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"C'est tout sauf gagné": après sa large victoire, Bruno Retailleau met le cap avec prudence vers 2027

Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau le 11 mai 2025 à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) lors d'un meeting

Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau le 11 mai 2025 à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) lors d'un meeting - Thomas SAMSON / AFP

Élu président des Républicains dans un fauteuil ce dimanche, le ministre de l'Intérieur semble avoir un boulevard devant lui pour la présidentielle. Mais Bruno Retailleau est attendu au tournant par une partie de son propre camp tout comme par Édouard Philippe.

Une victoire nette et sans bavure qui donne des espoirs à la droite pour 2027. Très largement élu à la tête des Républicains ce 18 mai avec 74% des voix, Bruno Retailleau peut désormais se projeter vers un destin élyséen, sur le papier du moins.

"Personne ne le dira à haute voix mais un tel score le place forcément au centre du jeu pour la suite, d'autant plus dans un contexte où tout le monde s'y voit et où les victoires sur un nom sont devenues très rares", analyse un sénateur LR.

"Une cible dans le dos"

Désormais à la tête d'un parti qui compte une dizaine de ministres et près de 170 parlementaires, Bruno Retailleau peut se targuer de mettre ses pas dans ceux de Nicolas Sarkozy qui s'était servi de la place Beauvau et de son parti pour arriver à l'Élysée deux ans plus tard.

Mais dans un jeu politique qui semble plus ouvert que jamais à droite et en macronie entre la candidature d'Édouard Philippe et les envies de Gabriel Attal, pas question de rentrer trop vite dans l'arène.

"Plus tôt vous entrez dans la course, plus longtemps vous avez une cible dans le dos", résume, abrupt, un député LR.

Pas de course de petits chevaux pour l'instant

"Chaque chose en son temps", a ainsi lancé avec grande prudence le nouveau numéro 1 de la droite ce dimanche soir sur le plateau de TF1. Avant d'expliquer quelques heures plus tard sur CNews-Europe 1 souhaiter "être l'artisan de la victoire" en 2027, sans faire officiellement acte de candidature.

Une entrée en campagne aurait le tort d'ouvrir le bal des prétendants en interne, à commencer par le président des Hauts-de-France Xavier Bertrand. "Notre grande erreur, ce serait que l'on retourne à la guerre des écuries et des candidats maintenant", reconnaît le sénateur LR Max Brisson.

"Notre travail maintenant, ce n'est pas de dire qui est candidat mais de trouver de nouvelles idées qui viendront ensuite nourrir un programme présidentiel", temporise également la députée Marie-Christine Dalloz.

"Il va falloir sacrément bosser"

Au menu donc des prochaines semaines: de premières nominations aux postes importants du mouvement et un conseil stratégique pour plancher sur les municipales dès mardi.

"Je traduis: on va parler de tout à l'exception de la présidentielle. C'est tout sauf gagné pourtant et on part de très loin", observe un conseiller ministériel, qui juge qu'avec "zéro idée en 10 ans, il va falloir sacrément bosser pour 2027".

Cette ardeur à la tâche sera-t-elle vraiment suffisante pour calmer les ambitions en interne? Le maire de Cannes David Lisnard, qui s'est pourtant affiché aux côtés de Bruno Retailleau dans la campagne, a plaidé dès ce lundi pour l'organisation d'une primaire ouverte pour désigner le candidat en 2027 qui irait jusqu'à Reconquête.

Le nouveau patron de la droite a pourtant milité, lui, ces derniers mois pour une consultation réservée aux seuls militants LR.

Le danger Philippe

"Personne n'est dupe des chapelles des uns et des autres", avance la députée Marie-Christine Dalloz.

"On sera content dimanche soir et dès lundi, ce sera le début des emmerdes", décryptait un proche de Bruno Retailleau quelques jours avant sa victoire.

Mais pour l'instant, c'est moins l'atmosphère en interne qui semble préoccuper le locataire de la place Beauvau que la candidature d'Édouard Philippe en 2027, déjà lancé dans la course depuis des mois.

"Je n'ai pas fait tout ça pour qu'ensuite j'abdique et qu'on se range sous telle ou telle couleur", n'a pas hésité à le mettre en garde Bruno Retailleau ce lundi. Durant la fin de la campagne des LR, Laurent Wauquiez avait d'ailleurs eu beau jeu d'expliquer que le ministre de l'Intérieur n'hésiterait pas à se retirer au profit du maire du Havre quelques mois avant la présidentielle, sondages à l'appui de sa démonstration.

Loin de plier le match

Pour l'instant, seul l'ex-Premier ministre d'Emmanuel Macron parmi les candidatures de droite et de la macronie parvient à se qualifier au second tour avec un score autour de 15%. Bruno Retailleau, lui, se situe entre 7,5 et 10% des voix.

Si ces scores sont à prendre avec précaution presque deux ans avec l'élection, ils donnent du grain à moudre à ceux qui plaident pour une candidature commune des LR et d'Horizons.

"On verra où on en sera en septembre 2026. Si on est très très loin derrière, tout cela se discutera", observe un élu de droite.

Édouard Philippe reste, lui, bien décidé à maintenir coûte que coûte ce scénario en allant chercher sur les terres de Bruno Retailleau. Lors d'un discours à Marseille, en plein vote des militants LR ce samedi, Édouard Philippe a joué la carte du régalien, accusant la justice d'être "hypocrite".

Objectif 25%

"Est-ce que Bruno Retailleau reste solide, arrive à aller grignoter des points à Édouard Philippe ou non s'il commence à aller sur nos thématiques? Tout bouge tellement vite. La vérité d'aujourd'hui n'est probablement pas celle de demain", analyse un député macroniste issu de la droite.

"Nous, notre but, c'est de monter entre 20 et 25% dans les prochains mois", assume de son côté le sénateur LR Max Brisson.

Un tel bond qui multiplierait quasiment par 2 son score dans les sondages de premier tour n'est probablement possible qu'en cas de nette réussite place Beauvau. Pour l'instant, Bruno Retailleau ne dispose que d'un pouvoir d'action limité, cornaqué par une Assemblée nationale très divisée et un Premier ministre qui n'est pas de sa couleur politique.

"Sa victoire lui donne un point supplémentaire et de nouvelles marges de manœuvre", veut croire l'ex-député LR Pierre-Henri Dumont alors que pour l'instant les résultats concrets se font encore attendre.

"Le jour où il estime qu'il a plus à perdre qu'à gagner à rester au gouvernement, il s'en ira, il n'y a aucun doute", juge un sénateur LR.

Avec un risque: que son départ du gouvernement et son retour au Sénat le fassent redescendre au rang de simple présidentiable parmi beaucoup d'autres. "On verra ce qu'il a dans le ventre à ce moment-là", lâche déjà un proche de Laurent Wauquiez.

Marie-Pierre Bourgeois