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"On savoure": comment la droite compte capitaliser sur son retour dans les ministères pour 2027

Michel Barnier, Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau le 12 septembre 2024

Michel Barnier, Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau le 12 septembre 2024 - JEFF PACHOUD / AFP

De retour au gouvernement après des années dans l'opposition, les Républicains profitent du moment pour se former à nouveau à l'exercice du pouvoir et faire émerger de nouveaux visages. Une aubaine à trois ans de la prochaine présidentielle.

Même pas 10% de députés mais presque la moitié des ministères et des secrétariats d'État. Depuis le retour de la droite au gouvernement avec Michel Barnier à Matignon, les Républicains renouent avec gourmandise avec l'exercice du pouvoir, donnant des idées pour la future présidentielle.

Mais dans un contexte politique très incertain, les nouveaux ministres doivent apprendre très vite et espèrent laisser leur trace.

"On a mangé notre pain blanc pendant des années. Là, on savoure", résume auprès de BFMTV.com un collaborateur ministériel tout sourire après des années à travailler pour un député.

"L'ambiance a changé du tout au tout"

Depuis la défaite de Nicolas Sarkozy en 2012, la droite avait été tenue bien éloignée des allées ministérielles. Si certaines figures de la droite avaient certes franchi le rubicon à la faveur de l'élection d'Emmanuel Macron, à l'instar de Gérald Darmanin ou de Bruno Le Maire, l'immense majorité de leurs ex-collègues était restée cantonnée dans l'opposition.

"Il y a toute eu une perte générationnelle avec des visages qui se sont sacrifiés eux-mêmes. L'ambiance a changé du tout au tout", avance Jérôme Lavrilleux, ancien numéro 2 de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2012, auprès de BFMTV.com.

À l'exception de Michel Barnier, seul membre du gouvernement à avoir pratiqué l'exercice de l'État il y a plus de 15 ans, tous les nouveaux ministres et secrétaires d'État découvrent la machine ministérielle. Sans guère pouvoir compter sur les bons conseils de leurs aînés.

"Taper vite et fort dans l'opinion"

À l'Assemblée, seuls deux d'entre eux ont connu l'expérience du gouvernement - Laurent Wauquiez jusqu'en 2012 et Nicolas Forrissier sous Jacques Chirac. Avec donc une certaine pression sur les épaules pour montrer que la droite sait toujours tenir les manettes.

"Il faut faire bien, trouver des solutions rapidement, laisser une empreinte, montrer qu'on agit pour les Français avec tous les leviers à notre disposition", analyse le sénateur Alain Joyandet, ex-secrétaire d'État de Nicolas Sarkozy.

Avec manifestement déjà un certain succès pour Bruno Retailleau. Le nouveau locataire de la place Beauvau veut aller tous azimuts et défouraille à tout-va, de la lutte contre l'immigration illégale à la lutte contre le trafic de drogue.

"Notre but est de marquer une vraie rupture, de changer de braquet sur ce qui empoisonne la vie des Français", détaille la députée LR Josiane Corneloup.

"On risque de n'avoir que le ministère de la parole en l'absence de majorité donc il faut taper vite et fort dans l'opinion", résume plus abruptement un conseiller ministériel.

En l'absence de majorité absolue et une fois l'épreuve du budget passée, la question de nouveaux textes particulièrement clivants, à l'instar d'une future loi immigration déjà annoncée, va vite se poser.

Un accélérateur pour "les jeunes ambitieux"

Mais le retour en force de la droite, qui ne sera peut-être guère marqué par des changements législatifs, a également l'avantage de permettre de former très largement de nouvelles troupes au sein des cabinets ministériels.

Échanges avec les hauts fonctionnaires, dossiers qu'il faut maîtriser à fond, réseaux qui s'étoffent... Autant d'atouts que peut faire miroiter la droite pour attirer de nouveaux talents.

"Les jeunes ambitieux qui veulent bosser au gouvernement pour devenir à leur tour députés sont plus allés chez Renaissance et au RN que chez nous ces dernières années", reconnaît sans faux-semblant un sénateur LR.

"Bien sûr que ça va faire émerger de nouveaux visages pour de futures élections", se réjouit encore la députée LR Josiane Corneloup, avec souvent une prime aux proches de Laurent Wauquiez qui ne veut pas se priver d'une formation accélérée pour ses poulains.

"Des réflexes très précieux pour la suite"

Pour preuve, le nombre d'élus locaux qui ont fait leur entrée dans les ministères. Pierre Oliver, maire LR du 2e arrondissement de Lyon, et proche du président des députés LR, est devenu conseiller spécial de Nicolas Daragon, le nouveau ministre délégué à la sécurité du quotidien.

Même topo pour Louis de Cacqueray, un temps candidat putatif aux législatives, devenu conseiller au ministère délégué à la Réussite scolaire. Le vivier du cabinet d'Éric Ciotti, quand il était encore à la tête du mouvement de droite, a également fait une entrée en force dans les ministères.

"Tous ces gens-là auront beaucoup appris, acquis des réflexes très précieux pour la suite", détaille un sénateur.

Sarkozy en exemple

Avec comme modèle Nicolas Sarkozy qui avait fait monter dans son équipe pour la campagne de 2007 de nombreux visages avec qui il avait travaillé à l'Intérieur, de Rachida Dati à Frédéric Lefèvre en passant par Franck Louvrier.

Il faut dire que la situation politique redonne de l'appétit aux LR, après le score désastreux de Valérie Pécresse à la dernière présidentielle. De quoi étoffer le cercle des proches de Laurent Wauquiez qui ne fait guère mystère de ses ambitions pour 2027 et peut-être donner aussi quelques idées à Michel Barnier.

Il y a moins de trois ans, le futur Premier ministre bataillait en interne pour représenter la droite dans la course à l'Élysée.

Marie-Pierre Bourgeois