Sondages, temps de parole... Ce que va changer l'entrée en campagne d'Emmanuel Macron

Après des semaines de vrai-faux suspense, le président descend enfin dans l'arène présidentielle en officialisant ce jeudi soir sa candidature dans une Lettre aux Français publiée dans la presse quotidienne régionale. BFMTV.com vous explique ce que cette entrée en campagne va changer ou non dans les prochains jours.
• Pour ses adversaires, des attaques plus directes
Alors que la campagne présidentielle peine à démarrer, les candidats espèrent bien que l'entrée dans l'arène d'Emmanuel Macron change la donne, leur permettant de davantage cibler leurs attaques. Le président de la République va être obligé de détailler ses priorités pour un second mandat - il évoque par exemple dans sa lettre la nécessité de "travailler plus" et de "poursuivre la baisse des impôts" -, ce qui va l'exposer à des critiques plus directes sur son programme.
Il est cependant difficile de juger de l'impact réel de l'officialisation de sa candidature alors que personne ne doutait que le président serait candidat à sa réélection et que les critiques sur son quinquennat se sont multipliées. D'autant plus que la guerre en Ukraine gèle pour l'heure la campagne.
"S’il n’y a pas de débat, s’il n’y a pas de bilan, de projet, imaginons que le président de la République réélu, alors ce sera dans une forme d’omission de débat démocratique, avec un risque de légitimité au cours du mandat", s'inquiétait d'ailleurs Gérard Larcher, le président LR du Sénat sur Europe 1 mardi dernier.
Si aucun débat entre tous les candidats n'est programmé à ce jour, Emmanuel Macron a promis, dans son allocution sur la guerre en Ukraine ce mercredi, que la "campagne permettra un débat démocratique important pour la nation". Même si, le président de la République l'écrit dans sa lettre aux Français, "bien sûr, je ne pourrai pas mener campagne comme je l’aurais souhaité en raison du contexte".
• Pour Emmanuel Macron, une possible chute dans les sondages
L'officialisation de la candidature d'Emmanuel Macron pourrait rimer avec la perte de quelques points dans les sondages. Alors qu'il fait la course en tête dans les études d'opinion, plusieurs lieutenants du candidat s'attendent à un éventuel trou d'air.
"On va probablement perdre 2 ou 3 points dans les jours après sa déclaration", confiait à BFMTV.com une cadre de La République en marche la semaine dernière.
Cet effet mécanique, qu'avait déjà connu François Mitterrand ou Nicolas Sarkozy dans leur seconde campagne présidentielle, n'inquiète cependant pas outre-mesure son entourage. "On s'y attend et peut-être que ça peut mobiliser des électeurs qui veulent voter pour Valérie Pécresse", nous expliquait un député de la majorité début février.
Emmanuel Macron récolte pour l'instant 24% des intentions de vote dans le dernier sondage Elabe pour BFMTV et L'Express.
Plusieurs membres du gouvernement sont pressentis pour rejoindre l'équipe de campagne d'Emmanuel Macron. Si Gabriel Attal pourrait en être le porte-parole, Julien Denormandie, le ministre de l'Agriculture devrait la diriger.
Un remaniement a minima est donc possible. Marc Fesneau, aujourd'hui ministre délégué des relations avec le Parlement, serait pressenti pour le remplacer. La session parlementaire s'est achevée fin mars, dégageant l'agenda de ce bon connaisseur des questions agricoles.
L’annonce formelle de la candidature d’Emmanuel Macron n'aura pas d'impact direct sur ses comptes de campagne. Et pour cause, les règles de financement de la vie politique font remonter la tenue des dépenses et des recettes liés à la présidentielle au 1er janvier 2021.
"À partir du moment où quelqu’un fait campagne, même s’il ne se dit pas qu’il est candidat, on peut être amené à comptabiliser des manifestations à caractères électorales", a d'ailleurs expliqué Jean-Philippe Vachia, le président de la Commission nationale des comptes de campagne à Ouest France.
Une règle est cependant commune à celle du temps de parole: les déplacements d'Emmanuel Macron dans le compte de sa fonction présidentielle ne seront pas décomptés. Cette situation ouvre cependant la porte à des attaques de l'opposition. Quid par exemple d'un déplacement à Bruxelles dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne, suivi d'un échange avec des ressortissants français?
"Nous porterons une appréciation sur le moment venu", explique d'ailleurs Jean-Philippe Vachia, au moment où la Comission devra étudier les comptes de campagne après le deuxième tour.
Depuis le 1er janvier, l'Arcom - qui succède au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) - décompte les candidats déclarés ou présumés. Emmanuel Macron en faisait déjà partie. Mais, même officiellement en lice, sa parole est encadrée par des règles particulières compte tenu de son statut de président.
Ainsi, "les interventions qui relèvent de l’exercice de sa charge ne sont pas prises en compte", explique le CSA. "Il en va de même des interventions qui relèvent de l’exercice de la présidence du Conseil de l’Union européenne", ajoute l’autorité de régulation.
Très concrètement, cela signifie que si le chef de l'État s'exprime sur la situation en Ukraine comme ce fut le cas mercredi soir lors d'une allocution, son temps de parole ne sera pas décompté. S'il défend son bilan et attaque la proposition d'un candidat, le CSA prendra en compte ces minutes de parole.
Les propos liés spécifiquement à la campagne vont cependant se faire de plus en plus nombreux, augmentant donc le temps de parole décompté.Plusieurs candidats avaient regretté en décembre dernier la longue interview d'Emmanuel Macron sur TF1 suivie d'une conférence de presse sur la présidence tournante française de l'Union européenne.
"On ne peut pas avoir un président candidat qui se fait ouvrir les chaînes de télévision à la demande et pendant des heures fait sa campagne, alors que ses adversaires doivent se contenter de cinq minutes de duplex pour lui répondre", avait affirmé Valérie Pécresse sur BFMTV, avant d'annoncer saisir le CSA.