L'ex-ministre Éric Dupond-Moretti reproche la "dérive sécuritaire" de Gérald Darmanin et Bruno Retailleau

Eric Dupond-Moretti à la rencontre des entrepreneurs de France à Paris le 28 août 2025 - Photo par XOSE BOUZAS / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
Un an après avoir quitté le gouvernement, l'ancien Garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti revient sur ses quatre années place Vendôme. Dans son livre "Juré, craché" (Michel Lafon), l'ancien avocat égratigne aussi l'actuel gouvernement, et notamment son ancien collègue à l'Intérieur Gérald Darmanin, devenu depuis ministre de la Justice.
"Je souligne le fait qu'on a bien travaillé ensemble mais je pleure le fait que nous soyons dans une dérive sécuritaire aujourd'hui. Par exemple, je ne trouve pas normal que le garde des Sceaux en exercice critique les décisions de justice", a-t-il dénoncé sur RTL.
"C'est pour moi une faute. Le garde des Sceaux, il doit garantir l'indépendance de la justice", poursuit-il. Sans cette indépendance, "on bascule de la démocratie vers une forme de totalitarisme (...) c'est ce qu'ont fait les Hongrois", estime-t-il, en évoquant la mainmise sur le pouvoir judiciaire de Viktor Orban.
"Je plaide coupable. La sécurité des Français est effectivement ma priorité absolue", lui a répondu Gérald Darmanin sur X. "Je remets de l’ordre avec fermeté, sans naïveté ni excès, dans le fonctionnement de notre Justice et dans nos prisons. Tout cela est possible avec de l’énergie et de la volonté, comme la mise en place des prisons de haute sécurité accompagnée par le Conseil d’Etat, le Parlement et le Conseil constitutionnel", a-t-il ajouté.
"Instrumentalisation"
Selon Éric Dupond-Moretti, Gérald Darmanin partage cette "dérive" avec le ministre démissionnaire de l'Intérieur, Bruno Retailleau, qui "tape à bras raccourcis sur le Conseil constitutionnel".
"Je vais vous dire l'instrumentalisation qui est faite: on présente au Conseil constitutionnel un texte qui est une malfaçon législative. On dit aux gens, on va assurer votre sécurité maintenant. On va placer des gens en rétention administrative pendant 210 jours, en particulier des gens qui ont commis un vol simple, on les traite comme des terroristes (...) Le Conseil constitutionnel, il fait quoi? Il fait son boulot. Il fait du droit, il censure", expose l'ancien garde des Sceaux.
Mais dans la bouche du ministre de l'Intérieur, "ça devient : 'Vous voyez, nous, nous avons entendu l'appel à la sécurité et le méchant Conseil constitutionnel vient saboter notre travail'", regrette Éric Dupond-Moretti.
Dans son livre, Éric Dupond-Moretti revient aussi sur son procès pour prise illégale d'intérêts, à l'issue du duquel il a été déclaré non-coupable par la Cour de justice de la République (CJR) le 29 novembre 2023. L'ancien garde des Sceaux affirme avoir été gravement affecté par cette mise en cause, aussi bien physiquement que mentalement.
"J'ai été hospitalisé deux fois, ce que je n'ai jamais raconté pendant ces événements, parce que ça ne regardait que moi, mais à un moment le corps lâche. Oui on m'a fait du mal, beaucoup de mal", a-t-il assuré. "Quand les choses ne sont pas justes, elles peuvent démolir quelqu'un".