"Presque une rock star": Retailleau a-t-il déjà plié le match contre Wauquiez pour devenir le patron des LR?

Laurent Wauquiez, à gauche, et Bruno Retailleau, à droite, à Matignon, à Paris, le 19 septembre 2024 - Ludovic MARIN © 2019 AFP
Un match déjà plié? Depuis son entrée en campagne pour devenir le président des Républicains, Bruno Retailleau enchaîne les ralliements des poids lourds et les très bons sondages. Mais Laurent Wauquiez, ex-patron du mouvement, est loin d'avoir dit son dernier mot.
"J'ai fait le décompte des ralliements. À l'applaudimètre, c'est Retailleau qui gagne. C'est presque une rock star. À côté, Wauquiez, personne ne le connaît", souligne pourtant avec gourmandise un sénateur LR auprès de BFMTV.com.
"Être soutenu par Bertrand et Copé, merci bien"
Il faut dire que le locataire de la place Beauvau peut se vanter d'être parvenu à décrocher une jolie liste de soutiens, du président du Sénat Gérard Larcher en passant par le numéro 1 des Hauts-de-France Xavier Bertrand, l'ancien président des LR Jean-François Copé, le maire de Cannes David Lisnard ou encore l'ex-Premier ministre François Fillon...
Carton plein aussi du côté des sénateurs LR dont plus d'une centaine d'entre eux soutiennent leur ancien président de groupe. Le patron des députés de droite, peut, lui, compter sur la plupart de ces élus à l'Assemblée. Mais avec seulement 47 parlementaires au Palais-Bourbon, la balance est déséquilibrée.
Quant aux figures de la droite bien identifiées des militants, on ne compte guère que l'ex-ministre Nicolas Daragon, maire de Valence et Florence Portelli, maire de Taverny à son actif.
"Ce sont les militants qui votent, pas les chapeaux à plume. Et puis être soutenu par Bertrand qui a trahi la droite ou Copé qui adore Macron... Merci bien. Je ne suis pas sûre que ça aide Retailleau", griffe un proche de Laurent Wauquiez.
Le défi de "faire des cartes"
"C'est vrai, mais Bruno Retailleau a une énorme avance. Si les militants votaient demain, il gagnerait largement. Qui que ce soit qui dit le contraire est un gros menteur", reconnaît sans phare une députée qui soutient pourtant le président des députés LR.
Mais plus que la question des soutiens, c'est surtout celle de "faire des cartes" d'adhérents qui suscite toutes les attentions. Concrètement, les deux candidats ont tout intérêt à faire adhérer de nouvelles personnes ou à faire revenir d'ex-militants pour faire le plein de soutiens.
L'enjeu est de taille: leur nombre est entre 40.000 et 50.000, très loin des 139.000 votants lors de la primaire interne pour désigner leur candidat à la présidentielle en 2021.
"Le côté vu à la télé de Retailleau, pas suffisant"
À ce jeu-là, Laurent Wauquiez a une longueur d'avance. Président des LR de 2017 à 2019, il avait à l'époque sillonné les fédérations tout en nommant les patrons de chaque département, soit autant de visages bien identifiés des militants.
"C'est eux qui appellent les adhérents, les ex-adhérents en personne. Ça motive à reprendre sa cotisation et à faire voter Wauquiez, encore plus s'ils l'ont déjà rencontré. Le côté vu à la télé de Retailleau, c'est pas suffisant", décrypte un parlementaire.
Conscient d'avoir du retard en la matière, le ministre de l'Intérieur a mis le paquet et a lancé depuis mi-février une cellule de bénévoles chargée notamment de rappeler tous ceux qui avaient soutenu François Fillon et son micro-parti Force républicaine, qu'il dirige désormais.
"Pour faire des cartes, on est vraiment dans l'optique 'les petites rivières font les grands fleuves'. Donc quand quelqu'un adhère, vous lui dites de faire adhérer son frère et sa tante. On est dans du travail de fourmi", avance une élue LR.
Des déplacements de Retailleau qui rendent perplexes
L'enjeu est de taille: Valérie Pécresse l'avait largement emporté lors des primaires internes en 2021, notamment parce que le nombre d'adhérents avaient bondi en Île-de-France, la région qu'elle dirige.
"À ce petit jeu-là, je pense que Laurent Wauquiez est le meilleur. Il a du métier, et sacrément plus que Bruno Retailleau qui n'est pas du genre à se frotter aux badauds", observe un député qui refuse de prendre part à la bataille.
Avec un exemple en tête: le déplacement du ministre de l'Intérieur dans la Drôme. Après un discours de 50 minutes devant les militants, l'ex-sénateur a pris le temps d'échanger avec les élus locaux puis de se rendre dans un commissariat. Mais nulle trace de discussions à bâtons rompus avec les adhérents.
Même topo ce mercredi soir avec d'un côté Laurent Wauquiez en réunion publique à Neuilly-sur-Seine et de l'autre Bruno Retailleau qui organise une soirée privée réservée aux parlementaires.
La crainte d'une "tragédie grecque"
"Je comprends que ça surprenne mais c'est son style, il fait les choses à sa façon. On ne va pas le transformer en machine à selfies avec des militants", relativise l'un des proches du patron de la place Beauvau qui affiche une certaine confiance.
"Rien n'est gagné d'avance, mais franchement, entre Laurent Wauquiez qui n'a pas fait grand-chose ces dernières années et Bruno Retailleau qui se tue à la tâche à Beauvau, il n'y a pas photo", souligne un collaborateur parlementaire.
Certains s'inquiètent pourtant des résultats du scrutin qui aura lieu le 17 et 18 mai prochain.
"Si Retailleau gagne de façon très nette, ça humilie Wauquiez et ça, c'est très mauvais. Il ne faut pas que ça tourne au match de boxe avec un KO debout, sinon ça peut très vite déraper avec des petites phrases assassines", analyse un député LR.
"Je crois que chacun sait qu'on est en train de remonter la pente. Personne n'a intérêt à ce que ça tourne à la tragédie grecque, ni Retailleau, ni Wauquiez", relativise un ex-ministre.
Il faut dire qu'après 13 ans dans l'opposition, personne ne pardonnerait à l'un comme à l'autre d'abîmer le retour des ministres LR au gouvernement.