reconquête a lancé un appel à ses partisans à Metz vendredi soir, les appelant à se battre "envers et contre tout" pour ne pas "se faire voler l'élection".

Il faut dire qu'il y a urgence pour la campagne de l'ancien journaliste. Si les études d'opinion patinent, le trou d'air se ressent aussi sur le terrain. En Moselle, il n'est pas parvenu à remplir la salle qui l'accueillait et qui comptait 4.000 places.

Changement de pied sur les réfugiés ukrainiens

En guise d'explication de cette très mauvaise passe, on trouve d'abord la guerre en Ukraine. Alors que 79% des Français se disent favorables à l'accueil de réfugiés ukrainiens d'après un sondage IFOP, tout comme la quasi-intégralité des candidats à la présidentielle, l'ex-éditorialiste a d'abord tenu un tout autre discours.

"Je préfère que (les réfugiés ukrainiens) soient en Pologne. Ils pourront plus facilement rentrer chez eux quand la guerre sera finie", expliquait Éric Zemmour sur RTL le 28 février dernier.

Face au tollé et à une partie de son camp qui ne partageait pas sa position, le candidat a rétropédalé.

"S'ils ont des attaches avec la France, de la famille en France, nous leur donnerons des visas. Ce que je ne veux pas, c'est qu'il y ait un tsunami fondé sur l'émotion", expliquait finalement le 8 mars le patron de Reconquête sur BFMTV.

Ne pas avoir senti l'opinion

Cette mauvaise séquence se paie aujourd'hui dans les sondages. "Il n'a pas su sentir la sidération française face à ce qui se passait en Ukraine et il a continué d'appliquer sa logique de radicalité à un sujet qui méritait beaucoup de nuance", juge auprès de BFMTV.com Stewart Chau, spécialiste de la sociologie électorale et consultant à ViaVoice.

L'ancien éditorialiste fait aussi les frais de ses propos laudateurs sur le président russe.

"Je dirais qu’il prend un pays qui était un empire, qui aurait pu être une grande puissance, il essaye de le redresser. Je rêverais d’un Poutine français, mais il n’y en a pas", déclarait l'ancien polémiste à L'Opinion le 18 septembre 2018.

Quatre ans plus tard, Éric Zemmour disait son scepticisme sur un possible envahissement de l'Ukraine par la Russie. "Je vous avoue que je n'y crois pas, mais je peux me tromper", jugeait-il le 20 février dernier sur Europe 1.

Des propos sur Poutine peu appréciés de son propre électorat

Cette erreur d'analyse a une portée particulièrement forte pour l'ancien journaliste.

"Ses potentiels électeurs qui ont souvent voté pour François Fillon en 2017 et qui sont principalement issus des catégories supérieures sont très sensibles aux questions internationales. Ce genre de propos leur a fortement déplu", analyse Bruno Cautrès, chercheur en science politique au Cevipof, pour BFMTV.com.

Le candidat peine également à trouver sa place dans une campagne désormais très tournée vers le pouvoir d'achat, en pleine hausse du prix des carburants et des matières premières, très loin de ses sujets de prédilection que sont l'immigration et la sécurité.

Mal à l'aise sur le pouvoir d'achat

Interrogé sur son programme économique devant le MEDEF le 22 février dernier, le sexagénaire assumait cependant ne pas vouloir dévier de sa ligne politique.

"Le problème de la France est l'immigration. J'estime qu'il faut arrêter toute immigration", avançait-il alors, très loin de sa concurrente principale Marine Le Pen, qui a concentré sa campagne sur le pouvoir d'achat dès le mois de septembre.

Très présent dans l'espace médiatique pendant l'automne et au début de l'hiver, le candidat paie aussi sa gestion du temps de parole. Son équipe de campagne a beau avoir misé beaucoup sur le soutien de Marion Maréchal officialisé lors d'un meeting à Toulon le 7 mars dernier, ce raout n'a par exemple pas pu être été diffusé à la télévision. Éric Zemmour avait en effet déjà dépassé le temps de parole qui lui était alloué par les règles de l'Arcom (ex-CSA).

L'historien François Durpaire pointe aussi un effet médiatique qui s'érode.

"Quand il est sorti du bois en septembre dernier, il y a eu une nouveauté très forte autour de ce candidat qui n'avait jamais fait de politique. Et puis, cette candidature spectaculaire s'est essoufflée parce qu'après plusieurs mois, elle n'a plus rien de nouveau", nous explique le co-auteur de la bande-dessinée ElyZée, qui imagine l'élection et les premiers mois au pouvoir de l'ancien éditorialiste.

Mettre ses pas dans ceux de François Fillon

L'ex-journaliste veut encore se battre à moins de trois semaines du premier tour. Pour remonter la pente, le candidat mise sur son meeting dimanche 27 mars au Trocadéro, à Paris. Le lieu n'a évidemment pas été choisi par hasard. C'est là que François Fillon avait tenté une démonstration de force, en pleine tempête politique il y a 5 ans.

Le symbole peut cependant étonner. L'ancien Premier ministre n'est arrivé que troisième au premier tour en 2017 et Nicolas Sarkozy, qui y avait lui aussi tenu un meeting lors de l'entre-deux tours en 2012, a perdu face à François Hollande.

Peu importe, juge l'historien Jean-Yves Camus, pour qui le candidat est déjà dans l'après-présidentielle.

"Cela montre qu'il s'accroche et qu'il veut toujours viser l'électorat de droite qui est tenté par Valérie Pécresse. Son but est d'être devant elle au premier tour pour être en position de force lors des législatives et recomposer autour de Reconquête", avance ce spécialiste de l'extrême droite.

Loin, donc, d'un éventuel second tour.

Marie-Pierre Bourgeois