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"L'immigration, en haut de la pile": comment Michel Barnier s'affiche en soutien de Bruno Retailleau

Le Premier ministre Michel Barnier (d) et le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau à l'issue du séminaire gouvernemental à l'hôtel Matignon, le 27 septembre 2024 à Paris

Le Premier ministre Michel Barnier (d) et le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau à l'issue du séminaire gouvernemental à l'hôtel Matignon, le 27 septembre 2024 à Paris - Thomas SAMSON © 2019 AFP

Le chef du gouvernement sera présent avec Bruno Retailleau à la frontière franco-italienne ce vendredi 18 octobre pour lutter contre l'immigration irrégulière. Un vrai symbole alors que le locataire de la place Beauvau irrite une partie du camp présidentiel.

Un déplacement remarqué. Michel Barnier se rend avec son ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau ce vendredi 18 octobre à Menton (Alpes-Maritimes) puis à Vintimille en Italie pour lutter contre l'immigration irrégulière.

Au menu notamment: une rencontre avec la future unité de coopération franco-italienne qui doit échanger des renseignements sur des réseaux de passeurs à partir de janvier et la visite d'un poste-frontière.

Tout un symbole alors qu'une future loi immigration a été annoncée par la porte-parole du gouvernement dimanche dernier sur BFMTV. Les derniers débats en la matière à l'hiver dernier avaient pourtant failli faire imploser la macronie dans un contexte politique bien moins complexe.

"Michel Barnier met le sujet de l'immigration en haut de la pile de ses préoccupations, comme les Français", analyse l'entourage du locataire de la place Beauvau auprès de BFMTV.com.

À Matignon, on assure qu'il ne faut y voir aucun message politique, en égrenant les différents déplacements du chef du gouvernement depuis sa nomination, des questions d'agriculture à la santé mentale en passant par la défense des services publics.

"On marche vraiment sur la tête"

Une partie de la macronie ne partage pas le constat et voit même dans cette visite commune une mauvaise manière.

"On découvre des choses dans la presse, nous ne sommes pas reçus place Beauvau pour échanger avec le ministre. Tout cela n'est pas correct et manifestement, Michel Barnier est d'accord", s'agace le député Renaissance Ludovic Mendes, rapporteur de la dernière loi immigration.

Volonté de mettre fin à la circulaire Valls qui n'a pas été évoquée lors d'une longue audition devant la commission des Lois, souhait de Bruno Retailleau de mettre fin à l'aide médicale d'État et de la remplacer par une aide plus restreinte en dépit de propos flous de Michel Barnier qui s'est contenté de dire qu'il n'avait "ni totem" "ni tabou"...

"Et maintenant, on découvre qu'on veut envoyer des demandeurs d'asile en dehors de l'Union européenne, par exemple en Irak? On marche vraiment sur la tête", s'énerve encore Ludovic Mendes.

"Personne ne découvre qui est Bruno Retailleau"

La porte-parole du gouvernement Maud Bregeon a en effet expliqué ce jeudi que le gouvernement "étudiait" la possibilité d'envoyer des migrants dans des centres de rétention hors des frontières de l'Union européenne, comme le fait désormais l'Italie avec l'Albanie.

Le locataire de la place Beauvau, rare figure très politique du gouvernement de Michel Barnier, pousse donc ses pions. Et tant pis si plusieurs ministres désavouent publiquement leurs collègues à l'instar de la ministre de la Santé Geneviève Darrieussecq ou de la ministre du Travail Astrid Panosyan-Bouvet.

Emmanuel Macron lui-même, pourtant en retrait depuis la nomination du gouvernement, a vertement critiqué le ministre de l'Intérieur qui a jugé que "l'immigration n'était pas une chance".

"Personne ne découvre qui est Bruno Retailleau. C'est un spécialiste de la lutte contre l'immigration irrégulière. Il l'a maintes fois prouvé au Sénat et maintenant, il fait", juge l'une de ses proches, la sénatrice LR Jacqueline Eustache-Brinio auprès de BFMTV.com.

"On ne comprendrait pas que Bruno Retailleau, une fois en capacité, ne pousse pas son avantage. Le Premier ministre l'avait forcément en tête et le soutient", partage Patrick Stefanini, spécialiste des questions migratoires et ex-directeur de campagne de Valérie Pécresse en 2022.

Barnier "joue un peu à l'équilibriste"

Les deux hommes ont pourtant des divergences. Le locataire de Matignon avait ainsi fermé la porte à toute nouvelle loi immigration lors de son discours de politique générale.

"On vient de légiférer", "on va appliquer les règles", il y aura des "progrès possibles mais dans le cadre de la loi actuelle", avait expliqué Michel Barnier. Il faut dire que la loi immigration n'a été promulgué qu'en janvier dernier et qu'une partie des décrets n'a toujours pas été publiée.

Le Premier ministre s'est-il vu forcer la main par son ministre de l'Intérieur pour valider finalement le principe d'une nouvelle loi immigration? Cherche-t-il à rassurer Marine Le Pen qui a brandi la menace d'une motion de censure sans nouvelle loi immigration ?Ni l'un ni l'autre, juge un conseiller ministériel.

"Il cherche à jouer un peu l'équilibriste en évitant de fâcher ouvertement avec la gauche. Sans majorité, c'est logique. Mais quand on regarde son programme de la primaire, on sait ce qu'il pense", décrypte l'entourage d'un ministre issu de la droite.

En pleine course interne à la présidentielle en 2021, Michel Barnier avait appelé à un "moratoire de 3 à 5 ans" sur l'immigration pour "stopper immédiatement les régularisations".

Marie-Pierre Bourgeois